(1 Jn 1, 1-3). Les Apôtres, l’Église des origines, et par eux et après eux, tout chrétien est un témoin de la résurrection et de l’amour. Comme Paul de Tarse, c’est la rencontre personnelle avec le Ressuscité, rencontre spirituelle mais réelle, qui transforme le chrétien en vrai témoin, fidèle jusqu’au témoignage suprême, le martyre. Par cette expérience il rejoint celle des Apôtres, des saints et des martyrs à travers les âges.
Saint Paul énumère quelques attitudes indispensables pour être de bons témoins du Christ : “Ayez beaucoup d'humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour, ayez à cœur de garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix.” (Ep 4, 2-3). Ce n'est seulement quand de bonnes relations sont établies que nous pouvons parler de Jésus et de sa Parole. Efforçons-nous d'être fidèle à ces conseils que nous donne saint Paul et d’accueillir les personnes telles qu'elles sont, en les aimant. Le rôle prophétique de l’Église et des fidèles a besoin d’être élaboré et approfondi. Il fait partie principale de l’annonce et du témoignage.
A. LA CATÉCHÈSE, TÉMOIGNAGE ET ANNONCE POUR L’ÉGLISE
Une catéchèse pour aujourd’hui, par des personnes bien préparées
L’Église rend témoignage à son Seigneur et l’annonce par la vie, les œuvres, et la catéchèse, surtout l’initiation à la foi et aux sacrements. Une formation de la foi solide et une vie spirituelle vivante sont les meilleurs garanties de l’affermissement de l’identité chrétienne illuminée, ouverte et rayonnante. La catéchèse doit s’adresser à tous les groupes d’âge, les enfants, les jeunes et les adultes. Les catéchistes doivent être bien préparés pour cette mission, par une formation adaptée, qui tienne compte des problèmes et défis actuels.
Après une bonne préparation, des jeunes peuvent être de bons catéchistes pour les autres jeunes. Des parents bien préparés participeront à l’activité catéchétique dans la famille et dans la paroisse. La famille chrétienne a un rôle primordial pour la transmission de la foi à ses enfants. Les écoles catholiques, les associations et les mouvements apostoliques sont des lieux privilégiés pour l’enseignement de la foi. Il faut former nos fidèles à la compréhension de l’Ancien Testament, dans la vision de l’œuvre du salut. Ceci leur permettra de ne pas tomber dans le piège de politiser les textes de la Bible.
La catéchèse doit être intégrale, comportant le souci de la tradition, de la vie vécue, de la modernité selon l’enseignement catholique, et du dialogue œcuménique et interreligieux dans la vérité et la charité. L’enseignement religieux aux enfants, aux jeunes et aux adultes, doit remédier à la disparition de l’initiation chrétienne avant le baptême, conféré maintenant aux bébés. L’éducation religieuse doit être intégrée avec l’éducation humaine.
La Doctrine Sociale de l’Église, en général peu présente, est partie intégrante de la formation de la foi. ‘Le Catéchisme de l’Église catholique’ et le ‘Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église’ sont des ressources excellentes. Les pastorales de la famille, de l’enfance et des jeunes n’ont pas été suffisamment abordées dans les documents de préparation du Synode.
Le problème des sectes est un défi grave qui affecte nos Églises. La catéchèse doit viser l’affermissement de la foi dans notre contexte socioreligieux. Il faut l’étudier ensemble et établir un plan pastoral à son sujet. Il est important d’établir un catéchuménat post-baptismal pour l'accueil des personnes converties au christianisme. La catéchèse doit porter à l’engagement concret au service des plus pauvres, souffrants et marginalisés.
Sans le témoignage de leur vie, l’action des catéchistes restera stérile. Ils sont avant tout des témoins de l’Évangile. La catéchèse doit aussi promouvoir les valeurs morales et sociales, le respect de l’autre, la culture de la paix et de la non-violence, ainsi que l’engagement pour la justice et l’environnement. On invite à encourager la formation de la foi dans de petits groupes ou de petites communautés, qui donnent plus de chaleur par les relations personnelles. Ceci évitera que nos fidèles s’orientent vers les sectes. La paroisse deviendra ainsi la communauté des communautés. Il a été affermi que les chrétiens d’Orient, comme ceux d’Occident, ont besoin d’une nouvelle évangélisation, pour une profonde conversion, et un renouveau à la lumière de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie.
Nous devons encourager tous les fidèles, mais surtout les prêtres, les religieux et les religieuses, les personnes consacrées, et les responsables de la pastorale et de l’apostolat, à suivre l’enseignement de l’Église, et à étudier les documents du Magistère, et préférablement par une étude commune. La communion demande aussi de rencontres fréquentes entre les Patriarches, les Évêques, les prêtres et les laïcs.
La vie spirituelle et le cheminement de l’Église universelle doivent être un premier objectif de formation. Il faut redonner au baptême son sens véritable et promouvoir les valeurs de l’Évangile. L’appel et la vocation à la sainteté doivent être au centre de la formation de la foi, à toutes les étapes et dans toutes les formes de la vie des chrétiens. Un soin spécial doit être accordé à la famille, qui risque d’être ébranlée et minée par la vision relativiste occidentale et la vision non chrétienne dominante dans notre région. Les familles de religion mixte doivent être l’objet d’un soin pastoral particulier. Les manuels de catéchisme doivent compléter les lacunes et corriger les erreurs qui se trouvent ailleurs. Le thème des ‘Méthodes de catéchèse’ n’a pratiquement pas été touché.
L’utilisation des moyens modernes de communication est incontournable, pour la transmission de la foi, la formation religieuse, la mission et l’évangélisation, l’action éducative, la formation à la paix, les œuvres de développement, et l’action pour le développement intégral de nos sociétés. Les media sont le lieu de témoignage au Christ et aux valeurs chrétiennes.
Ils constituent une nouvelle culture de communication mondiale vraie et propre, caractérisée de nouveaux langages et méthodes de pensées. Ils sont les nouveaux aréopages du monde globalisé. Il faudra veiller à prévenir les impacts négatifs des media : la manipulation des masses, la floraison des sectes, de la violence et de la pornographie, l’anticléricalisme international.
Il a été noté cependant que l’utilisation des media dans nos Églises, à de rares exceptions près, est individuelle et à un niveau primitif, par manque de ressources financières et par conséquent professionnelle, ou à cause du travail individualiste. Il a été suggéré de former une Commission pour la revitalisation et la coordination des moyens de communication dans le Moyen-Orient.
Nos Églises ont besoin de personnes spécialisées dans ces domaines. Peut-être pourrions-nous aider les plus doués à s’y former, et les engager ensuite dans ce travail. Mais il faudra nécessairement y former des prêtres et des religieux, dès le séminaire. Les media et la communication sont un moyen puissant pour consolider la communion. Elles rendent les Églises du Moyen-Orient et du monde toujours plus ‘un’.
On a souhaité que Telepace et KTO et d’autres media catholiques mettent des sous-titres arabes à leurs émissions, et qu’elles consacrent des périodes pour l’émission de programmes en arabe. Elles consolident aussi les relations interreligieuses. Il est indispensable d’établir des plans et des moyens pour assurer la communication des résultats de ce Synode, et la mise en pratique de ses lignes directives et de ses recommandations.
B. LA LITURGIE, SOMMET ET SOURCE DE LA COMMUNION ET DU TÉMOIGNAGE
La liturgie constitue une annonce et un témoignage importants d’une Église qui prie, et non seulement qui agit. Elle « est le sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu » (Sacrosanctum concilium, 10).
Dans nos Églises orientales, la Divine Liturgie est au centre de la vie religieuse. Elle joue un rôle important à garder l’identité chrétienne, à renforcer l’appartenance à l’Église, à vivifier la vie de foi. Il nous faut conserver et cultiver le sens du sacré, des symboles, et de la religiosité populaire purifiée et approfondie. Il est nécessaire de veiller à propretés et à la dignité des lieux, des habits, des objets et des livres saints. Le musulman aussi est très sensible au sacré.
Il a été peu parlé du renouvellement de la liturgie, pourtant désiré par beaucoup. Il faudra savoir unir « l’ancien au nouveau » (Mt 13, 52). La tradition est dynamique, elle tend au perfectionnement, en harmonie avec les nouvelles exigences du développement de la communauté (cf. Benoît XVI).
