Il était organisé par la Fédération européenne des associations médicales catholiques (FEAMC). Le sujet a été abordé au plan médical mais aussi philosophique, économique, social et anthropologique. Pierre Granier en publié ce compte rendu dans les colonnes de l’agence catholique belge en ligne « Catho.be ».
« Un panel d’orateurs de grande qualité, des exposés à la fois riches, denses et passionnants, un auditoire nombreux et très attentif : toutes les conditions étaient finalement réunies pour faire de ce colloque une vraie réussite. On ne peut pourtant pas dire qu’évoquer la fragilité de l’homme, pour la valoriser de surcroît, est très « porteur » dans notre société actuelle qui prône tout l’inverse : la performance, la jouissance, la recherche de la sécurité.
"Mais à l’aune de la crise financière qui met en évidence la fragilité de notre système bancaire voire celle d’un pays de l’Union Européenne, ce thème résonnait de manière toute particulière.
Médecins, économistes, philosophes, religieux se sont donc succédé à la tribune pour des constats terribles. « Les fragilités économiques et financières sont reconnues. Pas la fragilité humaine », dira notamment le Dr Jean-Guilhem Xerri, premier et dernier intervenant de la journée. « Le monde moderne vit d’un ressentiment d’être né » complètera un peu plus tard Mgr Pascal Ide, de la congrégation pour l’Education catholique, médecin et théologien, en citant Hannah Arendt. Tandis que, dans un même registre, Dominique Lambert, professeur de philosophie aux facultés Notre-Dame de Namur, parlera d’un homme « qui semble fatigué d’être humain ». Pire encore, il y aurait, selon le Dr Bernard Ars, un « risque de dérive eugénique d’une médecine qui ne s’intéresserait pas aux fragilités. ». « Or la conscience de la fragilité peut ouvrir des failles libératrices », avait-il indiqué juste avant…
"Bref, on est bien loin du message de la Bible et des Evangiles rappelé dans l’après-midi par le père jésuite Edouard Herr, professeur à l’Institut d’Etudes théologiques (IET, Bruxelles). Ce que constata également le professeur Philippe de Woot : « Notre modèle économique actuel déshumanise nos sociétés, et accroît cette déshumanisation de manière systémique». Et quand ce modèle économique s’applique au service de la santé, on assiste alors à un abandon progressif du « prendre soin » pour le seul soin, expliquera pour sa part le Dr Bertrand Galichon, alors que ces deux facettes de la médecine doivent venir en continuum.
Une humanité née il y a 60.000 ans
"En dépit de ce tableau assez noir, ce colloque n’avait pourtant rien de pessimiste. On sentait malgré tout une foi en l’homme. Car il existe de fait un pouvoir des faibles. Celui des nouveau-nés est le plus évident a rappelé le professeur Xavier Le Pichon au cours d’une intervention qui fut sans doute la plus passionnante et la plus émouvante (avec les « instants fragiles » de Régis Defurnaux, un diaporama-témoignage sur les soins palliatifs au foyer Saint-François de Namur). Géodynamicien, le Pr Le Pichon a en effet souligné l’importance des faiblesses et des imperfections dans n’importe quel système vivant et même dans la tectonique des plaques (dont il est un des spécialistes mondiaux).
"Mieux encore, l’auteur du livre « Aux racines de l’homme : de la mort à l’amour » a surtout mis en évidence qu’une société était humaine quand elle prenait en compte ceux qui souffrent. Et de mentionner à cet égard l’historique découverte de la tombe fleurie de Shanidar. Cette dernière permit à des paléoanthropologues d’affirmer que les Néandertaliens, jusqu’alors considérés comme des pré-humains bestiaux, pouvaient prendre soin de leurs blessés, et devenaient du coup de vrais humains. « C’est la rencontre avec l’homme qui souffre qui fait l’humanité », expliqua le professeur au Collège de France, «et l’homme ne cesse de réinventer son humanité en étant confronté aux fragilités ».
Oserions-nous alors dilapider un tel héritage d’au moins 60.000 ans? »
ZENIT