A. PARTICIPATION AU MYSTÈRE PASCAL : MORT ET RÉSURRECTION DU CHRIST
Le mystère de l’Église consiste dans son identité comme ‘Corps du Christ’. L’Église est essentiellement communion avec Jésus Christ :
« Demeurez en moi, comme moi en vous […] Je suis le cep, vous êtes les sarments » (Jn 15, 4-5).
« Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jn 6, 56). Le Christ « est la Tête du Corps qui est l’Église » (Col 1, 18). Il nous unit à sa Pâque : Tous les membres doivent s’efforcer de lui ressembler « jusqu’à ce que le Christ soit formé en eux » (Ga 4, 19).
« C’est dans ce but que nous sommes introduits dans les mystères de sa vie […] associés à ses souffrances comme le corps à la tête, unis à sa passion pour être unis à sa gloire » (Lumen gentium,7). Il pourvoit à notre croissance (cf. Col 2, 9) : pour nous faire grandir vers lui, notre Tête (cf. Ep 4, 1-16), le Christ dispose dans son Corps, l’Église, les dons et les services par lesquels nous nous aidons mutuellement sur le chemin du salut. Le Christ et l’Église, c’est donc le « Christ total » L’Église est une avec le Christ. (cf. Catéchisme de l’Église catholique, 787-795)
La source et le modèle de la communion ne sont donc autres que la vie trinitaire de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. La participation des baptisés à la communion trinitaire crée la communion entre les personnes et les communautés. L’Église universelle est une communion d’Églises. L’Église réalise la communion au mystère pascal, la mort et la résurrection du Christ. La communion vit profondément l’unité dans la diversité, et la diversité dans l’unité. Ceci aidera à révéler la beauté des vénérables traditions de nos Églises, dans une communion profonde qui respecte les richesses particulières.
La communion est la première nécessité dans la réalité complexe du Moyen-Orient, et le meilleur témoignage à nos sociétés. « Sans communion il n’y a pas de témoignage » (Benoît XVI). C’est une communion de foi et de charité qui nous lie avec l’Église universelle. Il nous faut approfondir une ecclésiologie de communion. Elle aidera aussi dans le dialogue œcuménique et interreligieux. Nous avons besoin de mieux valoriser, mieux comprendre, et mieux pratiquer l’unité de l’Église.
Il est indispensable d’enseigner l’Église comme ‘communion’, dans la catéchèse, les homélies, la formation des clercs, des religieux et religieuses, et des laïcs. La communion est appelée à être d’abord affective, avant de devenir effective. Il est important de cultiver un sens profond de la communion spirituelle, de l’appartenance à une même Église.
B. PARTICIPATION AU MYSTÈRE DE L’ÉGLISE : UNE, SAINTE, CATHOLIQUE ET APOSTOLIQUE
1. Communion au sein de l’Église catholique (ad intra)
La ‘communion’ entre les Églises est le premier objectif et la première tâche du présent Synode. La communion est basée et nourrie par la Parole de Dieu, les sacrements et spécialement le baptême et l’Eucharistie, et l’union avec l’Évêque de Rome, successeur de Pierre.
Nous sommes d’abord membres du même Corps du Christ, de la même Église, donc appelés à une étroite collaboration, et à un style de vie solidaire, charitable et fraternel. Les pasteurs doivent aider les fidèles à connaître, apprécier, aimer et vivre la beauté de la variété plurielle de l’Église, dans l’unité et la charité. Il nous faut annoncer et enseigner le sens de l’Église une, dans les églises, les écoles, les séminaires, le catéchisme, les maisons de formation, les mouvements, et toutes les institutions de nos Églises. L’utilisation des media est ici indispensable et très bénéfique.
La communion doit commencer au sein d’une même Église sui iuris. C’est pourquoi il faudra renforcer les structures de communion dans le Synode Patriarcal de chaque Église. Une expression concrète de cette communion serait la solidarité du personnel et des biens entre les diocèses.
Il est souhaitable d’établir des structures de communion pour des projets pastoraux communs : un seul séminaire inter-rituel dans chaque pays, une pastorale commune dans la région pour les jeunes, la catéchèse, la famille, et tant d’autres domaines commun.
