quand on est fidèle à sa vocation », déclare le cardinal De Paolis aux Légionnaires du Christ.
Le cardinal Velasio De Paolis C.S., Délégué pontifical pour la Légion du Christ et le mouvement Regnum Christi, a en effet ordonné prêtres 31 diacres Légionnaires du Christ en la basilique de Saint-Jean de Latran, samedi dernier, 14 décembre (cf. Zenit du 13 décembre 2013).
Dans son homélie, le cardinal a souhaité « que puisse naître une nouvelle Légion réconciliée avec elle-même et avec les autres, capable de pardonner et de demander pardon ».
Homélie du cardinal Velasio De Paolis
Trente-et-un diacres de la Congrégation des Légionnaires du Christ vont être ordonnés prêtres dans peu de temps. Le sacerdoce leur fait parvenir à un objectif : ils atteignent l’accomplissement de la réponse à la vocation dans laquelle ils se sont engagés, après un long chemin de préparation. C’est la réalisation d’un idéal. Du point de vue humain, cela représente déjà un motif de joie et de satisfaction. Mais le sacerdoce est un idéal bien plus haut que n’importe quel idéal humain. Il n’est pas un simple choix qui naît de l’intérieur de l’homme, mais la réponse à un appel qui vient de loin : de Dieu lui-même. Nous avons entendu les paroles de Jésus à ses disciples : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure ».
La Parole de Dieu que nous avons entendue dans la première partie de cette Messe – appelée la liturgie de la Parole – illustre bien la grandeur et la responsabilité de cette vocation. Le premier sentiment qui naît du cœur humain, face à un tel appel, est de l’ordre de la peur et de l’insécurité, de la faiblesse et de la fragilité, tant et si bien que l’on aurait presque envie de se soustraire à une tache aussi sublime. C’est la réaction du prophète Jérémie : il se sent jeune, il ne se sent pas prêt. D’ailleurs, qui peut se sentir prêt à annoncer un message qui vient du mystère de Dieu lui-même ? La conscience de porter un appel d’en-haut à transmettre un message qui ne nous appartient pas, mais qui vient de Dieu, devient une force qui permet de prendre courage et de répondre : celui qui appelle et qui envoie vient aussi protéger, donner de la force et assurer l’efficacité. « Va vers ceux auxquels je t’enverrai et annonce ce que je t’ordonnerai. N’aie pas peur car je suis avec toi pour te protéger ».
Celui qui est envoyé n’est pas abandonné à son propre sort. Appelé à être berger du peuple de Dieu, il est aussi sous la direction du grand Berger, le Christ lui-même. Il entend l’écho des paroles du psaume et les reprend en son cœur : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien… il est le repos de mon âme… Passerai-je en une vallée obscure, je ne crains aucun mal ». Celui qui est appelé regarde le futur et sa mission avec sérénité. Dans l’amitié avec le Seigneur Jésus qui l’appelle et l’envoie, il trouve l’ami fidèle qui le rassure et le soutient. C’est la parole de Jésus qui rassure ses pas et qui rend son cœur ferme et décidé. La parole prend toute sa splendeur quand elle résonne sur les lèvres de Jésus même. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez en mon amour ». « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ». « Je vous ai appelés amis parce que tout ce que j’ai entendu, je vous l’ai fait connaître ». Et pour les amis, le Seigneur a donné la démonstration la plus grande, le don de sa propre vie. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Et le Seigneur veut que cette amitié entre lui et ceux qu’il consacre prêtres grandisse toujours un peu plus, jusqu’à la pleine identification : « Amicitia vel parem invenit vel parem facit ». L’amitié naît entre des personnes semblables ou bien elle rend les personnes semblables. C’est ce qui arrive admirablement dans le sacerdoce. A tous les niveaux : au niveau de l’être, de la mission et de la fonction. Dans toute la personne et dans toute la vie.
Par le sacrement des saints ordres, ces jeunes vont recevoir une configuration spéciale au Christ Grand Prêtre Éternel, afin de poursuivre, dans son Église, son œuvre de salut. Ils vont recevoir le sceau des saints ordres et pourront ainsi, avec Son autorité et en son nom, annoncer la Parole de l’Evangile et sanctifier les hommes à travers les sacrements par lesquels Jésus accomplit son œuvre de salut. Le prêtre, configuré au Christ, agit, comme le dit le langage théologique « in persona Christi ». Quand le prêtre agit, ses actions sont celles du Christ, elles ont donc l’efficacité de l’action divine et produisent efficacement ce qu’elles signifient : elles produisent la grâce sanctifiante par le baptême, elles confèrent la plénitude de l’Esprit Saint par la confirmation, elles transforment le pain et le vin dans le corps et le sang du Seigneur, elles remettent les péchés dans l’absolution sacramentelle, elles donnent la force de surmonter le passage de la maladie et surtout de la mort.
