Au long de son histoire, cela a revêtu des formes et des modalités différentes, selon les périodes, les contextes et les lieux. Aujourd'hui elle doit faire face au phénomène d'abandon de la foi qui grandit dans les sociétés et les cultures imprégnées depuis des siècles du message évangélique. Les récentes mutations de la société ont des causes complexes, enracinées dans le temps, qui ont profondément changé notre perception du monde. On pense aux énormes progrès en science et technologie, élargissant les possibilités de la vie et l'espace de la liberté individuelle, aux profonds changements dans le domaine économique, au processus de mélange des ethnies et des cultures causés par les migrations massives, à l'interdépendance croissante entre peuples. Tout cela n'a pas été sans conséquences sur la dimension religieuse de la vie des hommes. Si l'humanité a largement bénéficié de cette évolution, l'Eglise y a trouvé de nouvelles raisons d'espérance, même si elle doit enregistrer une préoccupante perte du sens du sacré allant jusqu'à remettre en question des principes fondamentaux qui semblaient acquis, tels la foi en un Dieu créateur et providentiel, la révélation de Jésus-Christ, sauveur unique, ou les points de la loi morale naturelle concernant la naissance, la mort et la vie familiale.
Si tout cela a été saluée par certains comme une libération, on s'est vite rendu compte du désert intérieur qui naît là où l’homme, voulant fabriquer seul sa propre nature et son propre destin, se trouve privé de ce qui constitue le fondement de toute chose.
Parmi les grands sujets abordés, le Concile oecuménique Vatican II avait abordé le rapport entre l'Eglise et le monde contemporain. Dans le sillage de l'enseignement conciliaire, mes prédécesseurs ont pu ensuite réfléchir à la nécessité de trouver des formes nouvelles permettant à nos contemporains d'entendre encore la Parole vivante et éternelle du Seigneur.
Avec clairvoyance, le Serviteur de Dieu Paul VI a observé que le travail d'évangélisation « s’avère toujours plus nécessaire également, à cause des situations de déchristianisation fréquentes de nos jours, pour des multitudes de personnes qui ont reçu le baptême mais vivent en dehors de toute vie chrétienne, pour des gens simples ayant une certaine foi mais connaissant mal les fondements de cette foi, pour des intellectuels qui sentent le besoin de connaître Jésus-Christ sous une lumière autre que l’enseignement reçu dans leur enfance, et pour beaucoup d’autres » (Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, 52). Et, en pensant à ceux qui sont loin de la foi, il a ajouté que l'action évangélisatrice de l'Eglise « doit chercher constamment les moyens et le langage adéquats pour leur proposer ou leur reproposer la révélation de Dieu et la foi en Jésus-Christ » (Ibid., n . 56). Le Vénérable Serviteur de Dieu Jean-Paul II a fait de cet engagement un des axes de son vaste magistère, résumant dans le concept de «nouvelle évangélisation», qu’il a systématiquement étudié dans un certain nombre d'interventions, la mission qui attend maintenant l'Eglise, principalement dans les régions anciennement christianisés. Une tâche qui, si elle est directement liée à son mode de relation vers l'extérieur, suppose cependant, avant tout, un constant renouvellement intérieur, un changement continu, pour ainsi dire, d'évangéliser les évangélisateurs. Il suffit de rappeler ce qu’il affirmait dans l’exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici : « Des pays et des nations entières où la religion et la vie chrétienne étaient autrefois on ne peut plus florissantes et capables de faire naître des communautés de foi vivante et active sont maintenant mises à dure épreuve et parfois sont même radicalement transformées, par la diffusion incessante de l'indifférence religieuse, de la sécularisation et de l'athéisme. Il s'agit en particulier des pays et des nations de ce qu'on appelle le Premier Monde, où le bien-être économique et la course à la consommation, même s'ils côtoient des situations effrayantes de pauvreté et de misère, inspirent et alimentent une vie vécue «comme si Dieu n'existait pas. Actuellement l'indifférence religieuse et l'absence totale de signification qu'on attribue à Dieu, en face des problèmes graves de la vie, ne sont pas moins préoccupantes ni délétères que l'athéisme déclaré. La foi chrétienne, même lorsqu'elle survit en certaines de ses manifestations traditionnelles et rituelles, tend à être arrachée des moments les plus importants de l'existence, comme les moments de la naissance, de la souffrance et de la mort. (…) En d'autres pays ou nations, au contraire, on conserve encore beaucoup de traditions très vivantes de piété et de sentiment chrétien; mais ce patrimoine moral et spirituel risque aussi de disparaître sous la poussée de nombreuses influences, surtout celles de la sécularisation et de la diffusion des sectes. Seule une nouvelle évangélisation peut garantir la croissance d'une foi claire et profonde, capable de faire de ces traditions une force de réelle liberté. Assurément il est urgent partout de refaire le tissu chrétien de la société humaine. Mais la condition est que se refasse le tissu chrétien des communautés ecclésiales elles-mêmes qui vivent dans ces pays et ces nations. » (n. 34).
Reprenant les préoccupations de mes prédécesseurs, j'ai considéré opportun d'offrir une réponse adaptée à la question afin que l'Eglise toute entière, régénérée par l'Esprit, se présente au monde forte d'un élan missionnaire capable de propager cette nouvelle évangélisation. Je fais principalement référence aux Eglises de fondation ancienne, qui peuvent vivre des réalités très différents, auxquelles correspondent des besoins différents, qui ont besoin de diverses impulsions d'évangélisation : dans certaines régions, malgré la progression de la sécularisation, la pratique chrétienne fait encore montre d'une belle vitalité et d'un bon enracinement populaire ; dans d'autres régions, cependant, il y a une plus grande distance entre la société dans son ensemble et la foi, avec un tissu ecclésial plus faible, non sans éléments de vivacité que le Saint-Esprit ne manquera pas d'inspirer ; nous savons aussi, enfin, que des zones qui se trouvent malheureusement presque totalement déchristianisées, et la lumière de la foi ne brille plus que dans de petites communautés : ces régions, qui ont besoin d'un re-évangélisation de base sont, sous bien des aspects, particulièrement réfractaires au message chrétien.
La diversité des situations exige un discernement attentif ; parler de «nouvelle évangélisation» ne signifie pas, devoir élaborer une formule unique identique pour tous dans toutes les circonstances. Et pourtant, il n'est pas difficile de voir combien toutes les Eglises qui vivent dans des territoires traditionnellement chrétiens ont besoin d’un élan missionnaire renouvelé, expression d'une nouvelle ouverture au don généreux de la grâce. En fait, nous ne pouvons pas oublier que la première tâche consiste toujours à nous rendre dociles à l'action gratuite de l'Esprit du Ressuscité, qui accompagne ceux qui sont porteurs de l'Evangile et ouvre le cœur de ceux qui l'écoutent. Pour proclamer d'une manière fructueuse la Parole de l'Evangile, il est d'abord nécessaire de faire l'expérience profonde de Dieu
Comme j'ai eu l'occasion de dire dans ma première encyclique Deus Caritas Est, « À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (n. 1). De même, à la base de toute évangélisation, il n'y a aucun projet expansionniste, mais seulement le désir de partager le don inestimable que Dieu nous fait, celui de prendre part à sa vie même.
Par conséquent, à la lumière de ces considérations, après avoir soigneusement examiné toutes choses, et avoir obtenu l'avis d'experts, j’établis et décrète que :
Article 1
§ 1. Il est constitué un Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, comme dicastère de la Curie romaine, au sens de la Constitution apostolique Pastor Bonus.
§ 2. Le Conseil a pour but propre de stimuler la réflexion sur les thèmes de la nouvelle évangélisation, d’identifier et de promouvoir les voies et moyens pour y parvenir.
Article 2
L'action du Conseil, qui se déroule en collaboration avec les autres dicastères et organismes de la Curie romaine, dans le respect de leurs compétences respectives, est au service des Églises particulières, en particulier dans les territoires de tradition chrétienne où se manifeste le plus clairement le phénomène de la sécularisation.
Article 3
Les tâches spécifiques du Conseil sont notamment :
1° approfondir la signification théologique et pastorale de la nouvelle évangélisation ;
2° promouvoir et encourager, en étroite collaboration avec les Conférences épiscopales concernées, qui pourront avoir un organe ad hoc, l’étude, la diffusion et la mise en œuvre du magistère pontifical sur les questions liées à la nouvelle évangélisation ;
3° faire connaître et soutenir les initiatives liées à la nouvelle évangélisation déjà existantes dans les différentes Églises particulières et en promouvoir la réalisation de nouvelles, en impliquant activement les ressources des instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, ainsi que des associations de fidèles et des communautés nouvelles ;
4° étudier et de promouvoir l'utilisation de formes modernes de communication, comme outils pour la nouvelle évangélisation;
5° promouvoir l'utilisation du Catéchisme de l'Église catholique, qui est une formulation essentielle et complète du contenu de la foi aux hommes de notre temps.
Article 4
§ 1. Le Conseil est dirigé par un archevêque président assisté d'un secrétaire, d’un sous-secrétaire et d'un certain nombre d’officiels, conformément aux règles fixées par la Constitution apostolique Pastor Bonus et le Règlement général de la Curie romaine.
§ 2. Le Conseil a ses propres membres et peut disposer de consulteurs propres.
Tout ce que j'ai établi par le présent Motu proprio, j'ordonne que cela ait une valeur pleine et stable nonobstant toute disposition contraire et établit qu’il soit promulgué par la publication dans le journal L'Osservatore Romano et qu’il entrera en vigueur le jour de sa promulgation.
Donné à Castel Gandolfo, le 21 Septembre 2010, la fête de saint Matthieu, apôtre et évangéliste, en la sixième année de mon pontificat.
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