"Le texte instaure le règne de l’arbitraire puisqu’il confère à un ministre le droit de juger de ce qui est bon ou non pour l’intérêt public. Cette notion devrait être clairement définie plutôt que livrée à l’appréciation personnelle d’un membre de votre gouvernement. D’un côté vous vous dites le champion de la liberté de la presse, de l’autre vous n’hésitez pas à menacer de fermer les journaux qui, selon vous, ’mentent et ternissent l’image’ de votre gouvernement. L’objectif de votre nouvelle loi est-il de pouvoir cibler et réprimer les journaux critiques de votre action ?", interroge Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
"Nous craignons que le texte encourage l’autocensure des journalistes ou leur complaisance envers le ministre, la presse privée perdant ainsi de fait son indépendance et sa liberté de ton. Vous avez aujourd’hui l’occasion de rassurer les observateurs sur votre engagement en faveur de la liberté de la presse. En abrogeant cette loi, vous enverriez un signal fort", poursuit le secrétaire général de l’organisation.
La nouvelle loi, adoptée sans un processus suffisant de consultation des acteurs concernés, prévoit que "si le ministre [de l’Information] a de bonnes raisons de croire que la publication ou l’importation d’un journal sont contraires à l’intérêt public, il peut, par une décision publiée dans le Journal officiel (the "Gazette"), interdire la publication ou l’importation de ce journal".
Cette loi est non seulement rétrograde mais également contraire à l’article 36 de la Constitution de 1995 qui stipule que "la presse possède le droit de s’exprimer et de publier librement, au Malawi comme à l’étranger, et que tous les moyens facilitant l’accès à l’information doivent être mis à sa disposition".
Le ministre allemand de la Coopération économique et du Développement, Dirk Niebel, a suspendu le paiement d’une tranche de 2,5 millions d’euros d’aide au Malawi, en réaction à l’adoption de cette loi et au refus des autorités d’en discuter. La visite au Malawi de la secrétaire d’Etat allemande Gudrun Kopp, prévue du 12 au 15 février 2011, a été annulée. Plusieurs pays donateurs ont déclaré dans un communiqué commun, le 12 février, "partager les préoccupations exprimées par de nombreux Malawites sur certaines tendances négatives".
En août 2010, Bingu Wa Mutharika avait déclaré pouvoir fermer certains journaux critiques. A mots couverts, cette menace visait le quotidien privé The Nation, déjà touché par une mesure de boycott sur la publicité d’Etat.
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