Très Saint-Père,
Éminences, Excellences,
Chers Frères et Sœurs,
«Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t'indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple,
Abram, né à Ur des chaldéens, écouta ces paroles que Dieu lui adressa à Harân. Il traversa la région et s’établit près du Chêne de Moré (cf. Gn 12, 6). Il campa ensuite dans le Négeb (cf. Gn 12, 9), descendit en Égypte (cf. Gn 12, 10-20) d’où il remonta vers le Négeb puis à Béthel (cf. Gn 13, 1-2) et ensuite dans la terre de Canaan (cf. Gn 13, 12), s’établissant au Chêne de Mambré, à Hébron (cf. Gn 13, 18).
Dieu scella une alliance avec son serviteur Abram, devenu Abraham car chargé d’une mission particulière : « Moi, voici mon alliance avec toi: tu deviendras père d'une multitude de nations.
Et l'on ne t'appellera plus Abram, mais ton nom sera Abraham, car je te fais père d'une multitude de nations » (Gn 17, 4-5). Connaissant la foi et la justice d’Abraham (cf. Gn 15, 6), Dieu lui fit une triple promesse : un fils, un peuple nombreux et une terre. Le Dieu d’Israël ne manquera jamais à son jurement comme du reste le confirme Saint Paul (cf. Rm 9, 1-11, 36).« Je suis celui qui est » (Ex 3, 14), ce sont là les paroles solennelles que le
Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, apparu sur le mont Horeb dans une flamme de feu d’un buisson qui était embrasé mais ne se consumait pas, adressa à Moïse, révélant son nom saint et lui confiant la mission de libérer son peuple de l’esclavage de l’Égypte : « J'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte.
J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs; oui, je connais ses angoisses […] Maintenant va, je t'envoie auprès de Pharaon, fais sortir d'Égypte mon peuple, les Israélites » (Ex 3, 7.10).
Fort du soutien du Dieu de ses Pères, Moïse, vainquant de nombreuses difficultés conduisit le peuple hébreux à travers la Mer Rouge et le désert vers la Terre Promise, qu’il put contempler seulement depuis le « mont Nebo, au pays de Moab, face à Jéricho » (Dt 32, 49), où il mourut et fut enterré « vis-à-vis de Bet-Péor » (Dt 34, 6).
Par Moïse, son ami (cf. Ex 33, 11), Dieu établit sur le mont Sinaï l’Alliance avec le peuple élu. S’il écoutera la voix de Yahvé et observera sa loi, le peuple sera pour lui « un royaume de prêtres, une nation sainte» (Ex 19, 6). Dieu confia au peuple élu les « dix paroles », les Dix commandements, engagement et condition de l’Alliance (cf. Ex 20-24).
« En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham existât, Je suis » (Jn 8, 58). En discutant avec les Juifs dans le Temple de Jérusalem, Jésus fait allusion au nom divin révélé à Moïse (cf. Ex 3, 14), déclarant implicitement d’être lui-même Dieu, né à Bethlehem pour sauver les hommes (cf. Lc 1, 4-14).
« Abraham, votre père, exulta à la pensée qu'il verrait mon Jour. Il l'a vu et fut dans la joie » (Jn 8, 56). Jésus-Christ, « fils de David, fils d'Abraham » (Mt 1, 1), s’approprie aussi de l’expression « jour du Seigneur », réservée à Dieu dans l’Ancien Testament, se présentant lui-même comme le véritable objet de la promesse faite à Abraham, de la joie qu’il a éprouvée lors de la naissance de son fils Isaac (cf. Gn 12, 1-3).
Après 30 ans de vie cachée à Nazareth, Jésus qui prêchait dans toute la Galilée en parcourant « toutes les villes et les villages » (Mt 9, 35), devait également indiquer son rapport avec le grand prophète Moïse.
Au commencement de sa vie publique, sur le lac de Tibériade il appela les disciples qui étaient convaincus d’avoir trouvé « Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes, nous l'avons trouvé: Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth » (Jn 1, 45).
Une telle expérience eut sa confirmation sur le Mont Thabor où « deux hommes s'entretenaient avec lui: c'étaient Moïse et Élie qui, apparus en gloire, parlaient de son départ, qu'il allait accomplir à Jérusalem » (Lc 9, 30-31). Dans la discussion avec des membres de son peuple juif, dans le Temple de Jérusalem, Jésus s’en appelle au témoignage de Moïse : « car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c'est de moi qu'il a écrit » (Jn 5, 46).
L’Évangéliste S. Jean synthétise en ces mots la contribution respective de chacun d’entre eux dans l’histoire du salut : « la Loi fut donnée par Moïse; la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ» (Jn 1, 17).
