rapporte « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris, dans cette dépêche.
Le 13 juin dernier, Sami ul Haq, chef du Jamiat Ulema-e-Islam (Sami ul Haq) (JUI-S), a déclaré que son parti retirait le recours introduit fin mai devant la Cour Suprême visant à faire interdire la Bible au motif de son caractère « blasphématoire ». Les responsables chrétiens du Pakistan ont accueilli avec soulagement ce recul du parti islamiste, même s’ils considèrent qu’il n’est pas le signe d’une amélioration fondamentale du sort fait à la minorité chrétienne du pays.
Le 30 mai dernier, un responsable religieux du JUI-S, le maulana Abdul Rauf Farroqi, avait convoqué la presse pour expliquer que la Bible contenait des passages « pornographiques » et était irrespectueuse envers certains prophètes. A ce titre, le livre saint des chrétiens était considéré comme « blasphématoire » et devait donc faire l’objet d’une plainte en justice. Le religieux musulman ne cachait pas que son recours devant la Cour Suprême s’inscrivait dans le contexte de l’immolation par le feu, en mars dernier, d’un exemplaire du Coran aux Etats-Unis par le pasteur Terry Jones (1) ; il soulignait toutefois que les musulmans ne désiraient pas se faire justice eux-mêmes mais entendaient respecter les voies légales en saisissant la justice. La démarche du responsable du parti islamiste avait immédiatement soulevé la désapprobation des responsables chrétiens du Pakistan, certains d’entre eux dénonçant « une manœuvre visant à susciter un esprit de croisade » (2).
Le 13 juin, Sami ul Haq a justifié le retrait du recours introduit devant la haute cour en mettant en avant l’engagement de son parti en faveur de « la solidarité religieuse ». « A l’instar des fidèles des autres religions, les musulmans doivent le respect aux livres saints. J’ai parlé avec la personne qui a demandé que la Bible soit interdite et je l’ai convaincu que ce n’était pas une bonne décision », a-t-il expliqué sans plus de détails.
Pour Julius Salik, chrétien, ancien ministre fédéral pour le Développement des communautés et fondateur de la World Minorities Alliance, le recul du JUI-S est « un geste appréciable et apprécié, pris par un responsable religieux qui connaît en profondeur la foi musulmane, à l’heure où il est difficile de trouver quelqu’un désireux d’œuvrer à l’harmonie interreligieuse ».
Selon le P. Francis Nadeem, prêtre catholique, responsable du Conseil national pour le dialogue interreligieux, la décision prise par Sami ul Haq ne doit toutefois pas être interprétée comme un pas décisif vers une plus grande harmonie interreligieuse. « A la base, le recours était nul et non avenu : personne n’aurait pris la responsabilité d’assurer la défense de cette plainte devant les juges suprêmes car il est impossible de traduire en justice un livre saint. Jésus Christ est mentionné dans le Coran sous le nom de Iesa et toute démarche visant à nuire à la Bible entrerait en contradiction avec la foi professée par la vaste majorité des habitants de ce pays », a expliqué le P. Nadeem, qui rappelle que l’actualité récente n’incite pas à l’optimisme quant au sort réservé à la minorité chrétienne du Pakistan.
Au plan national, l’avenir du ministère fédéral pour les Minorités demeure incertain. Paul Bhatti, frère du ministre Shahbaz Bhatti, assassiné le 2 mars dernier, a bien été nommé « conseiller spécial » du Premier ministre pour les Affaires des minorités et un autre catholique, Akram Gill, a pris le titre de « ministre d’Etat », mais aucune de ces deux personnalités n’a le titre de « ministre fédéral », le seul qui assure un certain pouvoir. Selon la récente loi de finances, le présent « ministère pour l’Harmonie interreligieuse et les Minorités » n’a encore été doté d’aucun budget.
Sur un plan plus local, au Pendjab, une jeune chrétienne, infirmière et âgée de 24 ans, a été enlevée et contrainte à se convertir à l’islam avant d’être mariée de force à un employé de banque musulman. La jeune femme, battue et séquestrée, a été contrainte de signer une déclaration affirmant s’être convertie volontairement et librement. Selon les organisations chrétiennes qui tentent de la défendre au plan judiciaire, le sort de Farah Hatim, la jeune femme en question, est emblématique des cas de conversions forcées à l’islam, des viols et des mariages forcés qui touchent les jeunes femmes issues des minorités religieuses, marginalisées par leur foi et leur statut social. Selon l’agence Fides, on en dénombre plus de 700 par an. Pour Mgr Lawrence Saldanha, archevêque émérite de Lahore, « il sera très difficile de remporter cette bataille et d’obtenir la libération de la jeune femme. La loi n’est pas en notre faveur, les pressions sont fortes sur les chrétiens et sur les fonctionnaires. Nous avons connaissance de nombreux cas semblables à celui de Farah Hatim et de nombreux autres ne seront jamais connus car les chrétiens sont menacés et ont peur de s’exposer. Il s’agit de violations flagrantes des droits de l’homme, de la liberté de conscience et de religion ».
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