Quand j’ai parlé à mes parents au sujet de ma vocation et de ma décision d’entrer au séminaire, maman et papa ont commencé à pleurer.
Je me suis dit « peut être ils ne sont pas d’accord ». Mais maman a interrompu ma réflexion en me disant : « J’ose reprendre deux passages de toi, parce que tu montres d’une manière singulière la présence gratuite et le dessein de Dieu dans l’âme d’un enfant.
Un jour quand tu étais enfant (moins de 8 ans) ton papa et moi, en prenant ensemble, du café le matin, m’a dit : « Pierre sera prêtre prêcheur ou avocat (…) ce que je n’ai pas, moi-même, réalisé dans ma vie, Pierre va le faire. Ça se voit jour après jour ».
« Tu es très pieux. Tu n’oublies jamais de faire ta prière le soir. C’est tout un rite : aller chercher l’image de la vierge Marie et te mettre à genoux devant : ne surtout pas oublier « amen » après le signe de la croix… ».
Je suis le neuvième de treize enfants. J’ai huit frères et quatre sœurs. J’aime ma famille, ce fut un vrai lieu d’éducation. Mes souvenirs d’enfance sont nombreux et dignes d’envie. Noël et Pâques ont été des moments importants d’évocation spirituelle. La pratique dominicale n’a jamais cessé. Le Seigneur a pu travailler allègrement dans le cœur de son enfant.
2. Adolescence : Dieu m’a toujours accompagné
Je ne peux pas dire que mon adolescence ait été marquée par de fortes crises ou accompagnée de signes de rébellion. Bien sûr, j’ai connu les difficultés propres à l’adolescence. Je n’ai pas été épargné par l’esprit de contradiction envers l’autorité, l’influence de compagnies pas toujours très honnêtes, en quête d’aventure et d’émotions.
Pendant cette croissance progressive sans accoups, Dieu ne cessait de m’offrir sa protection à travers mes parents, ma grand-mère maternelle et mes voisins si pieux. Depuis l’âge de sept ans, le Seigneur trouvait le moyen de me mettre en contact avec une sainte laïque, mon instructrice de français et de catéchèse. Je me souviens bien d’elle qui m’a suivi pendant toute cette période d’adolescence. J’en garde des sentiments de grande gratitude, car elle a été pour moi une présence vive de Dieu et de sa grâce.
Elle était bonne comme le pain. Chaque semaine, on se voyait au catéchisme. J’allais la voir avec mes copains pour se parler de Jésus. Je me souviens de sa petite chambre de retraite, de sa douceur de son humilité, de son amour de Dieu, de son zèle missionnaire, et de sa protection … A chaque rencontre, elle nous donnait quelques points à méditer, à prier et aussi des bonbons et de chocolat. J’étais ravi de la rencontrer régulièrement. Sa bonté m’attirait… Elle m’a encouragé de m’engager dans le « mouvement des chevaliers » (Firsen) et puis « les pionniers de la Vièrge » (Talaï) où j’en suis devenu le responsable sur la paroisse et après sur l’ensemble du diocèse. Quand je suis ordonné prêtre, le père évêque m’a nommé l’aumônier diocésain des jeunes et de l’équipe missionnaire… Cet engagement dans la vie de l’Eglise et auprès les jeunes m’a beaucoup aidé à découvrir ma vocation sacerdotale.
Le second, que j’allais rencontrer presque simultanément au premier, était mon aumônier, un moine ermite. Depuis que je l’avais rencontré, sa présence avait été pour moi comme un encouragement et une intercession. Il m’a appris à approfondir l’enseignement du Christ et de l’Eglise, et m’a donné le goût de connaître ma foi.
Les difficultés propres de l’adolescence commencèrent à surgir avec plus de véhémence : les soirées, les amis, les faux-amis… Là encore, je fis la rencontre providentielle de ce moine ! J’éprouvais toujours le désir de me confesser régulièrement et je savais pourvoir le retrouver à certaines heures, dans son confessionnal. Il m’accueillait toujours avec un grand cœur de prêtre. Je me rappelle d’une occasion où il me demanda en confession : « as-tu déjà pensé à être prêtre ? ». C’était une confirmation de l’appel de Dieu que j’avais vécu une année plus tôt. Voilà le moment d’exposer comment se fit pour moi l’appel du Christ à le suivre.