Plus en profondeur, les actions du Christ trouvent leur plénitude dans le mystère de sa Pâque, de sa passion, de sa mort et de sa glorieuse résurrection. L’acte sacerdotal donne son accomplissement, son sens et sa plénitude à toute la vie de Jésus, lui que nous célébrons dans l’Eucharistie, lui qui porte tout le bien spirituel de l’Église, le Christ notre Pâque. C’est ce que nous rappelle si bien la Lettre aux Hébreux : « Le Christ (…) est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire du ciel en répandant non pas le sang des animaux, mais son propre sang : il a obtenu ainsi une libération définitive ». Jésus a accompli le salut du monde et il a sanctifié les hommes quand, « poussé par l’Esprit éternel, il s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache ». C’est l’acte suprême de son sacerdoce.
Le sacerdoce chrétien trouve tout son sens dans le mystère de la Pâque et dans l’Eucharistie qui célèbre et renouvelle ce mystère. Le prêtre, pour pouvoir le célébrer dignement, doit être disposé à répondre à l’amour du Christ d’un amour plus grand, avec le don de sa propre vie. C’est le grand don que le Seigneur vous offre et vous demande dans le sacerdoce : le don de la vie ; une vie vécue dans un amour généreux, total et joyeux.
Je suis certain qu’en ce moment, vous êtes tous conscients de tout cela. Vous en êtes conscients car vous vous êtes bien préparés et vous avez été bien formés. Vous en êtes particulièrement conscients car ces dernières années de votre préparation au sacerdoce ont correspondu au temps où la Légion a été appelée à parcourir, sous la direction de l’Église, un chemin de purification et de renouveau, en vue du Chapitre Extraordinaire qui devra élire de nouveaux supérieurs pour le futur et approuver les nouvelles constitutions que vous vous donnerez. Le Chapitre, après plus de trois ans de préparation, a déjà été convoqué et il commencera dans peu de temps, le 8 janvier prochain. C’est ce même Chapitre qui devra se prononcer sur les événements que la Congrégation a vécus. Nous nous limitons ici à une réflexion très générale.
Vous êtes resté dans votre congrégation et vous allez y recevoir aujourd’hui le sacerdoce après avoir vécu les épreuves auxquelles la Légion du Christ a été soumise dernièrement. Si vous êtes ici aujourd’hui, cela veut dire que vous avez surmonté ces épreuves, que vous n’avez pu les surmonter qu’en conservant en votre cœur la certitude d’un amour, de l’amour du Christ. Certains sont restés car ils ont pensé que c’était le Christ qu’ils avaient choisi, que lui ne les avait pas trahis, qu’il ne pouvait pas les trahir. Ils ont fait confiance au Dieu de la bonté et de la miséricorde qui est capable de renouveler le cœur des hommes et de faire même que les pierres deviennent des fils d’Abraham. Ils sont restés. Ils sont les plus nombreux. Ils sont la grande majorité et vous en faites partie, vous et ces frères qui vous entourent aujourd’hui en ce jour de fête, avec vos parents et amis.
Vous, qui êtes restés, n’êtes évidemment pas responsables personnellement des faits douloureux vécus dans ce chemin de plus de trois ans. Avec votre comportement et votre fidélité, en souffrant et en prenant sur vous le poids de l’opprobre pour le péché des Légionnaires, vous avez permis le chemin de la purification et du renouveau de la congrégation, vous l’avez rendue plus belle au service de Regnum Christi et de l’Église. Vous avez ainsi confirmé, avec votre comportement, la vérité que le monde n’est pas renouvelé par ceux qui se limitent ou se perdent dans les scandales sensationnalistes et dans la méfiance, par ceux qui restent à la fenêtre en regardant avec curiosité ou en exprimant leur propre insatisfaction, mais quand on assume le péché, quand on en porte les conséquences dans l’offrande de sa propre vie, quand on est fidèle à sa vocation. Voilà les Légionnaires dont l’Église et la Légion ont besoin.
Trois ans de chemin de pénitence et de purification en vue d’un renouvellement. Vous avez su écouter les nombreuses accusations qui vous ont été adressées de nombreuses parts. Vous les avez examinées. Vous les avez vérifiées. Vous avez admis ce qui devait être reconnu et vous vous êtes engagés à le corriger. Vous avez souffert et vous vous êtes aussi rendu compte de la souffrance que le Légion a causée à d’autres par le comportement de ses membres, à commencer par le Fondateur. La souffrance des autres vous a aidé à comprendre aussi la vôtre. Vous avez fait l’expérience de la paix que peut justement procurer la souffrance, de la réconciliation qui est le fruit du pardon dont nous avons tous besoin. Qu’ainsi puisse naître une nouvelle Légion réconciliée avec elle-même et avec les autres, capable de pardonner et de demander pardon. Les nouvelles Constitutions ne sont pas le simple fruit d’une technique juridique, mais d’un long examen de conscience de toute la congrégation.
Ces faits auront aussi laissé une empreinte positive sur votre sacerdoce. Jésus-Christ, le Grand Prêtre Éternel, est venu nous révéler le visage miséricordieux du Père, nous pardonner et faire de nous des fils adoptifs. Cela aussi devra être le visage de votre sacerdoce. Le salut est lié au pardon attaché au bois de la croix ; c’est de ce bois qu’il illumine le monde et qu’il devient espérance de salut.
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