Les communautés religieuses et les mouvements sont appelés à une vraie inculturation dans la liturgie du pays où ils exercent leur mission. Il a été dit aussi que l’Église latine devrait se limiter à célébrer sa liturgie en langue arabe aux seuls fidèles de langue arabe qui lui appartiennent. Il est important et urgent de se mettre d’accord sur un texte arabe unifié pour la prière dominicale à utiliser dans la liturgie, les rencontres, la prière privée et publique.
C. RAPPORTS AVEC LE JUDAÏSME
1. Vatican II : Fondement théologique du lien avec le judaïsme
La déclaration ‘Nostra aetate’ du Concile Vatican II traite spécifiquement du rapport entre l’Église et les religions non chrétiennes. Le judaïsme y occupe une place de choix.
2. Magistère actuel de l’Église
Des initiatives de dialogue ont lieu, au niveau du Saint-Siège et des Églises locales. Le conflit israélo-palestinien a ses répercussions sur les rapports entre Chrétiens et Juifs. À plusieurs reprises, le Saint-Siège a clairement exprimé sa position, appelant à ce que les deux peuples puissent vivre en paix, chacun dans sa patrie, avec des frontières sûres, internationalement reconnues. La sécurité durable repose sur la confiance, et s’alimente aux sources de la justice et de la probité. Nous avons le devoir de rappeler à tous que la convivialité pacifique est le fruit de la reconnaissance réelle et pratique des propres droits et devoirs. La prière pour la paix est d’une importance capitale.
3. Dialogue avec le judaïsme
Nos Églises refusent l’antisémitisme et l’antijudaïsme. Les difficultés des rapports entre les peuples arabes et le peuple juif sont plutôt dues à la situation politique conflictuelle. Nous distinguons entre la réalité religieuse et la réalité politique. Les chrétiens ont la mission d’être des artisans de réconciliation et de paix, basées sur la justice pour les deux parties.
Des initiatives pastorales locales de dialogue avec le judaïsme ont lieu, par exemple la prière en commun principalement à partir des Psaumes, et la lecture et la méditation de textes bibliques. Ceci crée de bonnes dispositions, pour invoquer ensemble la paix, la réconciliation, le pardon mutuel, et les bons rapports. D’autres initiatives réalisent un dialogue des fidèles des enfants des trois religions d’Abraham.
Le Vicariat pour les chrétiens de langue hébraïque doit aider la société hébraïque à mieux connaître et comprendre l’Église et son enseignement. Elle est aussi disposée à la collaboration pour le service pastoral des fidèles catholiques de langue hébraïque et celui des émigrés.
Ceci favorisera une présence pacifique des chrétiens en Terre Sainte. L’interprétation tendancieuse de certains versets de la Bible justifie ou favorise la violence. La lecture de l’Ancien Testament, et l’approfondissement des traditions du judaïsme aident à mieux connaître la religion juive. Elles offrent un terrain commun d’études sérieuses, et aident à mieux connaître le Nouveau Testament et les Traditions orientales. D’autres possibilités de collaboration se présentent dans la réalité actuelle. Le dialogue est nécessaire aussi au niveau académique. D’où le besoin de contact et de collaboration entre les instituts de formation. Les écoles catholiques ont un rôle essentiel dans la formation au respect mutuel et à la paix.
D. RAPPORTS AVEC LES MUSULMANS
La Déclaration ‘Nostra aetate’ du Concile Vatican II pose aussi le fondement des rapports de l’Église catholique avec les musulmans. On y lit : « L’Église regarde aussi avec estime les musulmans qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes » (n. 3). Après le Concile, de nombreuses rencontres ont eu lieu entre les représentants des deux religions. Au début de son pontificat, le Pape Benoît XVI déclara : « Le dialogue interreligieux et interculturel entre chrétiens et musulmans ne peut pas se réduire à un choix passager. C'est en effet une nécessité vitale, dont dépend en grande partie notre avenir » (Benoît XVI, Rencontre avec des représentants de communautés musulmanes, Cologne, 20.08.2005).
Le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux entretient des rencontres de dialogue d’importance capitale. On recommande la création de commissions locales de dialogue interreligieux. Il est nécessaire de donner la première place au dialogue de vie, qui offre l’exemple d’un témoignage silencieux éloquent, et qui est parfois l’unique moyen de proclamer le Royaume de Dieu. Seuls les chrétiens qui offrent un témoignage de foi authentique, sont qualifiés pour un dialogue interreligieux crédible. Nous avons besoin d’éduquer nos fidèles au dialogue.
