Après la seule étude véritablement scientifique sur l’objet lui-même, en 1978, il était clair qu’il ne pouvait s’agir d’un faux, que l’image avait des propriétés extraordinaires et uniques et que tout orientait vers l’authenticité, même si le mode de formation de l’image était (et reste) totalement incompris.
Vingt ans plus tard, la science et les techniques progressant, des chercheurs ont fait une découverte capitale qui remet radicalement en cause la validité de cette datation : l’échantillon prélevé en 1988 aurait été extrait d’un patch médiéval. L’histoire du linceul de Turin n’est donc pas finie et la preuve scientifique de son authentification n’est peut-être plus très loin.
Sous le titre « Le linceul de Turin : Passion du Christ, Passion de l’homme », une conférence vient de faire le point sur ces questions. Elle a été donnée par deux sindonologues (spécialistes du linceul, sindone en italien) de réputation internationale, Thibaut Heimburger et Sébastien Cataldo, à l’initiative conjointe de la faculté des sciences religieuses de l’USJ, de la Communauté de Jésus au Liban (fondée par Ramzi Malek) et de l’Association libanaise des Chevaliers de Malte. Une copie conforme du linceul a été exposée, durant la conférence, aux fins de témoignage.
Docteur en médecine, Heimburger a procédé à une description détaillée du suaire et à un historique de ses pérégrinations, sachant qu’il est conservé, depuis le XVIe siècle, à la cathédrale de Turin et que, depuis 1981, c’est le Vatican qui en est le gardien.
De grande taille (environ 4m sur 1 m), le tissu porte notamment les traces d’un incendie remontant à 1532. Le suaire était conservé, à l’époque, dans un reliquaire d’argent déposé dans une chapelle à Chambéry (France). Sauvé du feu et refroidi avec de l’eau, le suaire aurait quand même été brûlé par des gouttes d’argent fondu provenant du reliquaire. Plié dans son coffret, le tissu en a gardé les traces de brûlures triangulaires. Plusieurs taches d’eau sont aussi observées au niveau du thorax de l’homme dont l’image est imprimée sur le linge. Des patches ou des morceaux de tissu ont été ajoutés au linceul, lors des travaux de réparation de la relique par les clarisses de Chambéry en 1534. Le tissu est fin, très souple et de haute qualité. C’est du lin pur.
Le visage
Quant à l’empreinte du visage sur le tissu, Heimburger en souligne les caractéristiques : à moins d’un mètre, aucune forme n’est reconnaissable. L’image n’a pas de profondeur, elle se fond dans le tissu. L’empreinte est d’une extrême superficialité. Elle semble être « posée » sur le tissu. Le tissu ne comporte pas d’image de la partie latérale du corps ni du sommet du crâne.
En 2002, par crainte que le tissu carbonisé ne finisse par oxyder l’image, une restauration secrète est commandée par les gardiens du Suaire à un spécialiste mondial de tissus. C’est grâce à cette restauration qu’on découvre qu’en certains endroits, du sang a transpercé le tissu. C’est ainsi qu’on a pu constater des plaies sanguines au niveau des poignets ; une trace de sang en epsilon sur le front ; du sang sur les avant- bras, le thorax, l’abdomen, les cuisses et les jambes, et une plaie sur le côté. Le sang autour de la tête suggère un casque d’épines au lieu d’une couronne.
En fait, les correspondances entre le récit de la Passion du Christ et les empreintes laissées sur le linceul sont étonnantes. Les détails révèlent que l’homme du suaire a subi une flagellation avec un fouet à trois pinces, comme en possédaient les Romains ;
le supplice de la croix, les plaies aux épaules et au genou, ainsi que la trace d’un coup de lance postmortem sont également évidents. On note en particulier que le suaire ne représente pas le crucifié comme le faisait l’iconographie médiévale avec des clous enfoncés au niveau des paumes de main, mais bien au niveau des poignets. Ce détail confirme ce qu’on sait d’expérience, à savoir que sous le poids du corps du crucifié, les paumes se seraient déchirées si les clous avaient été plantés dans les mains.
L’iconographie du Christ
De son côté, Sébastien Cataldo, archéologue et historien, a parlé de l’iconographie du Christ. Il note qu’au IIIe siècle, Jésus est représenté imberbe. Aux IVe et Ve siècles, la représentation de Jésus évolue. Il est présenté avec une barbe et de longs cheveux.
Dans son historique du suaire, Cataldo en arrive à 1988, quand le Vatican autorise la datation du linceul au carbone 14. Le C14 fait remonter l’origine du suaire au Moyen Âge.
Mais d’emblée, pour des raisons historiques évidentes, des scientifiques, dont Cataldo et Heimburger, refusent cette datation et s’appuient sur les nombreuses preuves attestant l’existence du linceul avant cette date. Ainsi, les conclusions du C14 s’avèrent incompatibles avec la filiation qui peut être établie entre le suaire et sa représentation dans le Codex de Pray.
Le Codex de Pray est le plus ancien manuscrit écrit en langue hongroise, conservé à la bibliothèque de Budapest. Il a pu être daté historiquement avec certitude de la fin du XIIe siècle. Il contient une miniature montrant sans ambiguïté le suaire de Turin. Elle représente l’ensevelissement du Christ dans un linceul et celui-ci est représenté nu, exactement dans la position retrouvée sur l’image du suaire. Certains détails ne trompent pas, comme les mains croisées sur le pubis, les doigts longs et les pouces invisibles. Mais la certitude absolue provient de la représentation exacte de petits ronds sur le tissu, qui correspondent exactement, dans leur disposition en équerre et leur place, à des trous de brûlures encore visibles sur le suaire.
Par ailleurs, il existe plusieurs récits de croisés rapportant avoir vu le linceul du Christ, à Constantinople, durant une période bien antérieure à sa datation telle qu’établie par le C14. Il est donc vraisemblable, affirment les scientifiques, se basant sur l’histoire, que le suaire ait été apporté par les croisés en 1204-1205, après le sac de la ville en 1204.
Au cours d’un pèlerinage à Turin, Jean-Paul II a parlé du linceul comme d’un « défi à l’intelligence », tout en invitant la science à poursuivre ses recherches. De son côté, en annonçant une nouvelle ostension du Saint Suaire en 2010, Benoît XVI a parlé d’une « occasion pour contempler ce mystérieux visage qui parle silencieusement au cœur des hommes », les invitant à y reconnaitre « le vrai visage de Dieu ».
Mais comme avec tout ce qui est considéré comme relique, et conformément à la doctrine définie lors du concile de Trente, l’Église catholique se montre prudente. Comme pour d’autres dévotions catholiques, celle-ci est laissée au libre choix de chaque fidèle.