Selon les déclarations du patriarche à la presse, les discussions ont porté sur la situation au Liban et dans le monde arabe, sur la situation des chrétiens d’Orient, ainsi que sur le Tribunal spécial pour le Liban et les relations bilatérales. Mgr Raï a ainsi souligné l’attachement de la France au Liban et à l’instauration de la paix, de la stabilité, non seulement dans ce pays, mais dans l’ensemble des pays arabes, précisant que le président Sarkozy est hostile à tout régime qui ne respecte pas les droits des peuples.
Si le chef de l’Église maronite a abondé dans le même sens, il n’en demeure pas moins qu’il a exprimé des craintes accentuées quant au sort des chrétiens dans les pays dont les régimes ont été renversés, comme en Irak et en Égypte, ou dans les pays en proie à des soulèvements populaires, comme en Syrie. Il les a répétées aussi bien dans ses déclarations à la presse, au terme de ses entretiens à l’Élysée et à Matignon, qu’au cours de l’interview qu’il a accordée à France 24.
Selon Mgr Raï, l’action de la communauté internationale, que ce soit au niveau des États ou du Conseil de sécurité, devrait tenir compte de ce paramètre. « Nous redoutons deux éléments : une guerre civile en Syrie ou l’avènement d’un régime radical ainsi que le démembrement du monde arabe en mini-États confessionnels », a-t-il dit, tout en insistant sur la nécessité, pour tous les régimes de la région, de respecter leurs peuples.
« Un génocide et non pas une démocratie »
Mgr Raï s’est étendu davantage sur ce point dans son interview à France 24, rappelant les attentats et les attaques contre les chrétiens d’Irak. « Lorsque des sociétés sont victimes de guerres, de crises économiques et de privation des droits élémentaires de l’homme, nous ne pouvons que nous inquiéter pour les chrétiens, parce que nous ne voulons pas qu’ils soient traités en tant qu’étrangers. Lorsque les régimes dans certains États sont religieux (…), nous vivons en danger permanent », a-t-il dit, avant d’ajouter : « Nous demandons à la communauté internationale, et notamment à la France, de ne pas faire preuve de précipitation dans l’adoption de décisions visant à obtenir des changements de régime. Ils voulaient une démocratie en Irak, mais cette démocratie a fauché des vies et n’arrête pas de faire des victimes innocentes. Tous les pays arabes sont sur la sellette. Quelle sera l’issue ? Qu’est-ce qui se passera en Syrie ? La communauté internationale et la France doivent réfléchir à l’avenir. (…) Est-ce qu’il y aura une guerre sunnito-alaouite dans ce pays ? Ce serait un génocide et non pas une démocratie ou des réformes », a-t-il averti, affirmant que « les États peuvent établir des conditions pour la démocratie et non pas lancer des guerres pour l’obtenir »
Mgr Raï a ensuite jugé nécessaire d’aider les chrétiens du monde arabe aux plans matériel, humain et spirituel « pour leur permettre de tenir bon dans leurs pays respectifs ».
Sur un autre plan, le patriarche a précisé, en réponse à une question, que le président français n’a pas évoqué un éventuel retrait des Casques bleus du Liban, mais qu’il a insisté sur le fait que Paris ne tolérera plus d’attaques contre eux.
Il s’est ensuite prononcé en faveur du Tribunal spécial pour le Liban, rappelant cependant que certains le considèrent politisé et faux. « Nous sommes contre la politisation et la falsification, mais nous sommes avec la justice et pour la séparation des pouvoirs », a-t-il ajouté.
Plus tard dans la journée, les services du Premier ministre Fillon ont réaffirmé, dans un communiqué, « la force des liens qui unissent la France à la communauté maronite, ainsi que son attachement à un Liban pluraliste, multiconfessionnel, indépendant et stable ».
Les deux hommes ont abordé la question des communautés chrétiennes d’Orient, une « préoccupation prioritaire de la France », selon Matignon. Le chef du gouvernement a d’ailleurs confié à ce sujet au sénateur Adrien Gouteyron une mission d’étude et de proposition dont les conclusions seront connues « avant la fin de l’année », selon le communiqué.