Les chrétiens orientaux peuvent aider ceux de l’Occident à entrer plus profondément dans une rencontre constructive avec l’Islam.
Les raisons de tisser des rapports entre chrétiens et musulmans sont multiples. Tous sont concitoyens, partagent la même langue et la même culture, ainsi que les joies et les souffrances. En outre, les chrétiens ont la mission de vivre comme témoins du Christ dans leurs sociétés. Dès sa naissance, l’Islam trouva des racines communes avec le Christianisme et le Judaïsme. La littérature arabo-chrétienne doit être mise davantage en valeur, et être utilisée comme ressource dans le dialogue avec les musulmans.
Notre proximité avec les Musulmans est consolidée par quatorze siècles de vie commune, comportant des difficultés et aussi beaucoup de points positifs. Pour un dialogue fructueux, chrétiens et musulmans doivent mieux se connaître. Musulmans et chrétiens partagent l’essentiel des cinq piliers de l’Islam. De nombreuses initiatives illustrent la possibilité de rencontre et de travail fondé sur les valeurs communes (paix, solidarité, non violence).
Plusieurs exemples d’initiatives prometteuses ou réussies ont été mentionnés, en matière de dialogue et de travail commun entre chrétiens et musulmans, ainsi en Syrie, au Liban, en Terre Sainte, en Égypte et ailleurs. Les activités communes sont à encourager, dans les domaines culturel, sportif, social et éducatif. De là, l’importance primordiale de nos institutions éducatives, qui sont ouvertes à tous, réalisant une éducation à l’amitié, à la justice et à la paix. Les Mouvements ecclésiaux apportent aussi une contribution très valable dans ce domaine.
Le Dieu Amour aime les musulmans. Peut-être faut-il trouver un nouveau langage théologique pour exprimer ce mystère et le leur rendre plus accessible. Notre témoignage de vie y aidera puissamment. De là l’importance primordiale du dialogue de vie, ou dialogue de voisinage ‘hiwar aljiwar’.
Le dialogue avec les musulmans a été souvent évoqué, recommandé et encouragé. Le dialogue est l’expression de la communion des enfants de Dieu. Nous sommes tous habitants de la même terre, de la même maison de Dieu. Il a été même affirmé : pas de paix sans dialogue avec les musulmans.
S. François d’Assise, dans sa rencontre avec le roi Al-Kamel en Égypte en 1219, nous donne un exemple de dialogue par la non-violence et le dialogue de la vie. Les Églises Orientales sont les plus qualifiées à promouvoir le dialogue interreligieux avec l’Islam. C’est un devoir qui leur incombe de par la nature de leur histoire, de leur présence et de leur mission. Le contact avec les musulmans peut rendre les chrétiens plus attachés à leur foi, l’approfondir et la purifier. La sainteté de vie est réciproquement appréciée de part et d’autre.
La vraie relation avec Dieu n’a pas besoin de religiosité bruyante, mais d’authentique sainteté. Les personnes profondément religieuses sont sujet de respect et de vénération, un point commun de référence, et conscience de la société. La relation avec l’Islam postule une profonde vie spirituelle. Si nous ne sommes pas ouverts à Dieu, comment pouvons-nous être ouverts aux hommes ?
Nous avons le devoir d’éduquer nos fidèles au dialogue interreligieux, et à l’acceptation de la diversité religieuse, au respect et à l’estime réciproques. Les préjugés hérités de l’histoire de conflits et de controverses, de part et d’autre, doivent être soigneusement affrontés, élucidés et corrigés.
Dans le dialogue, sont importants la rencontre, l’accueil de la différence de l’autre, la gratuité, la confiance, la compréhension réciproque, la réconciliation, la paix et l’amour. Le dialogue est bénéfique pour la paix, pour la vie, et contre la violence. Le dialogue est le chemin de la non-violence.
L’amour est plus nécessaire et efficace que les discussions. Il ne faut pas discuter avec les musulmans, mais les aimer, espérant susciter en leur cœur la réciprocité. Avant de nous disputer sur ce qui nous sépare, retrouvons-nous sur ce qui nous unit, surtout en ce qui concerne la dignité humaine, et la construction d’un monde meilleur. Il faut éviter toute action provocatrice, offensive, humiliante, et toute attitude anti-islamique.
Pour être authentique le dialogue doit se réaliser dans la vérité. Le dialogue est un témoignage dans la vérité et l’amour. Il faut franchement dire la vérité, les problèmes et les difficultés, d’une manière respectueuse et charitable. Si le dialogue est incontournable et doit continuer, peut-être doit-il entamer une phase nouvelle de franchise, d’honnêteté et d’ouverture.
Ceci est d’autant plus nécessaire que l’annonce islamique (‘Al Da’wat’) est de plus en plus active en Occident. Nous devons nous dire notre différente vision de la vérité. Nous avons à traiter sereinement et objectivement les sujets qui concernent l’identité de l’homme, la justice, les valeurs de la vie sociale digne, et la réciprocité.
Ce terme de réciprocité a besoin d’être clarifié, selon quelques interventions. Nous devons prendre en considération aussi que les musulmans ont différents courants d’enseignement et d’action. Il y a les fondamentalistes, les traditionalistes pacifiques – la majorité – qui tiennent l’Islam comme la foi et la norme suprêmes et n’ont aucun problème à vivre sereinement avec les non-musulmans, et les modérés, ouverts à l’autre et qui sont plutôt une élite. Quelqu’un a proposé de ne pas nous limiter aux courants actuels modérés de l’Islam, mais qu’il faudrait aussi dialoguer avec les fondamentalistes et les extrémistes, qui affectent profondément la masse.
La liberté religieuse est à la base des rapports sains entre musulmans et chrétiens. Elle devrait être un thème principal dans le dialogue interreligieux. On souhaiterait que le principe coranique « pas de contrainte dans la religion » soit réellement mis en pratique.
Des Pères Synodaux ont parlé des contraintes, des limites à la liberté, des actes de violence et de l’exploitation des travailleurs émigrés dans quelques pays. Personne n’a cité les versets coraniques sur lesquels se basent les extrémistes pour justifier leur attitude et actes de violence. Ceci montre l’attitude louable des Pasteurs de voir ce qui unit et pacifie plutôt que ce qui sépare. Dans le dialogue avec les musulmans, il faudra étudier la relecture des ‘hadiths’ de violence, liés à un contexte historique révolu, remplacé par le contexte actuel de respect des droits humains.
Nous devons travailler tous ensemble pour transformer les mentalités de l’esprit et de l’attitude du confessionnalisme, à l’esprit de vie et d’action pour le bien commun. C’est un travail de longue haleine, vu que le confessionnalisme a des racines structurales profondes, qui remontent aux statuts des ‘dhimmis’ et des ‘millet’. Le dialogue empêchera l’attitude de méfiance et de peur des uns vis-à-vis des autres.
Les chrétiens tiendront à s’enraciner toujours mieux dans leurs sociétés, et à ne pas céder à la tentation du repli sur soi en tant que minorité. Ils ont à travailler ensemble pour la promotion de la justice, la paix, la liberté, les droits de l’homme, l’environnement, et les valeurs de la vie et de la famille.
Les problématiques sociopolitiques sont à aborder, non comme des droits à réclamer pour les chrétiens, mais comme des droits universels, que les chrétiens et les musulmans défendent ensemble pour le bien de tous. Nous avons à sortir de la logique de défense des droits des chrétiens, pour nous engager pour le bien de tous. Les jeunes auront à cœur d’entreprendre des actions communes dans ces perspectives.
Coopérer ensemble, avec les personnes de bonne volonté, à affronter les problèmes urgents du moment : la liberté, l’égalité, la démocratie, les droits de l’homme, l’émigration et l’immigration, les conséquences de la globalisation, de la crise économique, la violence et l’extrémisme, la vie.
Il est nécessaire de purifier les livres scolaires de tout préjugé sur l’autre et de toute offense ou défiguration. On cherchera plutôt à comprendre le point de vue de l’autre, tout en respectant les croyances et les pratiques différentes. On mettra en valeur les espaces communs, notamment au niveau spirituel et moral. La Sainte Vierge Marie est un point de rencontre de grande importance.
La récente déclaration de l’Annonciation comme fête nationale au Liban est un exemple encourageant. La religion est constructrice d’unité et d’harmonie, et une expression de communion entre les personnes et avec Dieu.
E. CONSTRUIRE ENSEMBLE UNE CITÉ DE COMMUNION
Tous les citoyens de nos pays doivent affronter ensemble deux défis principaux : la paix et la violence. Les situations de guerres et de conflits que nous vivons génèrent la violence, et sont exploitées par le terrorisme mondial, et les courants et mouvements extrémistes dans la région.