3. L’appel de Dieu : Deux clins d’œil
Régulièrement, je prenais rendez-vous avec mon aumônier pour une rencontre de silence et de méditation sur les vérités fondamentales de ma vie et de ma foi. En 1989, à l’âge de mes 16 ans, pendant une retraite des jeunes, le père parla de choix de vie. Il nous proposa pendant un temps libre de prendre une feuille de papier, d’y inscrire sur un côté « vocation au mariage » et de l’autre « vocation sacerdotale ou consacrée ». Sur chaque côté de la feuille, il s’agissait de faire deux colonnes indiquant les « pours » et les « contres ». Dans le secret de ma cellule, au fur et à mesure que je remplissais les colonnes, je me rendis compte que toute ma sensibilité me portait à donner une grande valeur à la vocation sacerdotale. Ce fut comme une lumière très forte. Et la question se posa alors… « Moi, prêtre ? » Surpris par cette voix intérieure, et même inquiet de ses possibles conséquences, je courus frapper à la porte du père pour lui annoncer l’occurrence. Avec une grande sagesse, il me dit que cela pouvait en effet peut-être un signe. Je lui disais combien cela me paraissait lointain. C’était effectivement la première fois qu’une idée de vocation sacerdotale me traversait l’esprit. Il me conseilla de vivre désormais dans la prière et la pureté du cœur, de façon à écouter la Parole et à discerner la volonté de Dieu.
Ce premier clin d’œil de Dieu me subjugua. Le Seigneur n’eût pas à répéter deux fois la même chose. Je gardais profondément dans ma mémoire ce « regard » du Christ. Jamais je ne mendierai d’autres signes.
Les années qui suivirent furent clarifiantes. L’idée du sacerdoce se faisait chaque jour plus pressante. Pendant mon année de terminal, je ressentis vivement le désir de me donner, sans plus attendre. Je me rappelle certaines heures d’études plutôt cruelles : d’un côté, ces cours de philosophie et de psychologie, et d’un autre, tant d’âmes à sauver de l’ignorance de la foi. Combien de fois pendant cette dernière année me suis-je mis à songer à la réalité de notre salut !
A la fin de cette année, après le premier clin d’œil, j’ai décidé de me consacrer à Dieu. Je me décidai à dédier mon été à trouver le lieu spécifique de ma vocation sacerdotale. C’est ce que j’annonçais à mes parents – leur générosité m’a toujours été d’un grand appui -, plus ou moins en ces mots : « Papa, maman, le Christ m’appelle à le suivre, mais je ne sais pas où. Je pars à sa rencontre ».
Après d’autres expériences, et après le consentement de mon évêque (10/9/1993) et sur son conseil, j’ai fait une retraite spirituelle au séminaire de Ghazir pour mieux connaître et découvrir ma vocation. Je n’avais pas peur de l’inconnu. Je ne savais pas ce que j’allais trouver sur place. Mais me voilà donc embarqué dans une véritable aventure, prêt à frapper à la porte du Seigneur jusqu’à ce qu’Il m’indique sa volonté. Le reste n’avait pas d’importance.
J’ai vécu au séminaire une expérience profonde de prière, de joie, de jeunesse, de charité, d’enthousiasme apostolique et de fidélité à l’Eglise. C’est dans le recueillement que le bourgeon a mûri, puis éclaté. Le discernement s’est opéré dans la tranquillité et dans la prière. Je ne souviens pas d’un moment précis où le Seigneur m’aurait dit : « Sois légionnaire ». Réflexions et travail de l’Esprit Saint m’ont amené à la conclusion de ce discernement.
4. L’annonce en famille Les calculs humains font déroute… !
Nous avons longuement parlé en famille. Dans une soirée, voilà qu’elle s’effondre en larmes, et moi avec elle. S’agissait-il d’une grâce ponctuelle. Elle réalisait tout d’un coup, à haute voix, que c’est le Seigneur Jésus qui appelait son fils à une haute vocation. Un fils prêtre : n’est-ce pas un don immense pour la famille ? Finies les plaintes, finis les raisonnements trop humains. Nous entrons dans la sphère mystérieuse de Dieu. Maman avait compris. Il s’agit des voies du Seigneur, elles sont impénétrables. Papa, qui arriva dans la soirée, donnait sans rechigner son approbation. Je crois qu’il avait déjà l’intuition de ce qui se passait dans le cœur de son garçon. « Je le savais, m’avait-il dit un jour à ma grande surprise ». Quel exemple pour tant de parents qui examinent souvent à la loupe si la vocation de leur enfant correspond à leur désir…
Je suis entré au séminaire le17/10/1993. Je commençai un chemin de consécration totale… L’aventure à la suite du Christ ne fait que commencer !
Le 22 juillet 2000, je suis ordonné prêtre diocésain en pleurant à l’appel de Dieu à devenir prêtre du Christ au service de l’Eglise. Cette décision pour moi était définitive. Jamais je ne penserais revenir en arrière.
Père Pierre Tanios