aident à soulager les souffrances de leurs prochains" a déclaré d'emblée la pape François dimanche, en rencontrant des personnes en situation de précarité. Et il s'est exclamé: "Personne, ici, n’est meilleur que l’autre. Nous sommes tous égaux devant le Père, tous !"
Le pape François a rencontré, dans la cathédrale de Cagliari, les personnes en précarité aidées par la Caritas sarde et plusieurs détenus de la Prison départementale de Cagliari, à l'occasion de son pèlerinage au sanctuaire de Notre Dame de Bonaria – qui a donné son nom à Buenos Aires -, hier, dimanche 22 septembre, à 15h.
Il a mis en garde contre le danger que le mot de "solidarité" ne soit effacé du vocabulaire contemporain.
Il s'est montré sévère avec qui exercerait la solidarité par calcul: "Parfois, on trouve aussi de l’arrogance dans le service des pauvres ! Je suis sûr que vous avez déjà vu ça. Cette arrogance dans le service de ceux qui ont besoin de notre service. Certains se font beaux, ils en ont plein la bouche, des pauvres ! certains instrumentalisent les pauvres par intérêt personnel ou pour leur groupe. Je sais bien, c’est humain, mais cela ne va pas ! Cela ne vient pas de Jésus. Je dirais même plus : c’est un péché. C’est un péché grave, parce que c’est utiliser, par vanité, les plus démunis, ceux qui sont dans le besoin, qui sont la chair de Jésus. J’utilise Jésus par vanité, et c’est un péché grave ! Il vaudrait mieux que ces personnes restent chez elles !"
Il invite au contraire à être "humble" à la suite de Jésus et à se faire "semeurs d'espérance".
Le discours du pape a été émaillé d'improvisations que nous avons insérées dans le texte original en italien publié par le Saint-Siège dans notre traduction que nous proposons ci-dessous.
A.Bourdin
Discours du pape
Chers frères et sœurs,
Merci à tous d’être ici aujourd’hui. Sur vos visages, je vois de la fatigue, mais je vois aussi de l’espérance. Sentez-vous aimés par le Seigneur, et aussi par tant de bonnes personnes qui, par leur prière et par leurs œuvres, aident à soulager les souffrances de leurs prochains. Je me sens chez moi, ici. Et j’espère que vous aussi vous vous sentez chez vous dans cette cathédrale : comme on dit en Amérique latine, « cette maison est votre maison », c’est votre maison.
Ici, nous sentons fortement et concrètement que nous sommes tous frères. Ici, l’unique Père est notre Père du ciel et l’unique maître est Jésus-Christ. Alors, la première chose que je voulais partager avec vous, c’est précisément cette joie d’avoir Jésus pour maître, comme modèle de vie. Regardons-le ! Cela nous donne beaucoup de force, beaucoup de consolations dans nos fragilités, dans nos malheurs et dans nos difficultés. Nous avons tous des difficultés, tous. Nous tous qui sommes ici, nous avons des difficultés. Nous tous qui sommes ici, tous, nous avons des malheurs et nous tous qui sommes ici, nous avons des fragilités. Personne, ici, n’est meilleur que l’autre. Nous sommes tous égaux devant le Père, tous !
1. Et en regardant Jésus, nous voyons qu’il a choisi la voie de l’humilité et du service. Ou plutôt, il est lui-même, en personne, cette voie. Jésus n’a pas été indécis, il n’a pas été « Monsieur à quoi bon » : il a fait un choix et l’a assumé jusqu’au bout. Il a choisi de se faire homme, et comme homme de se faire serviteur, jusqu’à la mort sur la croix. Voilà la voie de l’amour : il n’y en a pas d’autre. Nous voyons donc que la charité n’est pas simplement de l’assistanat, et encore moins de l’assistanat pour tranquilliser les consciences. Non, ça ce n’est pas de l’amour, c’est du négoce, des affaires. L’amour est gratuit. La charité, l’amour est un choix de vie, une manière d’être, de vivre, c’est la voie de l’humilité et de la solidarité. Il n’existe pas d’autre voie pour cet amour : être humble et solidaire.
Ce mot, « solidarité », dans notre culture du rejet – on jette ce qui ne sert pas – pour ne garder que ceux qui se croient justes, qui se croient purs, qui se croient propres. Les pauvres ! Ce mot de « solidarité », risque d’être supprimé du dictionnaire, parce que c’est un mot qui dérange, qui dérange. Pourquoi ? Parce qu’il t’oblige à regarder l’autre et à te donner à l’autre avec amour. Il vaut mieux le supprimer du dictionnaire, parce qu’il dérange. Et nous, non ; nous, nous disons : « voilà la voie, l’humilité et la solidarité ». Pourquoi ? Ce sont nous, les prêtres, qui l’avons inventé ? Non ! C’est Jésus. C’est lui qui en a parlé. Et nous voulons prendre cette route. L’humilité du Christ n’est pas du moralisme, un sentiment. L’humilité du Christ est réelle, c’est le choix d’être petit, de rester avec les petits, avec ceux qui sont exclus, de rester entre nous, tous pécheurs. Attention ! ce n’est pas une idéologie ! C’est une manière d’être et de vivre qui part de l’amour, qui part du cœur de Dieu.
