Berry et Raï, l’accent sur le dialogue
L’aparté qui a précédé le déjeuner a porté sur la tournée du patriarche au Sud et sur les développements internes. « Devant les affaires nationales imminentes, nous ne pouvons pas nous résigner à l’état des choses, mais nous nous devons de dire la vérité telle quelle », a affirmé M. Berry. Il s’est attardé notamment sur la nécessité de paver la voie à « un dialogue ouvert et inconditionnel (…), direct et franc, aboutissant à un accord sur une stratégie nationale de défense, ainsi que des solutions drastiques à notre crise économique et sociale (…) ». S’agissant des événements en Syrie, M. Berry a estimé « nécessaire de cesser tout propos ou armement, ou toute provocation », avant de prévenir du complot occidental, dans la lignée des accords secrets de Sykes-Picot en 1916, qui « ne vise pas la Syrie seulement, mais plusieurs pays de la région, y compris le Liban. C’est pourquoi nous appelons les proches et les moins proches à ne pas craindre la résistance (du Hezbollah), mais à craindre pour cette résistance ». M. Berry n’a pas manqué de rappeler en outre « la fidélité du Liban pour ses engagements internationaux liés à la résolution 1701 », avant d’appeler la communauté internationale à « contraindre Israël à se retirer de Chebaa, de Kfarchouba et du Ghajar (…) ». Il a assuré enfin que « nous arrêterons toute tentative d’imposer (au pays) un projet de naturalisation et nous insistons sur le droit au retour des Palestiniens ».
De son côté, le patriarche Raï a estimé que l’exemple du Liban-Sud aura démontré que « les Libanais sont prêts pour le dialogue ». Pour le patriarche, sa tournée lui a permis de « témoigner de l’authentique coexistence dans toutes les villes et tous les villages que j’ai visités (…). Les habitants du Liban-Sud ont ouvert une nouvelle page au nom de la charité et de la communion (ce slogan désormais cher à Bkerké) ». Mgr Raï a ainsi rappelé « les deux dimensions (de sa visite paroissiale) : le testament et l’engagement », en promettant de transmettre les doléances des citoyens du Sud aux autorités concernées. Par ailleurs, il n’a pas manqué de remercier M. Berry, en le complimentant d’avoir « uni (son) essence même au cœur palpitant du Liban-Sud (…) pour la coexistence (…) ».
Pour une lecture approfondie des événements
Les mêmes thèmes de « coexistence » et de « charité », de « témoignage » et d’ « engagement » ont rythmé les différents arrêts de la tournée du patriarche hier, commencée dans le village chrétien de Rmeich. Accueilli sur la place du village sous les lancers de pétales de rose et les youyous des habitantes, le patriarche a célébré une messe en l’église de la Dormition, en présence du représentant du président du Parlement Nabih Berry, le député Ayoub Hmayed, ainsi que du député Ali Bazzi, du secrétaire général des affaires externes au sein du Parlement, Bilal Charara, et du président du conseil municipal de Rmeich Youssef Tanios. Dans son sermon, le patriarche a rappelé les buts de sa visite, « qui englobe les chrétiens et les musulmans, en tant que partenaires de Dieu dans l’histoire de l’humanité, et qui insiste sur l’entente, la charité et la mise en œuvre du pacte national à travers la coexistence ». Le patriarche a appelé dans ce cadre à s’approfondir dans la lecture des événements, au lieu de « les passer en revue superficiellement ». Il a espéré ainsi que toutes « les personnes de bonne volonté », tant dans l’Église qu’au sein de l’État, parviennent à préserver la présence islamo-chrétienne au Liban. « L’unité, la charité et la cohésion qu’expriment les habitants du Sud, toutes appartenances confondues, et que nos ennemis souhaitent torpiller (…) » sont les bases de la construction du pays à laquelle chacun doit contribuer, a estimé le patriarche. « Notre mission aujourd’hui est de construire une nouvelle ère et une nouvelle histoire (…) alors que depuis 1975 les Libanais de tous bords luttent, meurent et résistent pour que le Liban reste terre de vérité, de sainteté et de paix », a-t-il souligné.
Après Rmeich (caza de Bint Jbeil), le patriarche s’est rendu à Kfarwé dans le caza de Nabatiyeh, accompagné de l’évêque maronite de Tyr Mgr Chucrallah Nabil Hajj. Il a été reçu aux portes du village par les députés Yassine Jaber et Hani Kobeissy, et par des représentants d’Amal et du Hezbollah. L’accueil populaire réservé au patriarche était important, ralentissant sa marche vers l’église Saint-Joseph, où l’attendaient le chef du bloc du Hezbollah, le député Mohammad Raad, et le député Abdellatif Zein. « Cette journée est une grande occasion pour nous de faire votre connaissance (…) », a déclaré Mgr Raï avant de remercier les députés et les responsables locaux « de nous avoir accompagnés tout au long de notre visite ». Là aussi, le patriarche a affirmé que « la mission se poursuit, celle de la foi islamo-chrétienne dont attestent les habitants du Liban-Sud ».
Plus tard, dans l’après-midi, c’est le tapis rouge qui a été déroulé pour accueillir le patriarche au sein de l’église de la Sainte-Famille à Hajja. Parmi les personnalités présentes pour le saluer, les députés Michel Moussa et Ali Osseiran, ainsi que le mohafez du Liban-Sud par intérim Nicolas Bou Daher, qui l’ont ensuite accompagné jusqu’à la fin de sa visite. Au village de Maamariya, où il a été reçu par les habitants de confessions diverses, le mufti de Tyr, cheikh Hassan Abdallah, a rejoint le patriarche, prenant part à la procession jusqu’en l’église Notre-Dame, où Mgr Raï a appelé à la prière régulière du rosaire « pour de bonnes relations avec les voisins ». Le patriarche s’est ensuite arrêté à Ghaziyé, avant de conclure sa visite à Maghdouché où il a été reçu par l’archimandrite Samir Nohra et par l’évêque grec-catholique de Saïda et de Deir el-Qamar Mgr Élie Béchara. Par ailleurs, l’un des évêques présents a évoqué l’affaire de Joseph Sader (kidnappé il y a près de deux ans à Beyrouth et dont le sort reste incertain), en confiant le suivi du dossier aux soins du patriarche.