Dès le début, un acte inattendu, impromptu, stupéfiant, les sidère tous : Jésus tombe à genoux. Il fait ce que – seuls – faisaient les esclaves devant leur maître, ou les enfants pour leur père rentrant du travail : il lave leurs pieds. Ces pieds couverts de poussière, peut-être blessés par les cailloux de la route. Ces pieds qui ont couru avec lui sur les collines de Judée et de Galilée :
« Qu’ils sont beaux les pieds de celui qui annonce sur toutes les montagnes : le Seigneur règne… » [Is 52, 7]
Ces pieds qui vont continuer à courir à travers le monde pour porter la Vie, il les lave… Il se fait le plus petit. Il montre ce qu’est l’autorité : un service humble. Véritable révolution !
Il le fait parce que, douloureusement, il entend ses Apôtres se chamailler pour savoir qui est le plus grand parmi eux. Ils en sont encore là ! Aux balbutiements de la charité ! Et lui en est déjà au moment de l’ultime vérité ! Il y a de quoi être complètement découragé. Ils ont donc si peu compris ! Si peu appris durant ces trois années d’école ! Si peu saisi !
Mais heureusement Jésus sait que tout ce qu’ils n’ont pas encore pu comprendre, l’Esprit Saint leur sera donné pour l’intérioriser, le vivre en eux. Avec lui, ils comprendront tout et recevront quelque chose de sa propre sainteté. Mais justement, pour que l’Esprit puisse venir, il faut que lui les quitte.
Récemment encore, sur le chemin, il les avait entendus se quereller : histoires de préséances. Il avait simplement fait un geste, pris un enfant dans ses bras :
« Si tu ne deviens comme cet enfant, tu n’entreras pas dans le Royaume… Le plus grand ? Celui qui se fera petit comme un enfant. » [Mt 9, 43]
Ici, quelques heures avant d’être enlevé aux siens, l’enfant, c’est lui :
« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert – comme l’enfant -. Faites de même » [Lc 22, 27]
Dans l’évangile de Jean, ce signe tient la place de l’Eucharistie, parce que c’est le mystère même de l’Eucharistie : là où Jésus se fait le plus petit, le plus faible, se fait mon serviteur pour me laver dans son sang, me parfumer de sa miséricorde. Se pardonner mutuellement, n’est-ce pas se parfumer les uns les autres avec le baume de la miséricorde[1] ?
Dis-moi, voudrais-tu vraiment d’un autre Dieu ? D’un tel Dieu, n’es-tu pas content, fier, heureux ?
[1] Le lavement des pieds deviendra – à certaines époques de l’Église – l’équivalent d’un sacrement ; c’est en tout cas un grand sacramental qui sera liturgiquement renouvelé chaque Jeudi saint, où pape, évêques et prêtres tombant à genoux lavent les pieds des pauvres. Et, beaucoup plus souvent, dans les monastères, pour l’accueil dans la communauté d’un(e) nouveau (nouvelle) frère(sœur).
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