: http://www.zenit.org/fr/articles/europe-le-danger-de-l-intolerance-au-nom-de-la-tolerance).
Une intervention prononcée par le secrétaire du Conseil pontifical « Justice et Paix », Mgr Mario Toso, le 21 mai dernier à Tirana, en Albanie. Cette conférence sur la tolérance et la non-discrimination (y compris en lien avec l’éducation des jeunes à la tolérance et à la non-discrimination, dans le contexte des droits de l’homme), était promue par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le thème de la seconde séance plénière était : Combattre l’intolérance et la discrimination à l’égard des chrétiens et des membres d’autres religions (21-22 mai 2013).
Intervention de Mgr Mario Toso
Monsieur le président,
À la dernière conférence de haut niveau sur la tolérance et la non-discrimination, qui s’est tenue il y a trois ans à Astana, les États y participant se sont engagés, entre autres, à lutter contre les préjugés, la discrimination, l’intolérance et la violence contre les chrétiens et les membres d’autres religions, y compris les religions minoritaires, qui continuent d’être présents dans la région de l’OSCE. Ils étaient aussi appelés à s’occuper des problèmes de négation des droits, d’exclusion et de marginalisation de chrétiens et de membres d’autres religions, dans nos sociétés. Malheureusement, les exemples d’intolérance et de discrimination contre les chrétiens n’ont pas diminué, ils ont plutôt augmenté dans diverses parties de la région de l’OSCE, malgré un certain nombre de réunions et de conférences sur le sujet, organisées également par l’OSCE et par l’ODIHR.
Monsieur le président, cette année, nous célébrons les 1700 ans de l’Édit de Milan, publié en 313 A.D. par l’empereur Constantin, l’un des documents les plus importants dans l’histoire liée à la liberté religieuse. Avec ce décret, la persécution des chrétiens s’est enfin terminée, le christianisme a été légalisé et la liberté religieuse a été accordée et garantie pour tous dans tout l’Empire romain. Il est donc regrettable de constater que, dans la région de l’OSCE, une ligne de démarcation claire a été tracée entre croyance religieuse et pratique religieuse, au point que l’on rappelle souvent aux chrétiens, dans des discours publics (et de plus en plus souvent même dans les tribunaux), qu’ils peuvent croire ce qu’ils veulent chez eux ou dans leur tête, et qu’ils peuvent pratiquer tant qu’ils veulent dans leurs églises privées, mais qu’ils ne peuvent tout simplement pas agir selon ces croyances en public. Il s’agit là d’une entorse et d’une limitation délibérées à ce que signifie réellement la liberté religieuse, et ce n’est pas la liberté qui a été inscrite dans les documents internationaux, à commencer par ceux des débuts de l’OSCE, avec l’Acte final d’Helsinki de 1975, jusqu’au Document final de Vienne de 1989 et au Document de Copenhague de 1990, et en incluant la Déclaration commémorative du sommet d’Astana en 2010. Il y a de nombreux domaines où l’intolérance contre les chrétiens est très visible, mais deux d’entre eux sont particulièrement éloquents actuellement.
Le premier est l’intolérance à l’égard du discours chrétien. Dans les dernières années, il y a eu une augmentation significative d’incidents impliquant des chrétiens qui ont été arrêtés et même poursuivis pour avoir parlé de problèmes chrétiens. Des responsables religieux sont menacés d’intervention policière parce qu’ils ont prêché sur le péché et certains sont même condamnés à la prison pour avoir prêché sur les enseignements bibliques s’opposant aux comportements sexuels immoraux. Même des conversations privées entre citoyens, y compris l’expression d’opinions sur le réseau social, peuvent devenir un motif de plainte au pénal, ou au moins d’attitude intolérante, dans de nombreux pays d’Europe. Le second domaine où l’intolérance contre les chrétiens est très visible est celui de la conscience chrétienne, en particulier sur le lieu de travail.
Dans toute l’Europe, il y a de nombreux exemples de chrétiens qui ont été renvoyés de leur travail simplement parce qu’ils avaient agi selon leur conscience. Certains cas sont connus puisqu’ils ont été devant la Cour européenne des droits de l’homme. Il est surprenant qu’après des siècles de lutte pour la liberté de conscience, certains citoyens de la région de l’OSCE, au XXIè siècle soient maintenant forcés de choisir entre deux scénarios impossibles : ils peuvent abandonner leur foi en agissant contre leur conscience, ou résister et risquer de perdre leur moyen de subsistance. Les États membres de l’OSCE doivent donc garantir la fin de l’intolérance et de la discrimination contre les chrétiens, permettant aux chrétiens de parler librement sur des questions qui peuvent ne pas plaire au gouvernement ou à d’autres, et d’agir selon leur conscience sur leur lieu de travail ou ailleurs.
La discrimination contre les chrétiens, même là où ils sont majoritaires, doit être considérée comme une menace sérieuse pour l’ensemble de la société et elle doit donc être combattue comme c’est le cas, à juste titre, pour l’antisémitisme et l’islamophobie. Une attention particulière devrait être accordée aux cas répandus de vandalisme visant des églises et des cimetières chrétiens. Des graffiti insultants ou moqueurs, des fenêtres cassées, des lieux de prière et de culte brûlés, profanés ou dévastés, des tombes abimées ou détruites, en particulier les croix tombales, ont été observés dans toute la région de l’OSCE. Tous ces actes ne sont pas simplement des incidents anodins commis par des adolescents irresponsables ou par des personnes souffrant de troubles mentaux, comme on le prétend souvent, mais ils sont plutôt le résultat d’un plan prémédité et devrait donc être traités comme un message explicite de haine et un crime haineux contre les chrétiens qui sont représentés par ces symboles de leur foi, et qui s’identifient à eux.
Monsieur le président, l’intolérance au nom de la « tolérance » doit être appelée par son nom et condamnée publiquement. Il est intolérant et anti-démocratique de nier le droit de cité sur la place publique aux arguments moraux fondés sur la religion. Ou, pour le dire autrement, en cas de conflit de droits, la liberté religieuse ne doit jamais être considérée comme inférieure. D’autre part, le problème de la liberté religieuse ne peut pas et ne devrait pas être assimilé à celui de l’intolérance. Si l’intolérance était la suprême valeur humaine et de civilisation, alors toute conviction authentiquement sincère qui en exclut une autre deviendrait équivalente à de l’intolérance.
De plus, si toutes les convictions se valaient, on finirait par s’accommoder de n’importe quelle aberration. En ce qui concerne la prévention et la réponse à apporter à l’intolérance ainsi qu’à la discrimination et aux crimes haineux contre les chrétiens, ma délégation croit que cette question doit être considérée en lien étroit avec la promotion de la liberté religieuse. Le droit de croire en Dieu et de pratiquer cette croyance est un droit humain fondamental, au centre des engagements de l’OSCE. En conclusion, je désire exprimer la confiance du Saint-Siège dans la contribution que cette Conférence de haut-niveau apportera au développement de propositions concrètes et efficaces pour lutter contre l’intolérance et la discrimination, ainsi que contre les crimes et les accidents motivés par la haine contre les chrétiens.
Merci, Monsieur le président !
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat