Le juge Anna Eisenberg, du tribunal de la ville de Komsomolsk-on-Amur (Extrême-Orient russe), a ordonné, le 16 juillet 2010, au fournisseur d’accès local, RA RTS Rosnet, de bloquer, à compter du 3 août 2010, l’accès à trois bibliothèques en ligne,
Lib.rus.ec, Thelib.ru et Zhurnal.ru, ainsi qu’à YouTube et Web.archives.org. Ce dernier conserve des copies de pages web anciennes ou supprimées. Il est reproché à YouTube la présence d’une vidéo nationaliste intitulée "La Russie aux Russes", qui figure sur la liste des contenus extrémistes dressée par le ministère de la Justice. Les quatres autres sites hébergeraient des exemplaires de l’ouvrage d’Hitler "Mein Kampf".
Reporters sans frontières dénonce une décision de justice liberticide et disproportionnée : "Cette décision unilatérale, qui prévoit le blocage de sites entiers au lieu de cibler les pages incriminées, constitue une atteinte à la liberté d’information. L’ensemble des internautes pourrait ainsi être lésés. Les lois russes contre l’extrémisme ont été critiquées pour leur utilisation abusive et leurs conséquences néfastes telles que le blocage de sites indépendants. Il existe d’autres mécanismes, prévus par les conditions d’utilisation de YouTube, pour obtenir le retrait de vidéos qui posent problème," a déclaré Reporters sans frontières. L’organisation s’interroge : "Pourquoi le procureur a-t-il porté cette affaire directement devant la justice ? Pourquoi n’a-t-il pas tout simplement saisi les modérateurs de la plate-forme d’échanges vidéos pour en demander le retrait ? N’a-t-il pas contacté les responsables des bibliothèques en ligne ?"
Le fournisseur d’accès a annoncé son intention de faire appel de cette décision. Son directeur, Alexandre Ermakov, n’entend pas mettre en œuvre ce blocage. Il considère que la loi lui interdit de limiter l’accès à l’information quand il n’y a pas eu violation des conditions d’utilisation des services proposés. Il affirme avoir proposé plusieurs moyens de filtrer l’accès aux contenus incriminés, sans bloquer le nom de domaine complet, mais le tribunal n’en a pas tenu compte.
Google a qualifié le verdict de "contraire à la Constitution". Cette mesure affecte également les autorités russes : "Il est intéressant de noter que YouTube contient beaucoup d’informations, dont la chaine du président russe", a commenté une porte-parole de l’entreprise, Alla Zabrovskaya.
Reporters sans frontières a ajouté en mars 2010 la Russie à la liste des "Pays sous surveillance" dans son rapport "Les Ennemis d’Internet".(http://fr.rsf.org/surveillance-russie,36646.html) Suite à la reprise en main des médias audiovisuels par le Kremlin au début de l’ère Poutine, Internet est devenu l’espace de discussions et d’échanges d’informations le plus libre du pays. Mais son indépendance est menacée par des arrestations, des poursuites contre des blogueurs et des blocages de sites indépendants qualifiés d’"extrémistes". Le Web est aussi devenu un champ d’action de premier plan pour la propagande du pouvoir.
Reporters sans frontières