Mais il en manque un : le sacrement de la pénitence et de la réconciliation, la « confession », un sacrement qui est pour les catholiques une manifestation de la charité de Dieu, alors que pour beaucoup il apparaît comme un moment où l’on est jugé et puni. Mais qu’est-ce que la confession réellement ? Quel est son vrai sens ? C’est ce qu’explique le P. Alessandro Saraco, official de la Pénitencerie apostolique, auteur de deux essais: « La Pénitencerie apostolique. Histoire d’un Tribunal de miséricorde et de pitié » et « La Grâce dans la faiblesse. L’expérience spirituelle d’ André Louf » (LEV).
Zenit – P. Alessandro, quel est le vrai sens de la Confession?
P. Saraco – Selon le catéchisme de l’Eglise catholique, la confession est le sacrement de la conversion , car elle réalise, par le sacrement, l’appel de Jésus à la conversion, la voie du retour au Père dont on s’est éloigné en péchant.
Il est aussi appelé sacrement du pardon car par l’absolution du prêtre, Dieu accorde au pénitent le « pardon et la paix ». Mais on l’appelle aussi sacrement de la Réconciliation car il donne au pécheur l’amour de Dieu qui réconcilie.
Ces quelques mots suffisent pour démentir la mentalité de ceux qui, à tort, assimilent le confessionnal à un « tribunal moderne de l’inquisition de la conscience », et mettent l’accent sur ce que renferme ce sacrement : toute l’annonce de l’Evangile.
S’approcher d’un confessionnal, c’est en effet comme vouloir pénétrer le cœur même de Dieu, le Père riche de miséricorde, lent à la colère et grand dans l’amour, qui exulte à chaque fois qu’un de ses enfants revient vers Lui. Voilà la bonne nouvelle annoncée par Jésus : nous sommes pécheurs, mais notre péché peut être pardonné et absout.
Certains disent que la confession est une invention de l’Eglise. Quand et par qui s’est-elle propagée parmi les chrétiens ?
Il est difficile de déterminer quel a été le fil conducteur du développement historique du sacrement de la pénitence. La célébration d’un sacrement comme celui-ci, comme nous le comprenons aujourd’hui, était tout à fait inconnue à l’Eglise des origines, qui accordait le pardon des péchés en un seul et unique geste : le Baptême. Cet état de grâce reçu par le baptême s’interrompait dès qu’un péché jugé particulièrement grave comme l’idolâtrie, le meurtre et l’adultère, était commis. Commettre ces péchés comportait l’exclusion de la communion ecclésiale, sans pouvoir participer à l’Eucharistie.
Dans ces cas-là le processus de réconciliation entrepris par le pénitent impliquait une discipline très sévère, selon laquelle les pécheurs devaient faire une longue pénitence publique pour les péchés commis. Avant d’être à nouveau accueillis au sein de l’Eglise après une exhortation de l’Évêque.
La procédure d’une « pénitence privée » a commencé dans l’Irlande monastique du VIIème siècle puis s’est répandue en Europe grâce à la prédication des missionnaires.
Il faut attendre le IVème Concile du Latran en 1215, et la Constitution 21, Omnis utriusque sexus, pour avoir la première proclamation « officielle » de l’Eglise de l’obligation pour « chaque fidèle des deux sexes, après avoir atteint l’âge de la discrétion, de confesser fidèlement en privé ses péchés, au moins une fois par an, à un prêtre ».
Qu’entend-t-on par péché ? Pourquoi l’Eglise invite-t-elle à les confesser ?
Le catéchisme dit que le péché est « une faute contre la raison, la vérité et la conscience droite », qu’il est « un manquement à l'amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d'un attachement pervers à certains biens ». Autrement dit, le péché est « aliénation » de l’homme par rapport à Dieu et « aliénation » de l’homme par rapport à lui-même dans la mesure où, après avoir perdu contact avec l’Absolu, il finit par se perdre lui-même.
Le péché affaiblit l’homme, le paupérise, lui soustrait sa beauté originelle d’être créé à l’image et ressemblance de Dieu. C’est pourquoi l’Eglise invite les chrétiens à se diriger avec confiance vers ce sacrement de la réconciliation, à le pratiquer de manière plus assidue: lui seul peut nous faire retrouver la vérité de notre état d’enfants bien-aimés du Père, lequel se plait à limiter et à endiguer l’action destructurice du péché par la puissance de son infinie miséricorde.
Qui a le pouvoir et la force de pardonner les péchés et de faire que notre vie change ?