L’Occident est identifié avec le Christianisme, et on attribue les choix de ses États à l’Église. Tandis qu’aujourd’hui ses gouvernements sont laïcs, et de plus en plus opposés aux principes de la foi chrétienne. Il est important d’expliquer cette réalité, et le sens d’une laïcité positive, qui distingue le politique du religieux. Dans ce contexte, le chrétien a le devoir et la mission de présenter et de vivre les valeurs évangéliques.
Nos chrétiens laïcs doivent être bien formés pour approfondir et renforcer la conscience de la vocation chrétienne. La vocation de l’Église est de servir. Le témoignage n’est pas un mode d’éviter l’annonce explicite. Il n’est pas non plus être un bon exemple (sens réductif). Le témoignage signifie vivre dans la vérité.
D’où la nécessité d’une authentique vie chrétienne. Il nous faut témoigner par la vie à chaque instant, sans syncrétisme, ni relativisme, avec humilité, respect, sincérité, et amour. « Médecin soigne-toi toi-même » (Lc 4, 23). Nous devons d’abord nous guérir, pour pouvoir refléter la lumière du Christ.
L’amour gratuit pour l’homme est notre plus important témoignage dans la société. L’Église catholique rend un éloquent et précieux témoignage par ses nombreuses œuvres et institutions éducatives, caritatives, de santé et de développement social. Elles sont très appréciées, et fréquentées par tous les citoyens, sans distinction de religion ou d’appartenance. Elles aident grandement à abattre les murs de méfiance et refus.
L’Église accorde ses choix préférentiels au service des plus pauvres. Plus nous sommes conscients de notre vocation chrétienne dans la société, plus nous serons capables de montrer et de rayonner la force de l’Évangile, qui est puissante, et peut transformer la société humaine même aujourd’hui. L’Exhortation Apostolique du Vénérable Pape Jean-Paul II Une Espérance nouvelle pour le Liban (10 mai 1997) est un guide concret pour le témoignage chrétien dans la cité. Il faudra la valoriser pleinement et en vivre concrètement, surtout au Liban.
Musulmans et chrétiens, nous avons à parcourir ensemble le chemin commun. Malgré les différentes conceptions de l’homme, de ses droits, et de la liberté, nous pouvons trouver ensemble les bases claires et précises d’une action commune pour le bien de nos sociétés et de nos pays. Les droits humains sont le terrain commun qui a le plus de chance de nous unir pour une étude sereine et une action commune.
Le dialogue sera fructueux avec les personnes engagées à la défense des droits humains, de l’éthique fondée sur les principes de la nature humaine, de la famille, de la vie, et de l’État civique. Encourageons ce courant de personnes modérées et sincères. Nous avons réciproquement à veiller les uns au bien des autres. Construisons ensemble une ‘cité de communion’.
* Dans les carrefours il serait souhaitable d’approfondir les domaines qui n’ont été que très peu abordés jusqu’ici : méthodes de catéchèse – renouveau de la liturgie – la modernité – contribution spécifique irremplaçable du chrétien – avenir des chrétiens du Moyen-Orient.
CONCLUSION
QUEL AVENIR POUR LES CHRÉTIENS DU MOYEN-ORIENT ?« NE CRAINS PAS, PETIT TROUPEAU! » (Lc 12, 32)
Les contextes actuels sont source de difficultés et de soucis. Animés par l’Esprit Saint et guidés par l’Évangile, nous les affrontons dans l’espérance, et la confiance filiale dans la Divine Providence. Nous sommes aujourd’hui un ‘petit reste’, mais notre comportement et notre témoignage peuvent faire de nous une présence qui compte.
Nous devons assumer notre vocation et notre mission de témoignage, au service de l’homme, de la société, et de nos pays.
Nous devons travailler tous ensemble pour préparer une nouvelle aube au Moyen-Orient. Nous sommes soutenus par la prière, la compréhension et l’amour de tous nos frères et sœurs à travers le monde. Nous ne sommes pas seuls.
