Le cardinal Leonardi Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, est intervenu à l’occasion du congrès « Foi et martyre » qui a eu lieu à l’église Saint-Barthélemy-en-l’Île, à Rome, le 23 novembre 2013.
Intervention du card. Sandri
Béatitude,
Chers évêques,
Monsieur l’ambassadeur de Roumanie près le Saint-Siège,
Chers frères, sœurs et amis,
J’adresse mes salutations fraternelles au cardinal Lucian Muresan, archevêque majeur de Fagaras et Alba Julia des Roumains, aux évêques gréco-catholiques, Mgr Virgil Bercea, de Oradea Mare des Roumains, et Mgr Mihai Fratila, évêque auxiliaire de Budapest, et aux intervenants, à commencer par Mgr Matteo Zuppi, évêque auxiliaire de Rome, ainsi qu’aux Autorités civiles et ecclésiastiques qui participent à ce congrès intitulé : « Foi et martyre ». Il est organisé, avec le soutien de la Congrégation pour les Églises orientales, par le Pieux collège roumain de Rome et par le postulateur de la cause de béatification des évêques gréco-catholiques roumains morts en réputation de martyre, au cours du siècle qui vient de s’écouler.
Nous désirons mettre en lumière « le témoignage de foi de l’Église gréco-catholique roumaine pendant la persécution communiste ». La foi, en effet, est lumière et, si « les ténèbres ne l’ont pas accueillie » (Jn 1), celles-ci ne peuvent prétendre constituer l’ultime parole sur l’homme. C’est ce qu’affirme le bienheureux Jean-Paul II qui vous a accompagnés en tant qu’évêque de Rome, dans la dernière période de la persécution, en publiant la lettre apostolique Orientale Lumen. Je le cite : « La lumière de l'Orient a illuminé l'Église universelle depuis qu'est apparu sur nous « l'Astre d'en haut » (Lc 1, 78), Jésus-Christ, notre Seigneur, que tous les chrétiens invoquent comme Rédempteur de l'homme et espérance du monde. »
C’est pourquoi nous rendons grâce à Dieu pour le don de la foi et nous admirons, confortés dans notre témoignage personnel, ces figures d’évêques lumineuses.
La persécution est arrivée à l’improviste mais elle a duré très longtemps. Les événements, dans l’Ukraine voisine, ne furent pas perçus comme un danger imminent, mais quand celui-ci apparut à l’horizon, les évêques préparèrent les fidèles à résister, soutenant leur vie spirituelle par des missions populaires, des visites pastorales, des pèlerinages et des lettres circulaires pour enraciner leur foi aux sources chrétiennes. Dès le début des persécutions et pendant toute leur durée, ils exhortèrent progressivement à la fermeté dans toutes les paroisses. Ils furent intransigeants avec ceux qui apostasiaient parce qu’ils se souciaient du troupeau du Christ, tandis que « le mercenaire, qui n’était pas le pasteur » (Jn 10) l’agressait. Aujourd’hui, ils composent cette croix représentée sur le logo de ce colloque. Ils furent tous arrêtés entre le 27 et le 29 octobre 1948, et condamnés sans aucun procès. Ils ont souffert pour leur fidélité au Christ, à l’Église et au pape de Rome. Constamment invités à quitter l’Église catholique (une simple signature « en passant » aurait suffi), ils ont toujours refusé. Ils ont maintenu l’unité avec le collège épiscopal et avec son chef, le pontife romain. Cinq d’entre eux sont morts en prison (Vasile Aftenie, Valeriu Traian Frentiu, Ioan Suciu, Tit Liviu Chinezu et Alexandru Rusu) et deux en résidence surveillée (Ioan Balan et le cardinal Iuliu Hossu). Comme le bon pasteur de l’Évangile, ils ont donné leur vie et les fidèles les ont suivis (de nombreux prêtres et laïcs, eux aussi jusqu’au martyre) parce que, dans leur voix, ils reconnaissaient la voix incomparable du Christ. Pas un évêque n’a renié sa foi, alors que l’intention des persécuteurs était précisément de briser cette unité.
Chers amis, cet héritage spirituel nous permet de regarder vers l’avenir avec confiance. Mais prions et agissons pour cette mission que notre cher pape François a rappelée aux patriarches et aux archevêques majeurs qu’il a reçus, avec les cardinaux et les autres membres de la Congrégation pour les Églises orientales, le 21 novembre dernier : il s’agit de la mission de l’unité des chrétiens, orientaux en particulier, comme l’enseigne le concile œcuménique Vatican II. C’est pourquoi je désire, à travers ce baiser de paix, rejoindre l’Église orthodoxe de Roumanie – et son patriarche – dont le martyrologe compte tant de martyrs de la foi, afin que, avec les gréco-catholiques et les latins roumains, il soit possible de collaborer dans le respect mutuel pour le bien spirituel et matériel de la Roumanie et afin aussi qu’elle puisse jouer le rôle qui est le sien en Europe et dans le monde. Hier soir, nous nous sommes réunis pour la fête nationale : 1918 fut pour vous une année impossible à oublier, suivie de persécutions et de divisions, mais aussi de la liberté retrouvée. Je forme le vœu que la paix religieuse et civile trouve une confirmation pérenne et soit source de solidarité, spécialement envers les couches les plus faibles de la société. Que l’implication des meilleures forces de la Roumanie permette à vos jeunes de rester dans leur patrie et, s’ils partent sur les routes du monde, de trouver un accueil et la possibilité d’une vie personnelle et familiale digne.
Mais repensons à nos martyrs et demandons-nous encore qui les a soutenus dans leur témoignage si lumineux. La splendide iconostase de la cathédrale de Blaj, ville appelée « la petite Rome », nous donne la réponse : c’est la foi dans le Christ et la prière d’intercession de la Sainte Mère de Dieu, des apôtres et des martyrs qui l’acclament comme le Seigneur et qui veillent sur le chemin de tous les Roumains. Le pape saint Clément, martyr si vénéré en Orient et dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire liturgique, s’unira à notre prière. Dans cette belle église de Saint-Barthélemy-en-l’Île, devenue le symbole de cette unité que les martyrs du Christ tissent encore de nos jours, je prie Dieu par leur intercession de bénir la Roumanie, tous ses habitants et chacun de nous. Merci.
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat