Le 13 juillet 2010, Reporters sans frontières a écrit au président de la République du Soudan, Omar el Béchir, pour lui demander de lever immédiatement la censure préalable d’Etat sur la presse écrite. Voici le texte de la lettre :
Omar el Béchir, Président de la République, Khartoum, Soudan
Monsieur le Président,
Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, condamne avec la dernière énergie le retour de la censure au Soudan. L’organisation déplore les mesures prises récemment par votre gouvernement à l’encontre de plusieurs médias et le traitement réservé aux journalistes d’opposition.
Le 7 juillet 2010, après plusieurs signes avant-coureurs du retour de la surveillance d’Etat sur la presse écrite que notre organisation avait d’ailleurs dénoncés, les services de renseignements ont annoncé la suspension du quotidien arabophone Al-Intibaha, pour une "durée indéterminée", et celle de deux autres quotidiens arabophones, Elhurrah et Akhbar Alyoum, pour deux jours. La censure a en outre touché six autres publications. Tous ces journaux sont considérés par Khartoum comme critiques vis-à-vis des autorités du Sud- Soudan.
A l’approche du référendum sur la sécession du Sud-Soudan prévu en janvier 2011, nous estimons que votre décision est inacceptable dans la mesure où elle vise à entraver la liberté d’information et la tenue de débats pluralistes, nécessaires avant tout scrutin démocratique. L’organisation d’une consultation électorale doit toujours s’accompagner du respect de la liberté des médias. Avant de voter, la population soudanaise doit être informée sur les enjeux liés à ce référendum. Pour cela, elle a besoin d’une presse libre.
Le retour de la censure préalable d’Etat sur les médias soudanais est d’autant plus surprenant que vous aviez vous-même mis un terme à cette pratique, après le vote en septembre 2009 d’une loi reconnaissant la liberté de la presse. Nous nous inquiétons du peu de constance dans vos engagements et du fait que la censure fasse son retour de façon régulière.
Reporters sans frontières vous rappelle que l’imposition de la censure est non seulement contraire aux exigences de la liberté de la presse, puisqu’elle prive les Soudanais de voies d’expression différentes de celles prônées par votre gouvernement, mais elle est également illégale puisque la Constitution soudanaise n’autorise pas la fermeture de journaux par décision administrative, et requiert pour cela une décision judiciaire.
C’est pourquoi Reporters sans frontières vous demande de lever immédiatement la censure préalable et de laisser ainsi toute leur place au débat et à la circulation des idées.
Notre organisation s’inquiète par ailleurs de la détention prolongée, dans des conditions très difficiles, de quatre journalistes du quotidien d’opposition Rai al-Chaab. Ces derniers, accusés d’actes de terrorisme et d’espionnage, et risquant la peine de mort pour avoir simplement exercé leur métier d’informer, ne bénéficient pas d’un procès juste et équitable. Nous réitérons notre appel en faveur de leur remise en liberté.
Dans l’espoir que vous accorderez une suite favorable à l’ensemble de nos requêtes, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Reporters sans frontières