Les agressions à l’encontre des journalistes se multiplient dans les Territoires occupés palestiniens. Alors que le journaliste du site d’informations en ligne Aljazeeranet Ahmed Fayadh a été violemment pris à partie par des policiers le 4 août à Khan Younis au sud de la bande de Gaza,
les professionnels des l’information continuent à faire les frais des tensions politiques entre le Hamas et le Fatah.
« La situation devient de plus en plus irrespirable. Il ne se passe pas une semaine sans violations flagrantes de la liberté de la presse, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie. Les journalistes ne doivent plus faire les frais de ces rivalités politiques. Nous appelons les responsables politiques de l’Autorité palestinienne et du gouvernement du Hamas à prendre leurs responsabilités. Les autorités de Gaza doivent ouvrir une enquête indépendante sur l’agression d’Ahmed Fayadh et à sanctionner les policiers impliqués. De son côté, l’Autorité palestinienne doit libérer dans les plus brefs délais le Dr Farid Abu Duhair et le journaliste Mohamed Anouar Miny arrêtés arbitrairement les 2 août et 27 juillet. Les deux journalistes Amer Abu Arfa et Tareq Abu Zeid doivent, quant à eux, être élargis dans les meilleurs délais », a déclaré Reporters sans frontières.
Lynchage à Khan Younis
Le 4 août 2010 vers 20h20 dans la ville de Khan Younis (sud de la bande de Gaza), des policiers s’en sont violemment pris à Ahmed Moussa Abu Fayadh, journaliste du site d’informations en ligne Aljazeeranet. Alors que ce dernier était venu couvrir le festival de musique pour enfants, notamment le concert du groupe jordanien « Tuyor Al-Janeh » dans le complexe sportif de la ville, un agent de police lui a intimé l’ordre de le suivre.
« On m’a forcé à entrer dans le stade. Un des policiers a commencé à crier après moi, en me demandant de lui donner mon appareil photo. J’ai refusé et je lui ai dit que dit que je travaillais pour Aljazeeranet. Je lui ai montré les photos que j’ai prises. Un autre policier est arrivé et a commencé à m’insulter. Il m’a donné plusieurs coups de poing au visage et à l’épaule. Un autre m’a frappé avec un club de golfe en me traitant de tous les noms pendant qu’un de ses collègues s’emparait de mon appareil photo. Un des policiers présents sur place a essayé de s’interposer et de les calmer, mais en vain. Ils m’ont agressé sous les yeux de mes enfants, en larmes. Un autre agent est arrivé et m’a demandé ma carte de presse. Je la lui ai donnée. Ils sont partis, et j’ai quitté la cité sportive », a déclaré Ahmed Fayadh à l’association palestinienne, Palestinian Center for Human Rights (PCHR).
Le journaliste est ensuite allé à l’hôpital avant de se rendre à la police à Gaza. Le chef de la police lui a présenté ses excuses et annoncé l’ouverture d’une enquête.
Confiscations musclées
Cinq employés de la brigade des Douanes et du ministère des Communications se sont présentés le 4 août 2010 au siège du bureau de la radio Mazaj FM, affirmant avoir l’autorisation de confisquer l’émetteur de la radio, sans pour autant en délivrer la preuve écrite. L’émetteur a été confisqué.
Le 2 août 2010 au soir, des employés de la brigade des Douanes ont fait irruption dans les locaux de la chaîne de télévision Nablus TV.
Le directeur du département des communications du ministère, le directeur de la brigade des douanes et son assistant ont fait irruption au siège de la chaîne, leur demandant d’interrompre immédiatement la diffusion des émissions, arguant suivre décision ministérielle.
Face au refus d’obtempérer de la rédaction, la police a été appelée en renfort. Des employés de la chaîne qui avaient filmé cette descente musclée ont été violentés. Les caméras ont été confisquées et les images ont été effacées.
Il semblerait que cette opération s’inscrive dans un cadre plus large : le ministère des Communications et des Technologies de l’Information de l’Autorité palestinienne a annoncé, le 25 juillet dernier, que 19 stations de radios et chaînes de télévision devaient interrompre la diffusion de leurs programmes pendant un mois, le temps de se mettre en conformité avec la législation relative aux licences. En cas de non conformité à l’expiration de ce délai, les médias concernés seront fermés.
Le directeur de la chaîne, Mahmoud Barham, a déclaré dans un communiqué de presse, que sa chaîne avait commencé à entreprendre les démarches nécessaires afin de remplir les exigences imposées par le ministère des Communications pour l’obtention d’une licence. Il s’est déclaré confiant dans une issue positive dans un futur proche.
Arrestations et détentions arbitraires
Le 2 août 2010 vers 23 heures, des membres des services de renseignements de l’Autorité palestinienne se sont présenté au domicile du directeur du bureau d’Ennajah à Naplouse. Dr Farid Abu Duhair a été conduit pour interrogatoire. Les autorités n’ont fait aucune déclaration sur les motifs de cette arrestation. Dr Farid Abu Duhair, auteur de nombreux articles critiques à l’égard de l’Autorité palestinienne, est toujours en détention.
Le 27 juillet 2010, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont arrêté Mohamed Anouar Miny à son domicile de Naplouse, pour des motifs inconnus. Ce journaliste en ligne venait d’être libéré le 25 juillet dernier après onze mois de détention administrative dans les prisons israéliennes. Lors de son interpellation, le domicile du journaliste a été fouillé et sa carte d’identité confisquée.
Mohamed Miny a été interpellé à plusieurs reprises par les forces de sécurité préventive de l’Autorité palestinienne. D’après les informations recueillies par Reporters sans frontières, il aurait fait l’objet de mauvais traitements au cours de ces précédentes interpellations.
Un second journaliste condamné à une peine de prison ferme
Amer Abu Arfa, le correspondant de l’agence de presse locale Shihab news, a été condamné, le 26 juillet dernier par un tribunal de Ramallah, à une peine de trois mois de prison ferme et 500 dinars jordaniens (534 euros) pour « infraction aux règles en vigueur ».
Le journaliste avait été arrêté à son domicile de Hébron, le 11 mai dernier, par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne. A rappeler que Shihab news agency, dont le siège est basé à Gaza, est considéré un média proche du mouvement Hamas.
Un journaliste est actuellement détenu par l’Autorité palestinienne : Tareq Abu Zeid, correspondant de la chaîne du Hamas Al-Aqsa, condamné le 16 février dernier à 18 mois de prison ferme par un tribunal militaire, alors que la Cour suprême palestinienne avait ordonné, le 12 janvier dernier, sa remise en liberté. En 2009, le journaliste avait fait l’objet de multiples arrestations par les forces de sécurité contrôlées par le président palestinien Mahmoud Abbas (http://fr.rsf.org/territoires-palestiniens-un-journaliste-palestinien-22-02-2010,36509.html).
Des perquisitions
Le 28 juillet dernier, les forces de sécurité à Gaza ont perquisitionné le siège du syndicat des journalistes palestiniens dans la ville de Gaza et ont confisqué l’ordinateur principal de l’organisation. Mais aucun des membres du nouveau bureau n’a souhaité faire de déclarations à ce sujet.
Le 17 juillet 2010, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont perquisitionné le siège, à Ramallah, de la chaîne de télévision locale Watan suite à la diffusion d’images sur une manifestation organisée par le Parti de la libération islamique qui avait été interdite.
Reporters sans Frontieres