C’est la première chose, et je suis très heureux d’en parler avec vous. Regardons Jésus : c’est lui notre joie, mais aussi notre force, notre certitude, parce qu’il est la voie sûre : l’humilité, la solidarité, le service. Il n’y a pas d’autre voie. Dans la statue de Notre Dame de Bonaria, le Christ est présenté dans les bras de Marie. Et elle, comme une bonne mère, elle nous le montre, elle nous dit d’avoir confiance en lui.
2. Mais il ne suffit pas de regarder, il faut suivre ! Et c’est le second point. Jésus n’est pas venu dans le monde pour participer à un défilé, pour se faire voir. Il n’est pas venu pour cela. Jésus est le chemin, et un chemin est fait pour qu’on y marche, pour qu’on le parcoure. Alors, je veux avant tout remercier le Seigneur pour votre engagement à le suivre, même avec votre fatigue, vos souffrances, derrière les murs d’une prison. Continuons à lui faire confiance, il donnera la joie et l’espérance à votre cœur. Je veux le remercier pour vous tous, qui vous consacrez généreusement, ici à Cagliari et dans toute la Sardaigne, aux œuvres de miséricorde. Je désire vous encourager à continuer sur cette route, à avancer ensemble, en cherchant avant tout à conserver la charité entre vous. C’est très important.
Nous ne pouvons pas suivre Jésus sur la voie de la charité si nous ne nous aimons pas d’abord entre nous, si nous ne nous efforçons pas de collaborer, de nous comprendre mutuellement et de nous pardonner, chacun reconnaissant ses limites et ses erreurs. Nous devons faire les œuvres de miséricorde, mais avec miséricorde ! En y mettant notre cœur. Les œuvres de charité avec charité, avec tendresse et toujours avec humilité. Vous savez ? Parfois, on trouve aussi de l’arrogance dans le service des pauvres ! Je suis sûr que vous avez déjà vu ça. Cette arrogance dans le service de ceux qui ont besoin de notre service. Certains se font beaux, ils en ont plein la bouche, des pauvres ! certains instrumentalisent les pauvres par intérêt personnel ou pour leur groupe. Je sais bien, c’est humain, mais cela ne va pas ! Cela ne vient pas de Jésus. Je dirais même plus : c’est un péché. C’est un péché grave, parce que c’est utiliser, par vanité, les plus démunis, ceux qui sont dans le besoin, qui sont la chair de Jésus. J’utilise Jésus par vanité, et c’est un péché grave ! Il vaudrait mieux que ces personnes restent chez elles !
Donc : suivre Jésus sur la voie de la charité, aller avec lui vers les périphéries existentielles. « La charité du Christ me presse ! », disait saint Paul (cf. 2 Cor 5,14). Pour le bon Pasteur, ce qui est loin, à la périphérie, ce qui est perdu et méprisé, fait l’objet d’un plus grand soin, et l’Église ne peut que faire siennes cette prédilection et cette attention. Dans l’Église, les premiers sont ceux qui ont de plus grandes nécessités humaines, spirituelles, matérielles, de plus grandes nécessités.
3. Et en suivant Jésus sur la voie de la charité, nous semons l’espérance. Semer l’espérance : voici la troisième conviction que j’aime partager avec vous. La société italienne, aujourd’hui, a un grand besoin d’espérance, et la Sardaigne en particulier. Ceux qui ont des responsabilités politiques et civiles ont leur devoir que nous devons soutenir activement en tant que citoyens. Certains membres de la communauté chrétienne sont appelés à s’engager dans ce domaine de la politique, qui est une forme élevée de charité, comme le disait Paul VI.
Mais comme Église, nous avons tous une grande responsabilité qui est de semer l’espérance par des œuvres de solidarité, en cherchant toujours à collaborer le mieux possible avec les institutions publiques, dans le respect des compétences respectives. La Caritas est l’expression de la communauté, et la force de la communauté chrétienne est de faire grandir la société de l’intérieur, comme le levain. Je pense à vos initiatives avec les détenus dans les prisons, je pense au volontariat de tant d’associations, à la solidarité avec les familles qui souffrent le plus à cause du manque de travail. Pour tout cela, je vous dis : Courage ! Ne vous laissez pas voler l’espérance et avancez ! Qu’on ne vous la vole pas ! Au contraire, semez l’espérance ! Merci, mes chers amis ! Je vous bénis tous, avec vos familles. Et merci à vous tous !
Le pape a ensuite salué différentes personnes, bénissant les objets de dévotion, puis il a prié le « Notre Père » avec les personnes présentes dans la cathédrale, et il a ajouté, avant de continuer à saluer les personnes qui se pressaient autour de lui:
Que le Seigneur vous bénisse tous : vos familles, vos problèmes, vos joies et vos espérances. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Et s’il vous plaît, je vous demande de prier pour moi, j’en ai besoin !
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat