Pax Christi International, mouvement international pour la paix, a attribué le Prix de la Paix 2012 à Mgr John Onaiyekan, cardinal désigné, « pour récompenser ses efforts de promotion du dialogue et d’une meilleure compréhension entre les populations de diverses traditions religieuses vivant sur le continent africain » (cf. Zenit du 5 novembre 2012).
Mgr John Onaiyekan a remercié le comité de Pax Christi pour « le grand honneur » qui lui était fait. « J’ai reçu un certain nombre de reconnaissances et d’honneurs au cours de ma vie » a-t-il dit, « mais un prix Pax Christi est pour moi d’une très grande valeur à cause de son nom qui rappelle et confirme notre foi Christi en Jésus-Christ, lui qui est notre paix et notre réconciliation ». C’est un encouragement, a-t-il ajouté, à « poursuivre mes efforts en faveur de la paix dans la fidélité à l’esprit qui a motivé ce prix ».
L’archevêque d’Abuja a avoué que cette reconnaissance avait été « une surprise » ; en effet, a-t-il expliqué, « je me trouve sommé de faire ce qui m’est tout à fait naturel, ce que je crois devoir faire ».
Par ailleurs, s’il a exprimé sa peine et sa « profonde tristesse » devant les effusions de sang qui secouent certaines régions au Nigéria et devant les « situations de conflit ou de désaccord qui provoquent des blessures et des souffrances inutiles », l’archevêque a cependant souligné que, dans tous ses efforts pour promouvoir la paix et l’harmonie, il avait trouvé « en général de la bonne volonté dans la plupart des cas ».
Dans son discours, le cardinal désigné nigérian a tenu à rappeler les « convictions » qui l’animent, avant d’énumérer les « tâches urgentes » pour faire face à l’évolution rapide du monde.
Parmi ces convictions, « la première est ma foi profonde en Dieu qui est le Créateur puissant et le Père aimant de toute l’humanité, indépendamment de toute croyance, nationalité ou du statut social » a professé le lauréat du prix. « Ce Dieu est un Dieu de paix qui a en horreur la discorde et la haine, la malhonnêteté et l’oppression. Ma foi me révèle qu’il est le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Prince de la paix, dont la promesse est aussi une responsabilité : « Heureux les artisans de paix car ils seront appelés Fils de Dieu ». Il n’existe pas de plus grande motivation que celle-ci pour travailler en faveur de la paix ».
Mgr Onaiyekan a souligné le rôle joué par ses parents « qui avaient une confiance profonde et limpide en Dieu le Père tout-puissant » et qui lui ont enseigné « par leurs paroles et par leur exemple à respecter les convictions religieuses des autres, et à reconnaître ce qui est bon en toutes choses ».
Sa seconde conviction s’enracine dans l’esprit du concile Vatican II, dont la dernière session se déroulait alors qu’il commençait ses études de théologie, en octobre 1965. « Mon attitude dans les relations inter-religieuses dérive des enseignements contenus dans des documents comme Nostra aetate et Lumen gentium de Vatican II, et en particulier les exhortations papales publiées à l’issue des deux sessions du synode des évêques pour l’Afrique, Ecclesia in Africa (1995), du pape Jean-Paul II, et Africae munus (2011) du pape Benoît XVI ».
Mais l’expérience inter-religieuse de l’archevêque africain s’est surtout forgée dans ses rencontres avec les musulmans avec lesquels il partage la vie quotidienne au Nigéria. « L’Eglise m’a mis au défi de chercher et de découvrir en tout vrai croyant cette « lumière qui éclaire chaque personne » qui vient dans le monde », a-t-il précisé « Je peux dire avec sincérité que cela a été pour moi un projet passionnant et très enrichissant ».
Cette recherche l’a conduit à une autre certitude : « Ce que nous partageons avec tous les autres êtres humains est bien plus important que nos traits spécifiques », a-t-il affirmé. « Lorsque nous serons capables de découvrir nos points communs, nous pourrons alors célébrer la beauté de notre diversité et travailler avec succès à la réconciliation de nos différences et de nos conflits ».
Mgr Onaiyekan a aussi fait observer que, même dans les situations de conflit, la majeure partie de la population veut vivre en paix. « La grande majorité des personnes sont des personnes normales comme moi », a-t-il déclaré. « Le défi est de bâtir sur les fondations de la bonne volonté de la majorité, de permettre à la majorité silencieuse de sortir de son silence et d’élever la voix, pour rassembler une masse critique d’artisans de paix qui s’expriment ».
Le lauréat du prix de la Paix 2012 a poursuivi son discours en indiquant un certain nombre de défis à relever : « je vois quelques tâches urgentes qui nous attendent pour faire face au phénomène rapide de la globalisation », a-t-il dit.
Dans le processus actuel de globalisation et le développement de la technologie, « nous devenons voisins les uns des autres », a-t-il constaté. Ce phénomène peut être source de dangers, mais aussi de potentialités. Ainsi « l’humanité peut maintenant devenir vraiment l’unique communauté et famille humaine pour laquelle Dieu l’a créée. Il faut simplement que nous trouvions les façons de vivre ensemble en paix à travers le monde ».
Pour Mgr Onaiyekan, le temps des « guerres de religion » appartient au passé. Il faut, a-t-il dit, « libérer la religion de la manipulation en vue d’autres intérêts » pour lui permettre de « jouer son rôle positif de réconciliation entre les peuples en conflit, là où d’autres efforts ont échoué ».
Il est temps aussi que les deux plus grandes religions du monde, le christianisme et l’islam « assument sérieusement la responsabilité particulière qui leur incombe de lutter pour la paix dans le monde » et qu’elles y travaillent ensemble.
Si chacune de ces deux religions revendique un mandat divin pour se diffuser dans le monde entier et embrasser toute l’humanité, « il faut que nous trouvions des moyens de mener à bien ce mandat divin tout en vivant en paix avec notre voisin, ce qui est aussi un commandement divin », a fait observer Mgr Onaiyekan. « C’est un projet qui n’est pas du tout anodin », a-t-il insisté.
L’archevêque d’Abuja a aussi abordé la question des droits des minorités. « Là où les droits et les devoirs de tous les citoyens sont respectés et promus, il y a plus de chances d’avoir une nation en paix », a-t-il affirmé. « Le droit à la liberté de conscience vient après le droit à la vie. Cela inclut le droit de pratiquer une religion que l’on choisit librement » a-t-il encore déclaré. « Dans une communauté internationale où les droits des rhinocéros et des forêts sont défendus avec beaucoup de vigueur, cela reste malheureusement un grand mystère que le droit des êtres humains à être humains soit, dans de nombreux endroits, considéré comme négociable ou carrément nié ! »
Constatant par ailleurs les « progrès phénoménaux de la technologie » qui ont mis « entre les mains de l’homme un pouvoir et des capacités énormes », il a rappelé la nécessité de progresser aussi « dans le domaine de la conscience morale et du jugement » ; il est nécessaire, en effet, de « guider l’humanité vers le bon usage de cette technologie, pour le bien commun de tous », a-t-il ajouté, citant en particulier le problème des armes de destruction massive.
Enfin, a déclaré le futur cardinal, en reprenant à son compte une affirmation de Jean-Paul II, « si tu veux la paix, apprends à pardonner ». Travailler pour la justice est nécessaire, mais pas suffisant. « Dans nos conditions concrètes de vie, il est très difficile de faire régner la justice totale », a-t-il expliqué. « Très souvent, nous avons à accepter moins que la justice totale, pour l’amour de la paix. Le pardon, la solidarité, le partage, la réconciliation : tels sont les concepts que le Serviteur de Dieu Jean-Paul II a offerts à l’humanité comme le moyen le plus efficace d’obtenir et de préserver la paix ».
Le lauréat du prix Pax Christi a conclu en redisant sa détermination à œuvrer pour la paix : « Tout en poursuivant nos faibles efforts, nous sommes encouragés car nous savons que c’est la direction dans laquelle Dieu lui-même mène ce monde qui lui appartient, vers son royaume de justice, d’amour et de paix », a-t-il dit.
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