Ce Synode nous l’a fait sentir très visiblement. Et comme l’a dit le représentant de la Fédération des Conférences épiscopales catholiques de l’Océanie : « Nous voulons que nos frères et sœurs du Moyen-Orient sachent que nous apprécions la Communion avec eux, et que nous nous engageons de rester solidaires avec eux, dans leurs espoirs et leurs souffrances, et que nous les soutiendrons par la prière et l’assistance pratique, dans les défis qu’ils affrontent aujourd’hui ».
La foi nous dit aussi que le Seigneur lui-même nous accompagne, et que sa promesse est toujours actuelle : « Je suis tous les jours avec vous et jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Dieu est le Maître de l’histoire (cf. Benoît XVI, Homélie de la Messe inaugurale,10.10.10). Maintenant que le Synode sera bientôt terminé, commencera le vrai travail : l’annonce et la communication de tout ce que le Synode nous a apporté, et la mise en pratique de ses orientations et recommandations, par des structures appropriées et le suivi régulier de ce travail, dans une action pastorale coordonnée, pour en cueillir des fruits abondants, grâce à l’action de l’Esprit Saint. Nous en espérons beaucoup. « Et l’espérance ne déçoit pas, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 2-5).
« Ne crains pas petit troupeau », nous dit notre Seigneur. Pour y répondre il nous faut plus de foi, plus de communion, et plus d’amour. Ils seront porteurs de grâce, de force, de paix, de joie, de nombreuses vocations consacrées, et de sainteté. Implorons la Sainte Vierge Marie, si honorée et si aimée dans nos Églises, de modeler nos cœurs à l’exemple du cœur de son Fils, Jésus. Et accueillons son invitation : « Tout ce qu’Il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5).
QUESTIONNAIRE
1. Comment retrouver ce qui est propre à la Parole de Dieu, c'est-à-dire son pouvoir d’entrer dans la vie existentielle des gens pour opérer un changement dans leur vie en vue d’un engagement plus grand et plus fécond ? Comment la fréquentation de la Parole de Dieu peut-elle être agent de développement de l’Être et de l’Agir des chrétiens ? La Parole de Dieu est source inépuisable de communion et d’ouverture. Comment est-elle lue et approfondie en Église pour qu’elle soit agent de communion, de dialogue et de développement de la communauté ecclésiale et du monde?
2. L’Ancien Testament est parfois interprété de façon tendancieuse et intéressée. Comment pourrions-nous redécouvrir les richesses de l’Ancien Testament à la lumière de l’unité des deux Testaments en Christ dans notre contexte actuel ?
3. Nos Églises sont parfois confrontées à des situations de persécution allant jusqu’au martyre. Quelle est notre attitude aujourd’hui face à ces situations?
4. À leurs origines, les Églises d’Orient furent des Églises missionnaires par excellence. Actuellement, cet élan missionnaire s’est affaibli. Comment revivifier l’esprit missionnaire dans nos Églises, pour une nouvelle évangélisation à l’intérieur de chaque Église, et au service de l’Église universelle, afin de maintenir l’esprit de l’Évangile en ravivant la foi des chrétiens et en maintenant « la mémoire des origines » en éveil ?
5. Dans le cadre d’une pastorale efficace et évangélique, quelles structures mettre en place pour former des agents pastoraux qui soient des cadres créatifs, qui sachent écouter, piloter, orienter, soutenir, compatir et proposer à la fois ?
6. Dans un univers où les chrétiens sont minoritaires, pour redynamiser ces communautés, il faut les aider à revenir à l’esprit de l’Évangile, en renforçant la foi et la spiritualité de nos fidèles et resserrer le lien social et la solidarité entrer eux, sans tomber dans une attitude de ghetto. Quelles structures ecclésiales et quelle pastorale seraient-elles en mesure d’œuvrer pour renforcer cette appartenance spirituelle et sociale ?
7. Entre inculturation et fusion, l’Église se trouve elle aussi contaminée par la politique et les conflits qui déchirent le monde qui l’entoure ? Quelles stratégies proposer pour qu’elle demeure une référence d’ouverture et de dialogue évangéliques ? Comment agir dans un monde multiculturel, où la liberté d’expression dépend parfois du clan, de la confession ou des traditions qui sont incompatibles avec l’Évangile ? Comment former nos jeunes à un vrai dialogue qui ne soit ni fusion ni confusion, mais qui soit l’expression d’un vrai partage et d’une volonté évangélique faite d’accueil, d’ouverture et d’amour pour la vérité et l’unité ?