De ces brefs passages de l’Ancien et du Nouveau Testament, apparaît évidente l’importance pour tous les chrétiens de la géographie biblique du Moyen-Orient et, en particulier, pour ceux qui vivent en Terre Sainte, terre que Jésus a sanctifiée par sa naissance à Bethlehem, par sa fuite en Égypte, par sa vie cachée à Nazareth, par sa prédication en Galilée, en Samarie et en Judée, accompagnée de signes et de miracles et surtout, par sa passion, mort et résurrection, en la ville sainte de Jérusalem.
Le souvenir de l’histoire du salut, qui a eu lieu au Moyen-Orient, reste vif dans les cœurs des habitants de cette région et, en particulier, en celui des chrétiens.
Ceux-ci perpétuent les peuples de la Bible.
Grâce à eux, les événements survenus il y a tant de siècles, restent vifs non seulement par la puissance de la parole de Dieu qui est toujours vive et efficace (cf. He 4, 12), mais aussi par le lien vital avec la terre bénie par la présence particulière de Dieu qui s’est révélé dans la plénitude des temps (cf. He 9, 6) en son Fils Unique Jésus-Christ. Comme existent les peuples de la Bible, on pourrait parler aussi des Évêques de la Bible, en se référant aux lieux où ils accomplissent leurs activités pastorales.
De tels pasteurs sont nombreux en cette Assise synodale qui rassemble 101 membres des circonscriptions ecclésiastiques du Moyen-Orient à qui j’adresse un salut tout particulier.
À ceux-ci il faut ajouter les 23 Ordinaires de la Diaspora qui accompagnent de leur soin pastoral les fidèles du Moyen-Orient émigrés dans les diverses parties du monde. Tous les évêques sont en quelque sorte des évêques de la Bible.
Outre les évêques de la géographie biblique, il y a aussi les évêques de la communion biblique. La présence de représentants des cinq continents montre clairement l’intérêt des chrétiens du monde entier pour l’Église catholique qui pèlerine au Moyen-Orient.
À ces derniers s’ajoutent l9 évêques de pays limitrophes ou particulièrement impliqués dans le soutien spirituel ou matériel de leurs frères et sœurs de Terre Sainte. En tout, ce sont 185 Pères synodaux qui prennent part à cette Assemblée spéciale pour le Moyen-Orient, dont 159 qui participent ex officio et 17 nommés par le Saint-Père.
Parmi eux, il y a 9 Patriarches, 19 Cardinaux, 65 Archevêques, 10 Archevêques titulaires, 53 Évêques, 21 Évêques auxiliaires, 87 religieux, dont 4 élus par l’Union des Supérieurs Généraux.
Quant à leurs fonctions, il y a 9 Chefs de Synode des Évêques des Églises orientales catholiques sui iuris, 5 Présidents de Réunions internationales de Conférences épiscopales, 6 Présidents de Conférences épiscopales, 14 Chefs de Dicastère de la Curie Romaine, 1 archevêque coadjuteur, 4 émérites dont 2 Cardinaux, le Patriarche latin émérite de Jérusalem et un Vicaire Patriarcal. La Terre Sainte est chère à tous les chrétiens.
J’ai l’honneur de saluer tout particulièrement les Délégués fraternels de 13 Églises et Communautés ecclésiales. Le Moyen-Orient est également la demeure de nos frères et sœurs juifs et musulmans car c’est le lieu où sont nées aussi ces deux religions monothéistes.
C’est pourquoi j’ai la joie d’annoncer que durant les travaux nous aurons le plaisir d’écouter les communications d’un rabbin et de deux illustres représentants de l’Islam sunnite et chiite.
Puis, je salue les 36 experts et les 34 auditeurs qui ont accepté bien volontiers leur nomination et sont venus pour enrichir la réflexion synodale par leurs témoignages et leurs riches expériences pastorales, mûries principalement au Moyen-Orient.
Il y a aussi quelques représentants d’Organismes qui aident concrètement les Églises de la région. Je suis assez reconnaissant envers les Assistants, les Traducteurs et le personnel technique tout comme envers les généreux collaborateurs de la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques pour leur précieuse collaboration, conscient que sans leur contribution qualifiée et généreuse il n’aurait pas été possible d’organiser cette Assise synodale.
Ce Rapport se compose de V parties : I. Ouverture idéale de l’Assemblée spéciale à Chypre II. Quelques données statistiques III. Indiction de l’Assemblée spéciale pour le Moyen-Orient IV. Préparation de l’Assemblée spéciale pour le Moyen-Orient V. Observations d’ordre méthodologique
Conclusion I. Ouverture idéale de l’Assemblée spéciale à Chypre Très Saint-Père, Au nom des Pères synodaux et de tous les participants à l’Assise synodale, j’ai l’honneur de vous renouveler une cordiale salutation, déjà anticipée par l’Éminentissime Cardinale Délégué Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, pour avoir convoqué cette Assemblée synodale et l’avoir de manière idéale ouverte à Nicosie à Chypre où vous vous êtes rendu en Visite Apostolique du 4 au 7 juin 2010.
