Le 5 août 2009, le procès en appel des supects dans l’assassinat de la journaliste du bihebdomadaire Novaïa Gazeta, Anna Politkovskaïa, s’ouvrira à Moscou. Trois hommes sont directement accusés d’avoir contribué à l’organisation du crime.
Il s’agit des frères Djabrail et Ibraguim Makhmoudov, ainsi que Sergueï Khadjikourbanov, ancien policier moscovite. Ce dernier est accusé d’avoir organisé l’assassinat et les deux frères sont accusés de complicité. Un quatrième homme, Pavel Riagouzov, ancien officier du KGB est également entendu. Il est poursuivi pour des faits d’extorsion dans un autre dossier incriminant également Sergueï Khadjikourbanov.
Tous les suspects à l’exception de ce dernier comparaîtront libres le 5 août devant le tribunal militaire. Et s’il y a quelque chose à attendre de ce procès, cela viendra peut-être des révélations sur la nature des relations entre l’ancien policier et un certain Pavlioutchenko.
Sergueï Khadjikourbanov a été arrêté peu après son acquittement en février 2009, après le dépôt d’une nouvelle plainte contre lui pour chantage par cet homme, lui-même témoin dans le procès Politkovskaïa, rapporte le quotidien Moskovskiy Komsomolets dans son édition du 3 août 2009. Selon ce témoin, qui remplissait des missions pour le compte des services de sécurité russes, Khadjikourbanov lui aurait proposé, peu avant l’assassinat de la journaliste, de “travailler sur la presse”. Sergueï Khadjikourbanov nie avoir alors fait référence à Anna Politkovskaïa et affirme que Pavlioutchenko cherche à le compromettre parce qu’il lui doit une forte somme d’argent. Il apparaît urgent de tirer cette affaire au clair et de réunir ces deux dossiers.
Toutefois, n’oublions pas que les acteurs essentiels manquent toujours à ce procès. A savoir, le tireur (un troisième frère Makhmoudov, Roustam, en fuite à l’étranger), ainsi que le ou les commanditaires. On ignore également quelle affaire a causé la perte de la journaliste.
Rappelons pour finir que l’incapacité des autorités à traduire en justice ceux qui recourent à l’assassinat pour faire taire les critiques et protéger leurs intérêts, nourrit le cycle de la violence. C’est un permis de tuer qui continue de faire des victimes. L’une des dernières étant Natalia Estemirova. La défenseure des droits de l’homme, enlevée et abattue le 15 juillet dernier, dans le Caucase du nord, dénonçait depuis plus de dix ans les exactions subies par la population tchétchène. Natalia Estemirova avait collaboré avec Anna Politkovskaïa, et contribué à faire juger des responsables de crimes. Elle aussi refusait de se taire sous la menace.
Alors, si l’impunité continue d’être la règle en Russie, devrons nous, comme les militants des droits de l’homme lors des manifestations en hommage à Natalia Estemirova, nous demander “qui sera le suivant ? “
Reporters sans frontieres 4/8/2009