Reporters sans frontières dénonce la censure à laquelle les autorités soudanaises soumettent les médias privés depuis le début de l’année 2008. Interpellations, convocations, intimidations ou interdictions pures et simples de diffuser certaines informations :
la campagne menée par le gouvernement de Khartoum contre la presse indépendante amoindrit encore les espaces de liberté d’expression.
"Ce devrait être l’honneur du Soudan de laisser les nombreux quotidiens qui sont publiés à Khartoum paraître librement et exprimer des opinions diverses. Mais non, les autorités soudanaises ont choisi d’envoyer, dans les imprimerie, des censeurs zélés qui ne disposent ni de mandat, ni de légitimité, ni de clairvoyance. Cette censure n’est pas seulement illégale, elle est également désolante", a déclaré l’organisation.
Le 6 février 2008, le gouvernement soudanais a décidé de rétablir la censure pour les médias privés, après que ceux-ci avaient plusieurs fois évoqué le soutien que Khartoum a apporté aux rebelles tchadiens dans leur offensive contre N’Djamena. Interrogé par l’agence Reuters, le 6 mars, un responsable anonyme du National Security Service (NSS, services de renseignements intérieurs) a confirmé que la censure préalable était de nouveau "temporairement" en vigueur, confirmant les soupçons de la presse de Khartoum, confrontée depuis un mois au harcèlement de la police politique.
Ce jour-là, les agents du NSS ont commencé à faire irruption dans les rédactions tous les soirs pour vérifier le contenu des éditions avant leur impression, selon des journalistes cités par l’agence Reuters. Ainsi, le 10 février, les policiers ont supprimé un article écrit par Haider al-Mikashfy dans le quotidien arabophone Al-Sahafa, qui rendait compte d’un récent discours du chef du NSS, Salah Gosh, affirmant que certains journalistes travaillaient pour le compte d’"ambassades étrangères" et que des "enquêtes" étaient en cours.
Dernier épisode en date de cette surveillance permanente, le 3 mars 2008, des agents du NSS ont fait irruption dans les locaux de l’imprimerie de l’hebdomadaire privé Al-Midan et ont contraint les employés présents à supprimer deux articles dans l’édition du lendemain. Le premier concernait l’acquittement d’al-Tijani al-Tayyib Babiker, rédacteur en chef du journal, accusé en 2007 d’"atteinte à la tranquillité publique", et le second faisait mention de la décision d’un groupe armé darfouri d’ouvrir une antenne en Israël. En réaction, l’équipe de l’hebdomadaire a décidé de retarder la diffusion du numéro censuré, qui n’a paru que le 5 mars.
Le 26 février, deux membres du NSS avaient fait irruption à l’imprimerie d’Al-Midan et avaient partiellement censuré deux articles à paraître sur l’utilisation de la torture sur des détenus soudanais. Le 18 février, Adil al-Baz et Ahmed Khalifa, rédacteurs en chef des quotidiens Al-Ahdath et Al-Watan, avaient été convoqués pour un interrogatoire sur le contenu de leurs journaux. Le lendemain, alors que leurs deux confrères avaient passé la nuit en détention, Mohammed Said al-Tayeb, directeur de l’information du quotidien privé Al-Wifaq, Moustapha Abou al-Alalem et Mey Ali Adem, respectivement rédacteur en chef et journaliste d’Akher Lahza et Kamal Hassan Bakhit et Hafiz al-Khayr, rédacteur en chef et journaliste d’Al-Raï al-Aam, avaient également été interrogés. Ces actes d’intimidation étaient survenus après la publication, dans les cinq quotidiens, d’informations sur des remaniements dans la haute hiérarchie de la police soudanaise. Tous les sept avaient été libérés sous caution dans la journée. Le 14 février, les forces de sécurité avaient empêché la parution du quotidien privé Al-Rai Al-Shaab, après que celui-ci avait évoqué le soutien du gouvernement soudanais aux rebelles tchadiens.
La censure a été officiellement levée au Soudan en juillet 2005, après la signature de l’accord de paix avec la rébellion sudiste du Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS).
Reporters sana frontieres- 7/3/2008