(EDA), l'agence des Missions étrangères de Paris.
Vingt jours après l'assassinat du gouverneur de la province du Pendjab pour ses opinions en faveur d'une réforme des lois anti-blasphème (1), Mgr Lawrence Saldanha, archevêque de Lahore et président de la Conférence des évêques catholiques du Pakistan, estime que la situation se calme progressivement. Dans un entretien téléphonique avec Eglises d'Asie, il annonce qu'à l'initiative des catholiques, tous les croyants du Pakistan sont invités, dimanche 30 janvier prochain, à « une journée de prière et de jeûne » pour « la paix et l'unité ».
Commentant une résolution votée le 20 janvier dernier par le Parlement européen à Strasbourg demandant au président pakistanais d'accorder sa grâce à Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort pour blasphème contre Mahomet (2), Mgr Saldanha exprime sa reconnaissance pour le soutien manifesté dans les pays occidentaux en faveur de la jeune femme en particulier et des minorités religieuses du Pakistan en général. Il ajoute toutefois que, si les chrétiens du Pakistan sont reconnaissants pour les marques de soutien reçus des pays européens, une condamnation directe du Pakistan par les instances européennes « ne produirait aucun résultat positif ». Selon lui, il vaudrait mieux attendre que l'opinion publique au Pakistan se désintéresse peu à peu du cas Asia Bibi, ce qui permettra à la Haute Cour de justice d'examiner en toute sérénité l'affaire pour la rejuger, établir la non-culpabilité de la jeune chrétienne et enfin l'acquitter.
Le 30 janvier, Mgr Saldanha a invité tout ce que Lahore compte de représentants des associations de défense des droits de l'homme et des libertés civiles pour que chrétiens et musulmans « soient ensemble pour prier ». La rencontre aura lieu à l'école Sainte-Marie, un établissement catholique de Gulberg, quartier sud-est de Lahore. Ce même-jour, dans tout le pays, l'Eglise catholique organisera des rassemblements de prière.
Face aux manifestations qui, ces dernières semaines, ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues des grandes villes du pays pour réclamer la libération du meurtrier du gouverneur Salman Taseer ou promettre l'exécution extrajudiciaire d'Asia Bibi, Mgr Saldanha déclare que ce sont là des manifestations « politiques » où « l'émotion » a une grande part. Il exprime certes sa préoccupation face à l'absence de perspective quant à une éventuelle réforme des lois anti-blasphème, mais il estime aussi qu'« à terme », une action est possible. « Je ne suis pas trop pessimiste », conclut-il.
Dans l'immédiat, les dates du procès en appel d'Asia Bibi sont incertaines. Selon les avocats de la jeune chrétienne, une première audience pourrait être fixée d'ici à la fin du mois de janvier, mais certains observateurs locaux indiquent que les juges estimeront peut-être plus sage de reporter le procès, tant la tension sociale, politique et religieuse demeure vive. Les défenseurs d'Asia Bibi craignent par-dessus tout qu'un procès trop précoce expose la jeune femme aux balles de radicaux, qui par milliers sur Internet se proposent d'exécuter Asia Bibi.
Politiquement, le contexte ne se prête pas à un apaisement immédiat des tensions. Face à un gouvernement affaibli par la défection de plusieurs de ses alliés à l'Assemblée nationale, l'affaire Asia Bibi et l'assassinat du gouverneur Taseer ont été l'occasion pour les mouvements islamistes de présenter un front uni, alors qu'ils étaient jusqu'ici divisés en formations rivales. Un réseau de partis et de mouvements islamiques, la Tehreek-e-Tahaffuz-e Namoos-e-Risalat (TTNR, Alliance pour la défense de l'honneur du Prophète), a réussi à agréger tous les groupes extrémistes du pays. La TTNR promeut un programme d'islamisation nationale, exigeant le maintien en l'état des lois anti-blasphème et menaçant de mort ceux qui en souhaitent l'abrogation.
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