8. Devant le fait de l’émigration, comment pourrions-nous aider nos fidèles à vivre selon leur propre identité ecclésiale en étroite collaboration avec l’Eglise locale des pays d’accueil et d’insertion afin de toujours manifester l’unité dans la diversité?
9. Pour répondre aux exigences pastorales de l’émigration, quelles seraient les orientations adéquates pour la formation des futurs ministres dans nos séminaires et facultés de théologie?
10. Nos pays du Moyen-Orient accueillent de plus en plus des immigrés pour des motifs économiques. Comment nos Églises peuvent-elles contribuer à faire respecter leurs droits humains fondamentaux et à leur fournir un accompagnement pastoral adapté ?
11. Vu la nouvelle réalité ecclésiale dans les pays du Golfe, comment œuvrer ensemble pour instaurer une meilleure collaboration pastorale entre les Églises orientales catholiques et l’Église catholique romaine ?
12. Indéniablement, en Orient, il y a une crise des vocations par rapport à un passé récent florissant. Les vocations dans l’Église sont l’œuvre de l’Esprit Saint pour toute l’Église. Quelle pastorale vocationnelle proposer particulièrement aux jeunes afin de toucher leurs cœurs pour qu’ils osent suivre le Christ généreusement et sans crainte ? Devant le manque de prêtres dans quelques lieux, comment vivre la communion ecclésiale sacerdotale, pour répondre aux besoins de ces Églises ?
13. Comment vous paraissent l’identité et la vocation propres de nos Églises orientales catholiques à la lumière du concile Vatican II et du dialogue œcuménique en cours ?
14. Comment redécouvrir le sens concret de l’Église comme mystère de communion pour une présence et un témoignage évangéliques au Moyen-Orient ?
15. Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour éviter les glissements réels vers des réalisations de l’Église basées sur les seules considérations ethniques, culturelles ou politiques?
16. Nos Églises accueillent de plus en plus de nouveaux mouvements apostoliques et d’initiation chrétienne. Comment assurer, dans le respect de leur charisme propre, leur intégration harmonieuse dans la réalité pastorale de nos Églises d’Orient?
17. En remontant à nos racines communes dans l’expérience de l’Église de Jérusalem, peut-on y retrouver un moyen efficace à l’unité dont parle le Christ dans sa prière sacerdotale ? Quelles seraient les stratégies nécessaires à mettre en place pour y arriver ?
18. La situation des chrétiens au Moyen-Orient étant complexe et souvent confuse tant sur le plan politico-culturel que sur le plan œcuménique et interreligieux. Comment en tant que chrétiens, à la suite du Christ, aller vers les autres au-delà des divergences historiques, de pensée ou d’idéologie pour rencontrer des hommes, des semblables en tant qu’enfants de Dieu et par conséquent des frères et des personnes dignes de notre respect et de notre estime ?
19. Quelles sont les mesures à prendre par nos Églises en matière des nouveaux moyens de communication afin de promouvoir le témoignage commun et l’évangélisation dans une orientation œcuménique et interreligieuse ?
20. Le Pape Benoît XVI vient de créer un Dicastère pour la nouvelle évangélisation dans les pays de vieille tradition chrétienne. Nos Églises apostoliques au Moyen-Orient ont-elles conscience de l’intérêt d’une Nouvelle Evangélisation pour répondre aux problèmes de l’homme contemporain ?
21. L’Église entretient habituellement un dialogue positif avec des musulmans modérés pour le bien commun. Vu l’impact important des courants fondamentalistes en Islam sur le cours des évènements, quelle pourrait être notre attitude vis-à-vis de tels courants?
22. Dans la tradition de l’Église orientale, la liturgie est l’expression privilégiée de la foi et de l’agir chrétien (lex orandi, lex credendi, lex vivendi). Comment adapter nos anciennes traditions liturgiques, empreintes de la sève biblique et patristique, aux besoins de l’homme d’aujourd’hui?
23. Souvent l’enseignement religieux s’arrête avec la période scolaire. Les adultes ont besoin d’une formation de foi solide pour imprégner leur vie personnelle, familiale et professionnelle. Comment peuvent faire nos Églises pour leur assurer une telle formation ? Doit-on élaborer un plan catéchétique de base pour adultes dans ce sens, dans un travail commun entre et pour toutes nos Églises catholiques du Moyen Orient ?