Grégor Puppinck.
Directeur de l’ECLJ.
Strasbourg, le 28 juin 2013.
Par un projet de Résolution « Graves revers dans le domaine des droits de l'homme et de l'Etat de droit en France » (Doc. 13255) introduit le 26 juin 2013, 24 députés de divers partis et nationalités ont demandé qu'une « procédure de suivi soit entamée pour la France » par la Commission dite « de suivi » de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe). Cette Commission est chargée de veiller au respect des obligations contractées par les États membres, en particulier dans le domaine du respect des droits de l’homme.
Depuis la création de la Commission de suivi en avril 1997, de telles demandes visant à ouvrir une procédure de suivi ont été déposées à l’encontre de la Grèce en 1997, de la Lettonie en 1997, de l’Autriche en 2000, du Liechtenstein en 2003, du Royaume-Uni en 2006, de l’Italie en 2006 et de la Hongrie en 2011. Il faut à présent ajouter la France en 2013.
En réponse à cette demande, la Commission de suivi va devoir désigner deux de ses membres comme co-rapporteurs en charge d’enquêter sur les faits en cause et d’élaborer un rapport écrit. La désignation des co-rapporteurs doit s’efforcer d’assurer un certain équilibre politique et régional.
Leur rapport sera soumis à la Commission de suivi qui jugera alors, sur la base des faits rapportés, de la nécessité de poursuivre la procédure jusqu’à une éventuelle sanction. A ce jour, la procédure de suivi a seulement été formellement engagée à l’égard de la Lettonie.
A défaut d’engager plus avant la procédure de suivi, l’Assemblée peut aussi décider d’entamer un dialogue avec les autorités nationales sur certaines questions, se laissant le choix de rouvrir le cas échéant une procédure si de nouveaux éclaircissements ou un renforcement de la coopération s'avéraient nécessaires. (Voir ici une présentation de la procédure)
Il résulte de l’activation de cette procédure à l’encontre de la France que des députés rapporteurs, tenus à la neutralité, l’impartialité, l’objectivité, et la discrétion, vont devoir enquêter sur les cas d’abus et de violences policières, ainsi que de restrictions à la liberté de manifestation dans le contexte des manifestations contre la « loi Taubira ».
Il est donc utile de collecter toutes informations sur ces cas afin de les communiquer aux rapporteurs dont la désignation devrait intervenir à la rentrée, lors de la prochaine session de l’Assemblée.
Une telle procédure peut aussi avoir un effet dissuasif. En effet, les gouvernements visés par ces procédures de suivi doivent savoir que tous les abus qu’ils commettront seront exposés publiquement, et qu’ils devront en rendre compte.
Cette procédure a été initiée alors que l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe adoptait le 27 juin 2013 une Résolution 1947 (2013) rappelant la France à l’ordre et dénonçant le caractère disproportionné des « réactions des autorités publiques et [de] l’action des forces de l’ordre ». Cette résolution, intitulée « Manifestations et menaces pour la liberté de réunion, la liberté des médias et la liberté d'expression », pointe notamment les « recours aux gaz lacrymogènes à l’encontre de manifestants pacifiques. » et le fait que « quatre personnes ont été blessées et plusieurs centaines ont été arrêtées » (§3.1).
Rappelant que « face à des manifestations, le rôle des forces de l’ordre est de protéger les droits des manifestants, leur liberté d’association et d’expression, tout en protégeant les autres », l’Assemblée invite notamment les Etats :
« 9.1. à garantir la liberté de réunion et de manifestation (…), et en assurer l’exercice effectif;
9.2. à mener des enquêtes diligentes concernant le recours excessif ou disproportionné à la force par des membres des forces de l’ordre, et en sanctionner les responsables;
9.3. à renforcer les programmes de formation aux droits de l’homme à destination des membres des forces de l’ordre ainsi que des juges et des procureurs, en partenariat avec le Conseil de l’Europe; »
Le 26 juin 2013, le Parti Populaire Européen (Groupe politique PPE) et le European Centre for Law and Justice, ont organisé au Conseil de l'Europe une audition publique sur le thème « Manif pour Tous et la répression policière », en présence de Mme Ludovine de la Rochère, Présidente de la Manif pour Tous, de Mme Béatrice Bourges, du Printemps Français, de Madeleine Bazin et Jean-Baptiste Achard, des Veilleurs, de Luca Volontè, député et de Grégor Puppinck, Directeur de l'ECLJ. A cette occasion a été présenté un rapport de l'ECLJ contenant plus d'une centaine de témoignages de personnes faisant état d'abus policiers. La plupart de ces témoignages ont été communiqués à l’ECLJ par les avocats des victimes.
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Le Centre européen pour le droit et la justice (European Centre for Law and Justice – ECLJ) est une organisation non-gouvernementale internationale dédiée à la promotion et à la protection des droits de l'homme en Europe et dans le monde.
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