« Nous avons préparé un mémorandum portant sur différents points, en particulier trois questions essentielles qui ont été traitées avec Ban Ki-moon », a indiqué le patriarche. Il s’agit notamment « de la valeur du Liban, du rôle des chrétiens au Moyen-Orient et de leur avenir, et du “ printemps arabe ”, sans toutefois oublier notre reconnaissance à tous les pays qui participent à la Finul ».
« Nous remercions la communauté internationale pour le sacrifice qu’elle assume en faveur de la paix au Liban-Sud », a-t-il dit.
« Le point qui semble avoir attiré particulièrement l’intérêt de Ban Ki-moon est le rôle du Liban et sa neutralité », a affirmé le patriarche, indiquant avoir souligné, lors de sa rencontre avec le secrétaire général, « comment chrétiens et musulmans libanais sont parvenus à créer un État différent de tous les autres au Moyen-Orient, à savoir une entité fondée sur la séparation de la religion et de l’État, tout en respectant les dimensions religieuses ».
Il a fait référence au pacte national, qui est « un exemple de convivialité et de démocratie parlementaire ». « À l’instar de tous les pays, le Liban a ses problèmes internes, mais il paye aussi un prix énorme à cause du conflit israélo-arabe et des crises actuelles du Moyen-Orient qui se répercutent directement ou indirectement sur le pays », a-t-il ajouté.
Le patriarche Raï a par ailleurs insisté auprès de M. Ban pour que la communauté internationale « veille à l’application de toutes les résolutions de l’ONU sur le Liban ». Le pays du Cèdre est en effet « une nécessité » selon les Arabes et « un message et un exemple pour l’Occident », selon le pape Jean-Paul II. « Notre pays devrait rester une oasis de rencontre des civilisations et de religions », a-t-il dit. Afin de préserver ces caractéristiques, le chef de l’Église maronite a demandé à l’ONU et à la communauté internationale « de faire le nécessaire pour déclarer la neutralité du Liban ».
Les chrétiens d’Orient
Un deuxième sujet soulevé avec Ban Ki-moon est celui des chrétiens du Liban et d’Orient. Le patriarche a insisté auprès du secrétaire général qu’ « il ne faut pas oublier que les chrétiens de cette partie du monde existent depuis 2 000 ans, du temps du Christ. Ils sont les pionniers des valeurs et de la culture chrétiennes, » a-t-il répété avec force.
Mgr Raï a rappelé que les chrétiens d’Orient « ont apporté une énorme contribution à la renaissance arabe et au développement culturel, social, économique et industriel », et demandé à la communauté internationale « d’éviter de les considérer comme de pures minorités numériques ».
« Nous voulons être considérés pour le rôle que nous jouons et pour le message que nous apportons », a-t-il dit. « Si jamais la communauté internationale souhaite vraiment véhiculer la démocratie, les libertés et les droits de l’homme, elle trouvera dans les chrétiens les meilleurs coopérateurs », a-t-il assuré.
Le troisième point important soulevé avec le secrétaire général est celui de la séparation entre la religion et l’État. « En tant qu’Église, nous respectons cette séparation. Nous ne soutenons par conséquent aucun régime. Ce n’est pas notre affaire. C’est celle des citoyens et des peuples », a dit le patriarche.
« Mais nous essayons de rappeler les principes d’éthique et de moralité de l’action sociale, économique et politique », a-t-il ajouté. « Par conséquent, nous sommes pour les réformes politiques nécessaires aux peuples. Nous sommes aussi pour la démocratie dans le monde arabe, les libertés et les droits de l’homme. Nous condamnons le recours à toute forme de violence, que ce soit de la part des peuples qui réclament ou des dirigeants qui s’opposent », a-t-il affirmé.
Le patriarche a invité les États à veiller à ce que le printemps arabe ne dégénère pas en guerre civile confessionnelle, comme c’est le cas en Irak. Il a mis l’accent sur le danger de « la transition d’un régime à un autre encore plus dur. Parce qu’il y a sur le terrain des groupes politiques fondamentalistes organisés qui sont soutenus, financés et armés par certains États et qui pourraient accéder au pouvoir, » a-t-il dit. Selon le patriarche, Ban Ki-moon a « acquiescé » en affirmant clairement que « l’Église et les chrétiens ont en effet un rôle à jouer ».
Pour ce qui est du bilan de la tournée pastorale du patriarche Raï aux États-Unis, il l’a jugé « positif ». Ce périple américain a permis au chef de l’Église maronite de rencontrer la diaspora libanaise des États-Unis à qui il a « rendu hommage pour l’image qu’elle reflète et pour sa contribution au développement de la société américaine ». Il a aussi noté que « la communauté libanaise des États-Unis a placé sa confiance en la personne du patriarche et en l’Église ».
Mgr Raï a profité de ses étapes pour « remercier cette communauté pour l’aide morale et financière qu’elle apporte aux familles libanaises et pour sa collaboration à de nombreux projets de construction d’églises, de clubs sportifs et de salles paroissiales. Soucieux de l’avenir des jeunes, le patriarche a cherché, lors de ce périple, à resserrer les liens entre la diaspora et les Libanais afin que ces derniers restent dans leur pays ».
Après avoir exprimé sa satisfaction au sujet de l’organisation de la vie religieuse maronite aux États-Unis, il a conclu en se félicitant du fait que « les traditions et les valeurs sont bien conservées » dans ce pays.