Les Papes et le Saint-Siège appellent les Ordres, les Congrégations, et les Mouvements d’origine occidentale à adopter la langue, le rite et la liturgie du pays où elles exercent leur mission, et à s’insérer pleinement dans sa pastorale d’ensemble. Ceci assurera une majeure inculturation dans le patrimoine spirituel, patristique, liturgique, culturel et linguistique du lieu, pour renforcer la communion et le témoignage. Ils doivent soigneusement éviter de faire groupe à part.
Les circonstances difficiles du moment présent sont un stimulant à une majeure cohésion entre les communautés chrétiennes, dépassant tout confessionnalisme, pour donner des réponses positives et constructives aux grands défis actuels.
Le confessionnalisme et l’attachement exagéré à l’ethnie risquent de transformer nos Églises en des ghettos et de les enfermer sur elles-mêmes. Une Église ethnique ou nationaliste fait obstacle à l’œuvre de l’Esprit et est contraire à la mission universelle de l’Église.
Nous avons besoin que toutes les Églises de notre région s’unissent dans la réflexion et l’action relatives à nos problèmes communs, comme les droits humains, et les autres sujets cruciaux. Les Communautés catholiques doivent collaborer ensemble. Une réunion périodique des Évêques de la région est à encourager.
Le Conseil des Patriarches catholiques d’Orient pourra étudier ce sujet à sa prochaine Assemblée, et définir la date, le lieu, et la participation financière des membres. C’est un moyen puissant pour l’établissement d’une pastorale d’ensemble pour la région, et de rendre le Conseil des Patriarches plus présent et plus efficace. Une structure post-synodale devrait assurer le suivi de l’application de ce Synode dans la vie de nos Églises. On souhaiterait qu’elle soit en rapport avec le Saint-Père et le Saint-Siège.
Les relations inter-ecclésiales doivent être encouragées, pas seulement entre les Églises sui iuris du Moyen-Orient, mais aussi avec les Églises Orientales et avec l’Église latine de la diaspora, en étroite union avec le Saint-Père, le Saint-Siège, et les Représentants Pontificaux. Notre communion avec les Églises d’Occident a des racines historiques profondes.
L’Europe doit sa foi aux Églises d’Orient (cf. Ac 16, 9-10). La vie monastique en Occident a été inspirée par le monachisme du Moyen-Orient. Aujourd’hui, l’Occident accueille et accompagne les communautés d’émigrants du Moyen-Orient, qu’elles soient d’ancienne ou de date récente. Nous leur sommes bien reconnaissants. Pour une meilleure communion, il faudra assurer au clergé latin en Occident une connaissance de base de la théologie sacramentaire et ecclésiologique des Églises Orientales. Et faire connaître aux fidèles latins la réalité et l’histoire des Églises Orientales.
Quelqu’un a souhaité aussi que les Patriarches, de part leur identité de ‘Pères et Chefs’ d’Églises sui iuris, qui font partie de la catholicité de l’Église catholique, soient ipso facto membres du Collège électeur du Souverain Pontife.
2. Communion entre évêques, clergé et fidèles
La communion doit se réaliser visiblement et pratiquement d’abord au sein de chaque Église. Et tout d’abord, il faut nous rappeler qu’elle ne peut se faire que sur la base des moyens spirituels : Eucharistie, prière et Parole de Dieu. Il faudra créer ou réactiver les structures de communion et de la pastorale. Le Code des Canons des Églises Orientales précise des structures de communion très précieuses. Commençons par les faire connaître et les mettre fidèlement en pratique. Il serait souhaitable de créer des conseils pastoraux inter-rituels.
Il est d’une importance capitale de valoriser le rôle des laïcs, hommes et femmes, et de leur participation dans la vie et la mission de l’Église. Que ce Synode devienne pour eux et pour toute l’Église un vrai printemps spirituel, pastoral et social. Il nous faut renforcer l’engagement des laïcs dans la pastorale commune de l’Église.
La femme, consacrée et laïque, devrait y trouver sa place et sa mission appropriées.
Au niveau du clergé, la communion ecclésiale est à encourager. Des associations d’amitié et de spiritualité commune existent, et devraient être soutenues et renforcées. Le ministère des prêtres en équipe s’avère difficile, mais il ne faut en désespérer. Un Père Synodal a suggéré la création d’une ‘banque de prêtres’, ou d’une association de ‘prêtres sans frontières’ pour répondre aux besoins des Églises qui en manquent, dans un esprit de communion.
