Sous le titre « Paix sur la terre », le patriarche maronite a rendu public hier avant-midi son message de Noël. Il y parle des conditions de la paix et de l'obligation d'attachement quasi mystique à la terre libanaise.
« La paix sur la terre doit s'étendre à tous les hommes, a commencé le patriarche. Un peuple ne peut pas être en paix, quand d'autres ne le sont pas (…) La paix du Christ n'exclut personne. Nous le professerons jusqu'à ce que la paix du Christ s'étende à tous sans exception, et que l'humanité entière lui rende hommage, lui qui s'est glorifié par sa création, sa rédemption et sa sanctification. »
« Édifier la paix en terre libanaise, en particulier, et au Machrek est une grave responsabilité qui nous incombe, nous les fils de ce Machrek. Car Dieu a choisi cette région pour y apparaître en la personne de son fils Jésus-Christ. C'est par elle qu'il est entré dans les profondeurs de la vie humaine et qu'il a marché à ses côtés, comme Emmanuel – Dieu avec nous. C'est sur cette terre que Dieu s'est incarné. C'est sa terre. Nous n'avons donc pas le droit de l'abandonner, de la déserter ou de la remplacer par une autre, sous quelque prétexte que ce soit, et quelles que soient les circonstances. Ses valeurs spirituelles et historiques sont inestimables. Nous rendons grâce à Dieu en tout temps pour elle. Et nous en préserverons la sainteté. C'est là une terre de sainteté et de saints. Nous refusons qu'elle se transforme en une terre de fer et de feu, une terre de guerre, de violence et de meurtre. C'est la terre de Dieu et notre terre. Nous nous y sommes aménagés une histoire de libre et digne convivance, un témoignage au Christ d'une rare grandeur en faveur d'une saine interaction humaine avec tous les hommes dans cet Orient. »
Une terre page d'écriture
« Paix sur terre. Paix avec la terre, celle de chacun d'entre nous. Il s'agit là d'une grâce et d'une bénédiction de Dieu. Elle nous est parvenue portant la marque de nos parents et aïeux, et nous a donné ainsi identité et entité. C'est sur cette terre que nous avons écrit notre histoire, tantôt à la sueur du nos fronts, tantôt par nos souffrances et notre sang. C'est d'elle que nous avons appris la générosité du don, la sincérité des rapports humains. C'est en elle qu'ont été enfouis nos témoins et nos martyrs. Nous ne trahirons pas ce sanctuaire national. Au nom de l'Église, je vous recommande de vivre en paix, chacun de nous, avec sa terre, la préservant, la faisant fructifier et la protégeant. Puis la laissant en legs à ses descendants, de génération en génération. La vendre ou spéculer sont des crimes et une trahison de soi, de son identité et de sa propre histoire. »
Interdiction de vendre sa terre
« En tant qu'Église, nous refusons que n'importe quel Libanais vende sa terre. En échange, nous aidons, à travers nos institutions, à ce que cette terre soit exploitée de manière à lui assurer à lui et à sa famille leur subsistance. L'Église s'emploie à lancer des projets de développements dans les régions rurales, afin d'y créer des emplois, en addition à ceux qu'elle assure à travers ses institutions pédagogiques, sociales et hospitalières. De plus, elle offre à tous ses fils la possibilité d'exploiter les biens Wakfs dans des projets agricoles, industriels, touristiques et autres. Quant aux grands propriétaires, nous leur demandons de préserver leurs terres, par respect pour celui qui le leur a donnée, pour leur identité historique, sociale et politique, et de les exploiter dans des projets de développements créateurs d'emplois et susceptibles de stimuler l'économie.
« Il reste à demander à l'État libanais d'encadrer, par des lois appropriées, la vente de biens-fonds aux non-Libanais, et d'assainir l'économie de sorte que personne ne soit forcé de vendre sa terre. Sachant par ailleurs que les lois, aussi excellentes qu'elles soient, restent insuffisantes si elles ne sont pas appliquées en conscience et dans la conformité à l'histoire du Liban. Seule cette garantie peut donner sens et justification aux lois visant à dissuader les contrevenants et les spéculateurs. »
La paix de la réconciliation
La paix au Liban ne se limite pas à empêcher que la guerre n'éclate. Elle impose à la conscience des acteurs politiques de veiller à ce qu'un gouvernement qui s'inspire du pacte capable d'assurer la paix véritable : la paix de la réconciliation entre les forces en conflit dont découle la paix sociale entre Libanais ; l'affranchissement de toute inquiétude pour leur vie quotidienne, de la pauvreté, du chômage et de la nécessité ; la paix qui assure des emplois aux générations montantes et aux pères de famille ; la paix qui se traduise par le contrôle des armes illégales, la répression des agressions visant la vie et les biens de la population civile et la tranquillité au sujet de leur sécurité ; la paix provenant d'une vie politique saine qui redonne aux institutions la place qu'elles doivent occuper, et d'abord au Parlement, mais aussi aux administrations publiques dont la productivité doit être stimulée, et qui doivent être épurées de toute corruption, de toute prévarication, de tout vol et protégées du clientélisme servile.
La paix au Liban, a enfin affirmé le patriarche Raï, impose aux députés l'obligation de se présenter au Parlement pour l'élection d'un nouveau président de la République dans les délais constitutionnels ; et un président qui soit à la hauteur de l'étape historique singulière que nous vivons. Ce président sera en effet celui qui veillera aux cérémonies marquant le centenaire de la déclaration du Grand Liban indépendant (…) ».