L’Assemblée Spéciale pour le Moyen-Orient n’a pas été programmée longtemps à l’avance. Très Saint-Père, vous avez accueilli avec une promptitude exemplaire la proposition de divers évêques de la région du Moyen-Orient de les convoquer pour écouter les joies et les douleurs, les espérances et les préoccupations des chrétiens et des hommes de bonne volonté au Moyen-Orient, une terre tellement importante pour toute l’Église, voire pour le monde entier.
De cette façon, il s’agira pour vous, Très Saint-Père, de votre 4e Assemblée synodale en 5 ans de Pontificat. Une fois, le Vénérable Serviteur de Dieu le Pape Jean-Paul II avait dit que, considérant le nombre de Synodes qu’il avait présidé, il serait commémoré comme le Pape du Synode, « le Pape synodal».
[1] Il semble que vous aussi, Très Saint-Père, vous vous lanciez sur une voie similaire, dans ce qui est la sollicitude propre de l’Évêque de Rome, en communion avec les confrères dans l’épiscopat et au service des fidèles confiés à leurs attentions pastorales. Au cours de votre pontificat, vous vous êtes rendu, Très Saint-Père, par trois fois au Moyen-Orient.La première Visite Apostolique, du 28 novembre au 1er décembre 2006, concernait la Turquie. Votre pèlerinage en Jordanie, en Israël et en Palestine du 8 au 15 mai 2009 est encore bien présent dans les mémoires.
Enfin, le sommet de la susmentionnée Visite à Chypre a été la remise de l’Instrumentum laboris aux représentants de l’épiscopat catholique du Moyen-Orient, dignement représentés par les 7 Patriarches et par le Président de la Conférence épiscopale d’Iran. Malheureusement, S. Ex. Mgr Luigi Padovese, o.f.m.cap, Vicaire Apostolique d’Anatolie et Président de la Conférence épiscopale de Turquie, assassiné de façon barbare la veille de la Visite Apostolique n’a donc pu se présenter à ce rendez-vous.
À l’occasion de la remise de l’Instrumentum laboris, vous avez eu, Très Saint-Père, des mots affectueux à son égard, le remerciant également pour sa contribution importante à la rédaction des documents de préparation de l’Assise synodale, à savoir les Lineamenta et l’Instrumentum laboris.
Adressons au Seigneur une prière pour qu’il accueille son fidèle serviteur dans son Royaume de lumière, de paix et de joie éternelle, afin que du ciel il puisse intercéder pour le succès de cette Assise synodale. Puisse son sacrifice ouvrir de nouvelles pistes de connaissance mutuelle, de collaboration dans le respect de la vraie liberté religieuse dans tous les pays du Moyen-Orient et dans le monde.
Dans le même temps, prions pour que ceux qui ont été impliqués dans sa mort tragique se repentissent. À l’occasion de la remise de l’Instrumentum laboris, vous avez rappelé, Très Saint-Père, la maxime de l’Assemblée synodale : « la multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32), soulignant l’actualité de la communion et du témoignage pour la vie chrétienne.
Vous avez ensuite indiqué en deux points le but de la présente Assise : 1) « approfondir les liens de communion entre les membres de vos Églises locales, ainsi que la communion de ces mêmes Églises entre elles et avec l’Église universelle » et 2) « encourager dans le témoignage de votre foi dans le Christ que vous rendez dans les pays où cette foi est née et a grandi ».
[2] Outre ces buts principaux, il y a d’autres motifs pour lesquels l’assemblée spéciale pour le Moyen-Orient a été convoquée. Celle-ci représente l’occasion propice « pour les Chrétiens du reste du monde d’offrir un soutien spirituel et une solidarité à leurs frères et sœurs du Moyen-Orient ». [3] surtout ceux qui souffrent de grandes épreuves à cause de l’actuelle situation difficile dans la région. Par ailleurs, l’Assemblée spéciale permet de mettre « en relief la valeur importante de la présence et du témoignage chrétiens dans les pays de la Bible, non seulement pour la communauté chrétienne à l’échelle mondiale, mais également pour vos voisins et vos concitoyens ». [4] Les chrétiens, qui vivent au Moyen-Orient depuis quasiment 2000 ans, souhaitent vivre en paix et en harmonie avec leurs voisins juifs et musulmans. Les chrétiens méritent une reconnaissance pour le rôle inestimable qu’ils remplissent, souvent comme « artisans de paix dans le difficile processus de conciliation». [5] C’est pourquoi tous leurs droits devraient toujours être respectés, y compris celui à la liberté de culte et à la liberté religieuse.