« La visite du Cardinal Jean-Louis Tauran représente un grand encouragement pour les chrétiens au Pakistan : elle arrive à un moment critique auquel sont présentes des tensions sociales et religieuses croissantes liées au cas d'Asia Bibi et à d'autres motifs » : c'est ce qu'indique dans un colloque accordé à l'Agence Fides S.Exc. Mgr Lawrence Saldanha, Archevêque de Lahore à l'occasion de la visite de S.Em. le Cardinal Jean-Louis Tauran, Président du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, arrivé aujourd'hui au Pakistan.
Le voyage, prévu depuis longtemps, coïncide avec le moment délicat qui voit le pays affronter et discuter à tous les niveaux le cas d'Asia Bibi, la chrétienne condamnée à mort pour blasphème. Au cours des trois prochains jours, le Cardinal rencontrera la communauté catholique, ainsi que différentes Commissions de la Conférence épiscopale et interviendra également à une rencontre interreligieuse. Aujourd'hui, il rencontre les autorités civiles dont le Ministre chargé des Minorités religieuses, Shahbaz Bhatti, et le Président du Pakistan, Asif Ali Zardari. A ce dernier, le Cardinal Tauran fera part de l'attention du Saint Siège dans l'affaire Asia Bibi, portant les souhaits exprimés ces derniers jours par l'appel de Benoît XVI.
Mgr Saldanha déclare à Fides : « En ce moment, nous sommes préoccupés par le climat d'intolérance croissante. La tension s'est accrue, les manifestations et les appels des groupes islamiques radicaux qui entendent aviver la polarisation sociale et religieuse se succèdent. Nous espérons que la mission du Cardinal Tauran pourra servir à rasséréner les esprits et contribuer à la solution du cas d'Asia Bibi ».
« Pour l'Eglise – remarque l'Archevêque – la modalité la plus juste en vue de la résolution définitive du cas est une nouvelle enquête et la tenue du procès devant la Haute Cour afin d'établir de manière nette son innocence. Une sentence juridique claire établissant son innocence est le seul moyen pour que les protestations se calment ».
En revanche, expliquent des sources de Fides, « la grâce présidentielle a la signification de libérer une personne qui admet sa culpabilité. Ceci causerait une authentique révolte des groupes islamistes. Dans la culture féodale et selon l'interprétation islamique courante, le pardon est inadmissible : à l'offense doit correspondre une punition adaptée et l'offense au Prophète est l'une des plus graves ».
Des mouvements religieux islamiques ont annoncé pour aujourd'hui et pour les jours prochains des manifestations contre le Président Zardari lançant dans le même temps des menaces contre le Ministre Bhatthi qui a été actif dans le cas d'Asia Bibi. Le Président se trouve aujourd'hui dans une situation très malcommode en ce qu'il est soumis aux pressions des groupes islamiques qui menacent une révolte religieuse. Selon des sources de Fides, afin de détendre la tension du moment présent, le Président devra prendre du temps et ne pas concéder l'éventuelle grâce dans l'immédiat. Certains avocats ont en outre souligné qu'au plan procédural, la grâce peut être concédée seulement après que les trois degrés de jugement existants (tribunal de premier degré, Haute Cour et Cour Suprême) se soient prononcés.
Entre temps, circulent des projets et des propositions de révision de la Loi sur le blasphème – à discuter au Parlement – qui entendent éviter ses abus : il est ainsi imaginé de confier directement les enquêtes relatives aux délits de blasphème à la Haute Cour (deuxième degré) afin d'éviter les risques de jugements sommaires en premier degré, conditionnés par des pressions externes mais il est également envisagé d'introduire la nécessité de la charge de la preuve qui viendrait à peser sur l'accusation.
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