Hier, des dizaines de journalistes de la télévision, de la radio et de la presse écrite se sont mobilisés pour soutenir leurs trois consœurs de la LBC. Les grands absents étaient cependant leurs collègues de la chaîne qui ont préféré ne pas se rendre au rassemblement. L'ordre des journalistes ainsi que l'ordre de la presse n'ont envoyé aucun représentant
Les journalistes présents ont tous dénoncé leurs droits bafoués et les positions adoptées par l'ordre des journalistes qui « n'est pas en train de défendre les gens du métier quand ils ont le plus besoin de l'aide de leur syndicat ». Plus d'un a proposé la mise en place d'un nouveau syndicat qui défendrait les droits des journalistes, surtout après la vague de licenciements qui a touché la LBC, la MTV et an-Nahar.
Prenant la parole, le président du Club de la presse, Youssef Hoayek, a critiqué « la façon avec laquelle les trois journalistes ont appris leur licenciement. Les raisons pour lesquelles elles ont été congédiées ne leur ont pas été exposées, surtout qu'elles avaient rendu de loyaux services durant des années à l'entreprise ».
Denise Rahmé Fakhri, actuellement enceinte au quatrième mois, s'est souvenue spécialement de la guerre de juillet 2006, quand l'armée israélienne avait bombardé des ponts dans le Kesrouan. « J'ai laissé mes enfants à la maison, ils étaient effrayés et ils pleuraient, et j'ai couru sur le terrain parce que j'étais la plus proche des lieux des bombardements. J'ai tout simplement fait mon métier », a-t-elle dit.
Soulignant que « la conférence de presse n'a pas un but revendicatif mais veut mettre la lumière sur ce qui s'est passé, surtout que la loi ne nous protège pas et que notre licenciement a mis l'accent sur les lacunes du métier », Denise Rahmé Fakhri devait aussitôt donner lecture d'un communiqué :
« À la LBC, nous n'avions jamais senti la peur pour notre avenir. Durant toutes ces années, nous avions travaillé avec professionnalisme et dévouement absolus pour une entreprise que nous avions considéré comme notre deuxième famille. Est-ce cela notre récompense ? Nous n'avons commis aucune erreur professionnelle, nous n'avons jamais reçu d'avertissement. Nous avons toujours été objectives en traitant l'information et avons lutté pour préserver les libertés. Nous respections ainsi nos principes et les directives de l'entreprise. Ces directives n'étaient en fait que des slogans vidés de leur sens. »
Message politique
Denise Rahmé a raconté comment elle avait été informée, avec ses collègues, de son licenciement. « C'était le pire scénario. Nous avons reçu un coup de téléphone nous convoquant afin que l'on nous informe oralement du licenciement. Aucune raison n'a été présentée pour justifier cette démarche. Aucun responsable de l'entreprise ne nous a contactées pour nous expliquer les raisons du licenciement ou pour nous dire simplement au revoir ou bonne continuation. Ce licenciement n'a même pas pris en considération la grossesse de certaines d'entre nous. La chaîne est-elle prête à assumer les conséquences physiques et psychologiques de cet acte ? Il n'y a eu aucune considération humaine dans ces licenciements car également des pères de famille ont été congédiés et nous sommes en pleine période de rentrée scolaire », a-t-elle ajouté.
« Nous ne pouvons pas ignorer la dimension politique de notre licenciement. Au début, nous ne voulions pas y croire surtout que la direction nous encourageait à accepter l'autre. Pourtant, le directeur des informations et des programmes politiques à la LBC a souligné devant plusieurs employés que ce licenciement était un message politique », a-t-elle indiqué.
Denise Rahmé Fakhri a eu la gorge serrée et les larmes aux yeux quand elle a salué ses collègues de la LBC. « Je sais que vous êtes présents avec nous où que nous soyons », a-t-elle souligné en conclusion.
De son côté, Diamant Rahmé Geagea, à son sixième mois de grossesse, a raconté qu'elle avait fait remarquer à l'employée qui l'informait de son licenciement qu'elle était enceinte et que la loi la protégeait dans ce cas, l'employée lui avait rétorqué : « La direction s'en fiche. » « Je voulais qu'on m'explique les raisons de mon licenciement, surtout qu'à aucun moment je n'ai mis l'objectivité ou la crédibilité de la chaîne en jeu », a-t-elle souligné, ajoutant : « Les responsables de la chaîne ont fait savoir que nous avions été licenciées pour des raisons politiques. Si seulement la chaîne affichait publiquement sa position politique, nous serions parties de nous-mêmes. »
Vera Bou Monsef a de son côté noté qu'il « est sain d'avoir dans une salle de rédaction des opinions politiques différentes. Le contraire serait une catastrophe ».
Deux personnes d'an-Nahar, présentes dans l'assistance, ont témoigné. Moustapha Matar et Walid Zaki ont parlé entre autres des années passées durant la guerre à an-Nahar quand ils dormaient sur place, sous les bombes à leur poste ou entre les rotatives, pour sortir un journal tous les matins.
Notons, parmi l'assistance, la présence de la directrice de l'ANI, Laure Sleiman Saab, représentant le ministre de l'Information Tarek Mitri, le président de la CGTL Ghassan Ghosn, le président de l'Union catholique des journalistes, le père Tony Khadra, et le président de la Fondation des droits de l'homme et des droits humanitaires Waël Kheir.
L'association SKeyes, centre pour la défense des libertés médiatiques et culturelles relevant de la Fondation Samir Kassir, a publié un communiqué rendant compte de la conférence de presse.
Pat.K. -L'orient le jour