"De plus en plus de femmes journalistes, militantes, blogueuses ou simples internautes subissent la répression de gouvernements autoritaires ou les menaces de groupes religieux lorsqu’elles défendent leurs droits.
Emprisonnements, brutalités, poursuites judiciaires, menaces de mort : tous les moyens sont bons pour empêcher ces femmes de revendiquer leurs droits", a déclaré Reporters sans frontières.
"Aujourd’hui, nous devons soutenir celles et ceux qui cherchent à s’exprimer librement sur la condition des femmes. Ce sujet ne doit plus être tabou. Il est inacceptable qu’en 2008, l’on puisse encore être incarcéré ou menacé de mort pour avoir abordé librement cette question", a ajouté l’organisation de défense de la liberté de la presse.
En Iran, les cyberféministes, ces nouvelles militantes de la liberté d’expression qui utilisent le Net pour tenter d’échapper à la censure, sont nombreuses et particulièrement actives. Mais elles sont aussi dans le collimateur du gouvernement du président Mahmoud Ahmadinejad. En un an, plus d’une quarantaine d’entre elles ont été arrêtés, dont 32 journalistes et blogueuses. Elles manifestaient dans les rues de Téhéran pour revendiquer leurs droits et relayer ensuite ces marches de protestation sur leur blog ou dans des médias en ligne. Quelques-unes ont passé plusieurs semaines en prison et toutes sont en liberté sous caution, sous le coup d’une procédure judiciaire. En avril 2007, le ministre du Renseignement avait accusé ces femmes de mener des actions "subversives" et d’être "à la solde de l’étranger".
Le 28 janvier 2008, le mensuel féministe Zanan a été suspendu après avoir été accusé de "compromettre la santé mentale des lectrices". Plus de trente collaboratrices du magazine ont ainsi perdu leur travail. Par ailleurs, Parvin Ardalan, rédactrice en chef du site Internet Wechange, qui défend la cause des femmes en Iran, a été interdite de sortie du territoire le 3 mars 2008. Lauréate du prix suédois Olof Palme 2007 pour les droits de l’homme, elle a été arrêtée par les autorités alors qu’elle embarquait à bord d’un avion pour Stockholm. Sur ordre du procureur général de Téhéran, elle s’est vue confisquer son passeport. Elle avait été arrêtée en juin 2006 après avoir organisé une manifestation pacifique demandant la fin des lois discriminatoires envers les femmes en Iran.
En Afghanistan, c’est un homme qui risque sa vie aujourd’hui pour avoir défendu les droits des femmes. Sayed Perwiz Kambakhsh a été arrêté le 27 octobre 2007, dans le nord du pays, et accusé de "blasphème et diffusion de propos diffamatoires à l’encontre de l’islam". Sous la pression répétée du Conseil des mollahs et des autorités locales, le jeune journaliste de 23 ans a été condamné à la peine de mort, le 22 janvier 2008, à l’issue d’un procès à huis clos et sans avocat. Sayed Perwiz Kambakhsh est étudiant en journalisme à l’université de Balkh et reporter pour le journal Jahan-e-Naw ("Le Monde nouveau"). Il avait utilisé des articles tirés d’un site Internet iranien reprenant les sourates du Coran concernant les femmes, document controversé dont il a été prouvé qu’il n’était pas l’auteur.
Dans ce pays, les plus conservateurs estiment que les femmes sont trop nombreuses sur les écrans des télévisions locales et souhaitent faire adopter une loi leur demandant de respecter "les codes vestimentaires religieux". En février 2008, des inconnus se présentant comme des représentants des taliban ont menacé de mort trois femmes, journalistes à Mazar-e-Charif. Les inconnus ont prévenu l’une d’entre elles en ces termes : "Fais attention, si tu continues de te montrer à la télé, on peut enlever ta s¦ur, ta mère et d’autre membres de ta famille." Malgré leurs demandes, elles n’ont pas obtenu de protection de la police. Enfin, près d’un an après l’assassinat de Zakia Zaki, la directrice de la Radio de la Paix, connue pour dénoncer les abus commis sur les femmes, la police n’a toujours pas arrêté les coupables.
En Inde, Taslima Nasreen vit à nouveau sous protection policière depuis novembre 2007. Elle est menacée en raison de ses ouvrages qui dénoncent les atteintes aux droits des femmes commises au nom de l’islam. A l’occasion de son voyage en Inde, fin janvier 2008, Nicolas Sarkozy souhaitait lui remettre en main propre le prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes qui lui a été décerné. Il a dû renoncer pour ne pas froisser les autorités locales, sous pression de groupes musulmans influents.
Nawal Saadawi, écrivaine égyptienne et fondatrice de l’Association arabe pour la solidarité des femmes, connaît le même sort. Menacée et poursuivie en justice, elle a quitté son pays et trouvé refuge en Europe.
En Argentine, le cas de Claudia Acuña a marqué les consciences. Fondatrice d’une agence de presse en ligne, La Vaca, et d’un quotidien affilié à celle-ci, MU, la journaliste est également l’auteur d’un livre d’enquête remarqué sur la prostitution à Buenos Aires, dans lequel elle dénonçait l’implication de certaines autorités. De là, selon elle, le harcèlement policier dont elle a fait l’objet au cours du mois de juillet, des fonctionnaires relevant systématiquement les identités des personnes cherchant à se rendre à son domicile.
Reporters sans frontieres- 6/3/2008