Aux Philippines, à Mindanao, les combats prennent de l'ampleur, mais les évêques catholiques appellent les Philippins à résister à la tentation de la violence, indique aujourd'hui « Eglises d'Asie », l'agence des Missions étrangères de Paris (EDA).
La soudaine reprise des hostilités entre le MILF (Front moro de libération islamique) et l'armée philippine à Mindanao, le 18 août dernier, va en s'aggravant. Selon le témoignage des ONG locales et du gouvernement philippin, la zone des combats, principalement dans la province de Lanao del Norte, a vu le déplacement de 300 000 personnes, qui vivraient dans des conditions précaires, et la mort de plusieurs dizaines de combattants. Selon Mgr Elenito Galido, évêque du diocèse catholique d'Iligan, chef-lieu de la province de Lanao del Norte, l'urgence est le retour au calme. Il a appelé « les personnes qui ont peur à ne pas recourir à la violence et à garder leur calme », estimant que le risque était grand de voir une véritable guerre civile opposer musulmans et chrétiens.
Les hostilités ont commencé le 18 août dernier, lorsque trois villes de la province de Lanao del Norte ont été attaquées et investies par des hommes armés du MILF. Selon le porte-parole du MILF, la haute direction du MILF n'avait pas autorisé ces actions, mais, par la suite, elle s'est solidarisée avec ses commandants sur le terrain. Rapidement, l'armée est intervenue pour reconquérir les trois localités et l'engrenage des combats s'est enclenché. A l'origine de l'action du 18 août se trouve la décision de la Cour suprême de bloquer la signature, qui devait avoir lieu le 5 août, d'un pré-accord visant à fixer les modalités futures de l'existence de la Région autonome musulmane de Mindanao.
Le MILF et Manille avaient cessé les hostilités armées depuis une trêve signée en 2003, mais, depuis cette date, les négociations de paix n'avaient jamais abouti, la présence de troupes américaines dans l'extrême-sud de l'île de Mindanao ne facilitant pas les négociations avec le gouvernement philippin. Après la paix signée en 1996 entre Manille et le MNLF (Front moro de libération nationale), le MILF avait repris le flambeau de la lutte pour l'autonomie des populations musulmanes vivant sur l'île de Mindanao.
Après plusieurs années d'impasse, notamment en 2000-2002, sous la présidence de Joseph Estrada qui a intensifié les tensions dans la région, une issue semblait être en passe d'être trouvée, le gouvernement philippin ayant reconnu au MILF « le droit à l'autodétermination » sur une partie de la grande île méridionale des Philippines. Les négociations visaient à créer une région fédérale musulmane dans le sud-ouest de Mindanao, dont les pouvoirs seraient assez étendus. Si le principe de cette région semble acquis, sa délimitation géographique pose toutefois problème et celle-ci faisait précisément l'objet du pré-accord devant être signé entre le gouvernement philippin et le MILF le 5 août.
Le pré-accord, intitulé « Memorandum of Agreement on Ancestral Domain », détaillait les territoires, terrestres et maritimes, devant être alloués à la Région autonome musulmane de Mindanao à l'issue de différentes consultations populaires locales. Il prévoyait aussi la signature d'un « Comprehensive Compact », fixant les grandes lignes de l'organisation de la future Bangsamoro Juridical Entity, chargée de l'organisation des pouvoirs exécutif, législatif, judicaire et administratif de la région musulmane élargie.
Selon différentes sources, le contenu de ce pré-accord était inacceptable pour une grande partie de la population de Mindanao, notamment pour les populations aborigènes et chrétiennes de l'île. Pour Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato, ville située au sud de Lanao del Norte, le mal est fait. Le rejet du pré-accord par une grande partie de la population de Mindanao « a séparé les positions des Moros et des chrétiens sur des bases antagonistes ». Or, ce mal aurait pu être évité : « La grande tragédie de cette histoire est que le [pré-accord] a été rejeté pour des raisons qui auraient pu être dépassées ou qui ne figurent même pas dans le texte en question. » Pour résumer les raisons du rejet de ce texte, il explique que le démembrement des Philippines est inacceptable, tout comme la non-consultation des populations concernées par ces négociations.
Sur le fond, l'archevêque, qui a assumé la tâche de président de la Conférence épiscopale, ajoute que les Philippins ne font pas confiance au gouvernement actuellement aux commandes. La population soupçonne la présidente Gloria Arroyo d'avoir cherché à tout prix un accord avec le MILF – ou aujourd'hui de rechercher une victoire militaire sur les insurgés moros – pour se maintenir au pouvoir, avec l'aide des Etats-Unis, qui, eux, cherchent à implanter une base militaire sur la côte méridionale de Mindanao, ajoute encore Mgr Quevedo.
ROME, Mercredi 27 août 2008 (ZENIT.org)