La même chose pourrait se faire aussi au niveau des laïcs, sur la base du sacerdoce commun du chrétien. Les fidèles et toute l’Église de Dieu attend des pasteurs, des personnes consacrées, et des responsables des activités pastorales une vie plus conforme à la radicalité de l’Évangile. Sans ce rayonnement de sainteté, leur vie et leur action resteront stériles. Ils sont avant tout témoins et icônes vivantes du Christ.
Au niveau des religieux, religieuses, personnes consacrées, et mouvements ecclésiaux, nous avons le devoir de les accueillir, les encourager, les alimenter spirituellement, et de les intégrer toujours davantage dans la vie et la mission de l’Église.
Il ne faut pas craindre les nouvelles réalités ecclésiales ni les écarter. Ils sont le don précieux et indispensable de l’action de l’Esprit Saint dans l’Église et le monde d’aujourd’hui. Nous avons à redécouvrir la valeur et les trésors de la vie monastique et contemplative, partie de nos terres. Les communautés de vie contemplative doivent être encouragées là où elles existent.
Par la prière, nous pouvons préparer le terrain à l’action de l’Esprit pour susciter la vie contemplative là où elle n’existe pas. Les Ordres existant dans nos pays rendraient un service précieux à nos Églises en prenant l’initiative d’établir des communautés dans d’autres lieux ou pays. La vie religieuse et monastique est comme l’âme de l’Église.
3. Communion avec les Églises et les Communautés ecclésiales : Œcuménisme ( ad extra)
« Qu’ils soient un […] afin que le monde croit » (Jn 17, 21). Cette prière du Christ doit être continuée par Ses disciples en tout temps. La division des chrétiens s’oppose à la volonté du Christ, constitue un scandale, et fait obstacle à l’annonce et au témoignage. La mission et l’œcuménisme sont étroitement liés. Les Églises catholiques et orthodoxes ont beaucoup en commun, au point que les Papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI parlent de « communion à peu près complète ».
Ceci est à mettre en relief plus que les différences. De même il faudra mettre en relief et diffuser les réalisations positives dans le domaine de l’œcuménisme. En même temps, nous avons besoin de faire un examen de conscience sincère sur ce que nous avons omis de faire.
Un effort sincère est nécessaire pour surmonter les préjugés, mieux se comprendre, et viser la plénitude de communion dans la foi, les sacrements et le service hiérarchique. Ce Synode devrait favoriser la communion et l’unité avec les Églises Sœurs Orthodoxes et les Communautés Ecclésiales.
« Les divisions des chrétiens sont contraires à l’essence même de l’Église et constituent une pierre d’achoppement pour sa mission » (Cinquième Lettre des Patriarches catholiques d’Orient sur l’œcuménisme). Au niveau officiel, le Saint-Siège a assumé des initiatives envers toutes les Églises d'Orient, en collaboration avec les Églises orientales catholiques. Il est nécessaire et très utile de les faire connaître aux chrétiens de toutes les Églises de nos pays. Les media doivent y aider.
La Bible, Parole de Dieu, est le fruit d’un dialogue entre Dieu et l’humanité. C’est pourquoi elle devrait être une source privilégiée pour le dialogue avec les autres chrétiens, et les croyants des autres religions. Un dialogue de respect, de vie et d’amour, un dialogue de présent et d’un avenir commun.
Il a été noté que l’œcuménisme passe actuellement par une crise. D’autre part, on ne peut nier les pas positifs importants qui ont été faits jusqu’aujourd’hui, par l’action et la grâce du Saint-Esprit. Ils sont raison et cause de confiance et d’espoir. Ils nous appellent à un engagement majeur, à la lumière de la Parole de Dieu. Il est urgent que l’œcuménisme soit un objectif primordial dans les Assemblées et les Conférences épiscopales. On a proposé la création d’une Commission œcuménique dans le Conseil des Patriarches catholiques d’Orient.
Il faudra utiliser les media pour renforcer et vivifier l’œcuménisme. On pourrait penser à lancer et à soutenir des media chrétiennes œcuméniques. Un Congrès œcuménique dans chaque pays, pour étudier ensemble les résultats, les appels et les recommandations du Synode, serait très utile.