Pour reprendre les paroles de Benoît XVI dans Spe Salvi je peux dire que l’homme peut choisir de commettre le mal mais ne peut s’en libérer tout seul. Seul Dieu peut nous racheter. C’est pourquoi il nous faut avoir l’humilité de voir en nous un pécheur et de nous adresser avec confiance à Celui qui ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et vive.
Nous sommes souvent troublés quand nous prenons conscience de nos fragilités et chûtes. Certains se désespèrent, d’autres s’égarent ; certains arrivent même à fuit d’eux-mêmes et de Dieu. Cela arrive parce que nous ne croyons pas assez que Dieu est toujours disposé à nous accueillir et à nous pardonner. La vie spirituelle est un travail de conversion continu. Nous ne pouvons jamais appartenir à cette catégorie de personnes dont Jésus a dit « qu’ils n’ont pas besoin de conversion ». Se croire convertis une fois pour toute est pure illusion.
Nous ne sommes jamais de simples pécheurs, mais des « pécheurs pardonnés », des « pécheurs-en-pardon », des « pécheurs-en-conversion ». Seul le Christ peut vaincre le mal qui nous habite et le confessionnal devient l’espace privilégié dans lequel l’amour du Christ jusqu’au don de soi triomphe sur la puissance du mal et de la faute.
Benoît XVI déplore une perte de la pratique de la confession un peu partout. Comment cela se fait-il ? Mais surtout comment faire renaître l’enthousiasme pour cette pratique de la confession ?
Dans beaucoup de ses interventions, le Saint-Père n’a cessé de mettre en garde contre le danger du relativisme éthique et contre une « culture hédoniste dominante qui noircit, dans la conscience individuelle, le sens du péché ». Nous assistons même à un phénomène encore plus inquiétant qui fait que le péché perd son empreinte de mal et se transforme en mode. Nous sommes comme enveloppés d’un climat amoral. La frontière entre le vice et la vertu, entre le bien et le mal, entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, n’existe plus
Connaître son péché, se rendre compte du mal de nos actions, devient alors une tatiude fondamentale si nous voulons nous émanciper d’une culture de mort. Reconnaître que nous sommes pécheurs nous pousse à tourner notre cœur vers le Seigneur, à implorer son pardon et obtenir ainsi le salut et la paix.
Nous devrions, dans cette optique, ne pas perdre de vue un élément clou de la vie spirituelle cher à l’ancienne tradition monastique : la lutte spirituelle, soit le combat invisible où le chrétien, soutenu par la Grâce, résiste et lutte pour ne pas succomber sous le poids des tentations. Il faut prendre au sérieux ce genre de « combat » pour dire « non » au pouvoir du malin et dire « oui » à l’amour de Dieu et à la Vérité.
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La Pénitencerie Apostolique est le premier des Tribunaux de la Curie romaine dont les compétences renvoient aux matières qui concernent le For intérieur et les Indulgences. Pour le for intérieur, aussi bien sacramentel que non sacramentel, celle-ci accorde absolutions, dispenses, commutations, guérisons, remises de peine, et autres grâces. La Pénitencerie veille à ce qu’il y ait suffisamment de pénitenciers, dotés de facultés opportunes, dans les basiliques patriarcales de la Ville. Les origines de ce dicastère sont très anciennes, Sa fondation remonte à la moitié du XIIème siècle, lorsque la forte augmentation des pèlerinages pénitentiaux près le Siège apostolique et le renforcement de la plenitudo potestatis du Pape entrainèrent une augmentation consistante des demandes d’absolution vis-à-vis de peines et censures venant de toute l’Europe vers Rome. Pour y faire face, les papes déléguèrent à un cardinal leur faculté à traiter certaines matières. Au début ce cardinal était désigné sous le nom de « poenitentiarius papae », puis sous celui de « poenitentiarius generalis », et enfin celui de « maior poenitentiarius », dès la fin du XIIIème siècle. Depuis peu, une partie considérable du patrimoine des archives du dicastère est ouverte au public de chercheurs et experts. On y trouve notamment la Série de documents relatifs aux affaires, matières et situations que la Pénitencerie, après des siècles d’activités, a traitées en « For intérieur », ainsi que d’autres Séries concernant plus strictement l’histoire du dicastère, son évolution dans le temps, sa structure et son organisation interne. Les archives se trouvent au Palais de la Chancellerie. Elles sont ouvertes tous les jours, excepté le samedi, de 8h30 à 13h.
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