Asma Jahangir est l’une des femmes les plus courageuses et droites du monde islamique. Elle a reçu une instruction dans les écoles catholiques, et s’est faite connaître pour sa position en faveur des droits des minorités. Son engagement lui a valu des menaces de mort de la part d’extrémistes musulmans
pour apostasie. Entre 2004-2010, elle a été rapporteur spécial aux Nations Unies en matière de liberté religieuse. Elle est membre fondateur de la Commission pour les droits de l’homme au Pakistan et, durant toute sa carrière, s’est toujours battue contre la discrimination et la violence contre les femmes.
Les positions d’Asma Jahangir sont nettes, ne donne matière à aucun doute. En mars 2010, lors d’un colloque sur les femmes et la religion, qui était organisé aux Nations Unies à Genève, elle s’est fait remarquer en disant : « quand on parle des droits de la femme, on ne peut mettre des ‘si’ ou des ‘mais’, en nom d’une quelconque religion car il faut parler de droits humains universels ».
Il ne s’agit pas d’une information banale, pour une pakistanaise cela est un défi à son propre gouvernement qui, depuis un demi siècle, pactise avec le radicalisme islamique. En 1977, marquée par l’arrivée au pouvoir du président Zia-ul-Haq, le Pakistan est entré dans un processus d’islamisation qui s’est ensuite, et surtout, traduit en législation discriminatoire à l’égard des femmes.
Les dites ordonnances Hudud et la loi de l’épreuve judiciaire, où le témoignage d’une femme vaut la moitié moins que celui d’un homme, en sont un pâle reflet. En cas de violence sexuelle, et de manque de témoins, c’est la femme qui est condamnée pour adultère.
Bien qu’en 1996 le Pakistan ait signé la CEDAW (Convention pour l'élimination de la discrimination contre les femmes), il l’a fait avec quelque réserve à propos de points entrant en contraste avec la sharia, c’est-à-dire qu’il l’a fait en conservant cette discrimination vis-à-vis des femmes prévue par le droit islamique.
Il est évident que, dans un tel contexte, Asma Jahangir est une personne qui dérange beaucoup. Celle-ci, pour ses batailles en faveur de la femme et des minorités, pour la laïcité, mais sans jamais rejeter sa foi, représente une des cibles de l’extrémisme islamique local.
Son combat, aux côtés du gouverneur du Punjab, Salman Taseer, contre la loi du blasphème, n’a certainement pas amélioré sa situation. Et c’est précisément à l’occasion de l’assassinat de Taseer, en janvier 2011, que la militante en a profité pour lancer un appel pressant, mais surtout pour accuser le gouvernement pakistanais de connivence avec les extrémistes islamiques. « Non seulement Salman Taseer a été tué, a déclaré l’ex rapporteur des Nations Unies, mais en plus, comme si cela ne suffisait pas, il y a des personnes qui ont justifié son assassinat à la télévision . Le ministre de l’intérieur a lui-même dit que s’il se trouvait en présence de quelqu’un en train de blasphémer il l’aurait tué. Salman Taseer n’a jamais rien dit de blasphématoire. Il a simplement rappelé que la loi devait être revue ».
Il s’agit d’un j’accuse bien précis vis-à-vis d’un gouvernement qui ne parvient pas à se démarquer de ce déferlement de radicalisme islamique, qui n’a pas le courage de porter le pays vers la modernité.
Ce n’est donc pas un hasard si les dernières menaces contre Asma Jahangir ne proviennent des services secrets pakistanais, lesquels entretiennent depuis toujours des rapports quelque peu ambigus avec les milieux islamiques les plus radicaux. La campagne de diffamation lancée contre elle par les extrémistes islamistes pour apostasie en est la preuve. La presse l’accuse de trahison au profit des indiens.
Il est évident que la vie de la courageuse avocate est sérieusement menacée. Il est donc indispensable de lancer un appel pour sensibiliser l’opinion publique et les institutions internationales afin que le gouvernement pakistanais soit non seulement obligé de rendre compte de toute action violente contre elle, mais qu’il s’engage aussi à ouvrir un processus de réforme intérieur, à partir du système d’éducation géré par les madrasas, qui améliore les conditions de la femme, en particulier, des minorités, en général.
Si le monde désire que des voix comme celle d’Asma Jahangir continuent à résonner et à dénoncer les violations de droits de l’homme, alors le monde doit rappeler chaque jour que ces voix ne survivront que si elles sont protégées et connues à l’échelle mondiale.