Mgr Vincenzo Paglia, président du Conseil pontifical pour la famille, est intervenu à l’occasion d’un évènement organisé par la mission permanente du Saint-Siège auprès des Nations Unies, le 15 février 2013.
Mgr Francis Chullikatt, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations-Unies de New-York; M. Nassir Adulaziz Al Nasser, ancien représentant du Qatar pour les Nations-Unies, le rabbin Jeremy Rosen de New York et Mme Helen Avaré professeur de droit, sont également intervenus.
L’initiative, sous l’auspice du Département des affaires économiques et sociales (ECOSOC), avait pour but de réfléchir sur les défis actuels auxquels est confrontée la famille dans le monde.
L’archevêque a souligné l’attention particulière du Saint-Siège « sur les questions fondamentales de la vie et des relations humaines », comme sa présence à New-York l’illustrait, au cœur même d’un « moment particulièrement important pour le monde catholique », dû à la renonciation de Benoît XVI.
Mgr Paglia a construit son exposé autour de quatre domaines, en s'appuyant sur des études sociologiques promues par son dicastère.
Le couple et le mariage
« Le fait de se marier constitue une valeur ajoutée pour les personnes et pour la société, dans la mesure où le contrat de mariage améliore la qualité de la relation du couple et a des conséquences positives importantes (biologiques, psychologiques, économiques et sociales) pour les enfants et les adultes », a déclaré l’archevêque.
Au contraire, « la simple cohabitation n'est pas égale au mariage parce qu'elle rend les relations instables et crée une grande incertitude dans la vie des enfants », a-t-il ajouté.
« Le divorce lui-même (ou le choix de la monoparentalité) augmente le risque d'échec scolaire pour les enfants » et il augmente le risque « de pauvreté des enfants et des mères » et de l’échec de « la socialisation des enfants ». En outre, « les belles-familles et les familles recomposées rencontrent de nombreux problèmes au niveau des relations entre les nouveaux parents et les enfants des unions précédentes ».
En définitive, « la stabilité des relations familiales est un bien précieux, et quand elle fait défaut, tous les membres de la famille sont en danger ».
Préoccupations intergénérationnelles
« Les familles naturelles font l’expérience de la solidarité entre les générations beaucoup plus souvent et plus profondément que les autres formes de vie en commun », a poursuivi Mgr Paglia : « les enfants qui vivent avec leurs parents biologiques jouissent d’une meilleure santé physique et psychologique ; ils expérimentent une plus grande confiance et davantage d'espoir dans la vie, en comparaison avec ceux qui vivent dans d'autres contextes ».
En effet, a expliqué l’archevêque en s’appuyant sur des études, « dans les familles recomposées après une séparation, les parents ont de grandes difficultés à développer leur rôle éducatif et sont plus souvent en désaccord sur des questions d’éducation. Les parents seuls, ou ceux qui sont séparés ou divorcés, se caractérisent par une méfiance importante à l’égard des contextes sociaux extérieurs et développent une vision privatisée de la famille ».
Il a aussi évoqué « les enfants élevés sans père », déplorant qu’ils « représentent une très forte proportion des sans-abri, des adolescents qui commettent des homicides, des suicides d'adolescents et des jeunes incarcérés ».
« Trop souvent, les décisions, même les décisions législatives, semblent se faire sans prendre en compte les conséquences tragiques qui pourraient en résulter », a mis en garde l’archevêque.
La famille et le travail
« Il est crucial de se rappeler que la famille constitue une ressource extrêmement importante pour le monde du travail, bien plus que le monde du travail ne profite à la famille », a estimé Mgr Paglia par ailleurs, dénonçant le fait que « le monde du travail « exploite » les ressources de la famille et ne prend pas suffisamment en compte les exigences de la vie familiale ».
« Il est extrêmement difficile pour les familles, en particulier pour celles avec des enfants, d'harmoniser vie familiale et vie professionnelle », a-t-il constaté, appelant le monde du travail à « s'organiser de manière à mettre au premier plan les besoins de la famille ».
Cependant, a-t-il souligné, « les actions du gouvernement, lorsqu’elles touchent les familles, doivent être examinées attentivement » : en lançant des programmes d’aide « pour des situations où la famille est brisée, instable ou manquant de ressources internes », il risque « de se substituer à la famille, ou du moins à certains éléments absents de la famille ».
Ce qui « produit une sorte de cercle vicieux où, au lieu de renforcer les relations familiales, il les affaiblit encore plus loin, créant ainsi un besoin accru de l'aide gouvernementale », a fait observer l’archevêque. Or, « le gouvernement lui-même ne peut pas fonctionner comme une famille, mais seulement à titre d'organisme ».
Par conséquent, « il est important non seulement que les programmes gouvernementaux promeuvent le « courant traditionnel de la famille » (« family mainstreaming ») mais, et c’est le plus important, que le gouvernement ait une compréhension correcte de la famille lorsqu’il établit une politique publique et qu’il respecte la subsidiarité, qui devrait être un principe directeur de toute action gouvernementale », a insisté Mgr Paglia.
Le capital familial et social
Enfin, pour son quatrième point, l’archevêque a rappelé que « les processus politiques et économiques libres et démocratiques ne sont possibles que là où il y a un tissu social solide », et, selon les mots d'Alexis de Tocqueville, « la démocratie moderne a besoin d'une famille solide et stable ».
« Cela signifie que non seulement la famille bénéficie d'un tissu social solide, mais que, en construisant et en renforçant les relations, elle est également créatrice d’un capital social fondamental », a-t-il précisé, définissant la famille, comme une source importante de « la richesse des nations », selon la terminologie d'Adam Smith.
En conclusion, « la famille naturelle (mariage, père, mère, enfants) est et demeure une ressource vitale pour la société » et si elle « a changé au cours des siècles », cependant, « quelles que soient les circonstances que les familles peuvent rencontrer sur un plan empirique, le génome constitutionnel de la famille ne cesse pas d'être la source et l'origine de la société » : sans ce « génome social », la société perdrait la qualité et la puissance de la famille comme organisme vivant (cellule fondamentale).
En outre, « le fait que la famille est une école fondamentale de l'amour et de la gratitude » confirme la « conviction « humanisante » que l’insertion sociale et la solidarité humaine sont possibles », notamment grâce aux familles « où des membres plus faibles et des personnes handicapées sont présents », ou « celles qui adoptent des enfants ou agissent en tant que familles d'accueil ».
Traduction d’Hélène Ginabat
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