Menaces, tortures et terreur : les extrémistes musulmans exercent une forte pression sur la minorité chrétienne au Pakistan, mais la grande majorité de ceux qui croient en Jésus Christ restent solidement ancrés dans leur foi.
Toutefois, certains d'entre eux se voient forcés de passer à l'Islam, affirme dans cette interview Mgr Lawrence Saldanha, archevêque de Lahore et président de la Conférence épiscopale du Pakistan.
A l'occasion de la présentation fin octobre, à Berlin et dans d'autres capitales européennes, du nouveau Rapport sur la liberté religieuse dans le monde – un volume de 600 pages – rédigé comme chaque année par l'association Aide à l'Eglise en détresse, l'archevêque a souhaité que cet évènement puisse sensibiliser les gens à la cause des chrétiens du Pakistan, en les incitant à prier pour leurs frères et soeurs en danger.
Zenit – Dans une lettre adressée en septembre au nouveau président du Pakistan, vous avez lancé un appel pour qu'il défende les droits des minorités. Quelle a été sa réponse ?
Mgr Lawrence Saldanha – Il n'a rien dit. Il a reçu ma lettre qui, du moins je l'espère, aura produit quelque effet sur lui, mais il ne s'est pas prononcé ouvertement sur la question. Toutefois, je considère comme positif le fait qu'il l'ait lue.
Zenit – Le problème des discriminations se pose-t-il toujours de façon aussi aiguë que par le passé ?
Mgr Lawrence Saldanha – Oui, toujours, parce qu'aujourd'hui, les extrémistes musulmans, les fondamentalistes islamiques, veulent imposer leurs idées sur l'islam. Ils défendent des conceptions très rigides et prétendent surtout voir s'instaurer le droit islamique. Ils voudraient, par exemple, que les femmes portent le voile et que les hommes se laissent pousser la barbe. S'il ne tenait qu'à eux, le cinéma et la télévision, par exemple, seraient abolis.
Mais les chrétiens ne sont pas les seuls à faire les frais de cet extrémisme, les autres musulmans aussi.
Zenit – En 2007 on a assisté à plusieurs tentatives de faire adopter des lois interdisant de changer de religion. Quelle est la situation actuelle ?
Mgr Lawrence Saldanha – Ces lois ne sont pas encore passées, mais elles le seront peut-être. Dans ce cas, tout le monde – y compris les musulmans eux-mêmes – aura beaucoup de difficultés pour changer de religion.
Il arrive de plus en plus fréquemment aujourd'hui que les extrémistes obligent les chrétiens à passer à l'islam. C'est là un sérieux problème pour nous. Tout est bon pour convertir à l'islam chrétiens et hindous. Très souvent, des jeunes filles ont été forcées d'épouser des musulmans et de changer de religion. Le même cas s'est produit pour des infirmières en service à l'hôpital. Il s'agit d'un phénomène assez répandu, une violation de la liberté religieuse. Aussi sommes-nous de plus en plus souvent contraints d'attirer l'attention sur ces faits.
Zenit – Comment les chrétiens font-ils face à ces énormes défis ?
Mgr Lawrence Saldanha – Certains ne tiennent pas compte de ce qui est dit, d'autres ne le prennent pas au sérieux, mais d'autres encore ont peur. Et parfois, ils sont forcés de passer à l'islam. Je connais, par exemple, le propriétaire d'un magasin, qui gagne très bien sa vie, et qui pour finir a été contraint par d'autres commerçants à devenir musulman. Sinon il aurait dû fermer boutique.
Comme on le voit, appartenir à une minorité est un problème surtout parce que, bien qu'étant pakistanais, nous sommes traités sur notre terre comme des outsiders. Nous sommes des marginaux dans notre société, aussi devons-nous parfois affronter de grands défis. La communauté chrétienne se montre très préoccupée par cette situation. Les chrétiens sont terrorisés.
Zenit – Y a-t-il des signes d'espoir pour les chrétiens au Pakistan ?
Mgr Lawrence Saldanha – Nous avons à présent un nouveau gouvernement, et notre espoir est qu'il respecte le programme sur la liberté religieuse. Autre signe d'espoir : la police protège chaque jour davantage les chrétiens qui sont en danger.
Le gouvernement n'est pas hostile aux chrétiens. Ce n'est qu'un petit groupe d'extrémistes qui veut imposer ses idées. Les gens ont peur d'eux, parce qu'ils recourent à la torture, aux menaces. Ils vont même jusqu'à tuer. Ils tuent tous ceux qui ne leur plaisent pas. De plus, ils commettent des attentats suicides avec des voitures piégées pour entretenir la peur et terroriser les gens.
Zenit – Qu'attendez-vous de votre visite en Allemagne ?
Mgr Lawrence Saldanha – Ce que nous souhaitons, c'est que nos amis occidentaux comprennent les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous représentons une petite minorité et c'est pourquoi les gens ne savent pas dans quelle situation nous vivons. Grâce au Rapport sur la liberté religieuse dans le monde et la conférence de presse, beaucoup seront informés de notre situation et pourront alors nous apporter leur soutien.
D'un autre côté, nous risquons d'avoir des problèmes lorsque les extrémistes seront au courant de cet évènement. Ils se vengeront. Ils ont déjà assassiné un grand nombre de journalistes. Chaque année, des journalistes subissent des menaces, parfois même certains sont tués parce qu'ils écrivent sur leurs activités. Ils vivent dans un état de peur permanent : c'est le problème de notre pays. Même les chaînes de télévision reçoivent des menaces d'attentat à la bombe.
Zenit – Les chrétiens du Pakistan ont-ils une leçon à nous donner ?
Mgr Lawrence Saldanha – Ils possèdent une foi forte, ils sont très enracinés dans leur foi dans le Christ et placent leur espérance en Lui. Ils ont confiance que notre Seigneur Jésus Christ leur viendra en aide.
Ils vivent actuellement leur foi de façon plus active, témoignent d'une plus grande dévotion et ont repris le chemin de l'église. Tous ces faits, dont nous parlons, ont contribué à faire l'unité des chrétiens.
Ils prient et espèrent voir un jour les choses s'améliorer. Et voici la leçon que nous pouvons apprendre d'eux : le fait qu'ils demeurent envers et contre tout, fidèles à leur credo.
Propos recueillis par Dominik Hartig
ROME, Dimanche 16 novembre 2008 (ZENIT.org)