L’action œcuménique nécessite des comportements adéquats : la prière, la conversion, la sanctification, et l’échange réciproque des dons, dans un esprit de respect, d’amitié, de charité mutuelle, de solidarité et de collaboration. L’unité est avant tout l’œuvre de l’Esprit Saint et le don de l’amour du Christ à son Église. Ces attitudes sont à cultiver et à encourager, par l’enseignement et les médias. Il est souhaitable d’établir des commissions locales de dialogue œcuménique. L’étude de l’histoire des Églises orientales catholiques, tout comme celle de l’Église de tradition latine, permettrait de clarifier le contexte, la mentalité, et les perspectives liées à leur naissance.
Nous avons à renforcer aussi les initiatives et les structures qui expriment et soutiennent l’unité, comme le Conseil des Églises du Moyen-Orient, et la Semaine de prière pour l’unité des chrétien. Il faut tout faire pour consolider le Conseil des Églises du Moyen-Orient, et l’aider à accomplir sa mission.
La ‘purification de la mémoire’ est un pas important dans la recherche de la pleine unité. Il est impérieux de collaborer ensemble pour une pastorale et des actions communes.
Ainsi la coopération dans les études bibliques, théologiques, patristiques et culturelles, favorisera l’esprit de dialogue. Une action commune pourrait avoir lieu pour la formation d’experts en médias dans les langues locales. Dans l’annonce et la mission, on évitera soigneusement tout prosélytisme, et tout moyen opposé à l’Évangile. Il serait bon d’encourager l’œcuménisme de vie, en cherchant ensemble à mieux vivre notre foi.
À plusieurs reprises, a été exprimé le souhait d’unifier les dates de Noël et de Pâques entre catholiques et orthodoxes. Il s’agit d’une nécessité pastorale, vu le contexte pluraliste de la région, et le nombre très important des mariages mixtes entre chrétiens de dénominations ecclésiales différentes.
C’est aussi un témoignage puissant de communion…Comment y arriver? On souhaite aussi l’unification du texte arabe des prières principales, à commencer par le ‘Notre Père’. L’appel d’un Frère Délégué à instaurer une ‘fête des martyrs’ à célébrer par tous les chrétiens, a été bien accueilli. Plusieurs Pères Synodaux ont évoqué l’impact positif aux plans œcuménique et interreligieux des écoles et Universités catholiques au Moyen-Orient.
Certains Pères Synodaux ont exprimé le souhait que les Églises Orientales soient plus impliquées dans les dialogues œcuméniques entre le Saint-Siège et les autres Églises, et qu’elles y apportent leurs contributions particulières.
Le dialogue est un moyen essentiel de l’œcuménisme. Il requiert une attitude positive de compréhension, d’écoute, et d’ouverture à l’autre. Ceci aidera à surmonter les méfiances, et à travailler ensemble pour développer les valeurs religieuses, et collaborer aux projets d’utilité sociale.
Les problèmes communs doivent être abordés ensemble. La répétition du baptême des catholiques par les orthodoxes reste une cause de souffrance et d’affaiblissement de la marche vers l’unité. On favorisera la collaboration œcuménique pratique dans la diakonia de service et de charité. On souhaite l’élaboration d’un manuel-guide pour l’action œcuménique, adapté à la région ou au pays.
Le dialogue théologique et le dialogue de la diakonia, devront se fonder sur le dialogue spirituel, la prière, et se traduire sans cesse dans le dialogue de vie. On évitera soigneusement tout prosélytisme, et l’utilisation de tout moyen opposé à l’Évangile. Peut-être pourrait-on établir un protocole entre les Églises s’engageant à éviter toute forme de prosélytisme.
Dans la prière, la réflexion, l’étude, et la docilité à l’action du Saint-Esprit, nous devons chercher de répondre à la demande du Vénérable Pape Jean-Paul II, dans son Encyclique Ut unum sint (25.05.1995), de proposer une forme nouvelle d’exercice de la primauté, qui ne porte pas atteinte à la mission de l’Évêque de Rome, et qui soit inspirée par les formes ecclésiales du premier millénaire. Si le Saint Père le souhaite, il pourrait charger une commission pluridisciplinaire pour l’étude de ce délicat sujet.