Après l’office du matin, célébré selon la liturgie chaldéenne, et en présence du pape, il est entré dans le vif du sujet. Fondamentalement, les Églises d’Orient sont appelées à se dégager de leur gangue « ethniciste », voire de leur « nationalisme » et de la tentation du « ghetto » rituel pour vivre l’Évangile : « Le danger qui (les) menace ne vient pas seulement de leur situation de minorité, ni des menaces extérieures, mais surtout de leur éloignement de la vérité de l’Évangile, de leur foi et de leur mission. »
La relation avec l’islam est abordée avec le souci de ne pas céder aux simplifications. Le rapporteur sépare à dessein l’« islam politique » et « les musulmans traditionalistes pacifiques, la majorité ». Face au premier, en croissance, il faut réclamer « la liberté religieuse », « composante essentielle des droits de l’homme ».
«Comment peut-on être “père et chef” de personnes soustraites à la tête?»
Avec les seconds, le texte est radical : « musulmans et chrétiens partagent l’essentiel des cinq piliers de l’islam. (…) Le Dieu Amour aime les musulmans. (…) Le dialogue, chemin de la non-violence, est un devoir pour les Églises orientales en raison de leur histoire, de leur présence et de leur mission. » Le tout s’insère dans une visée non communautariste : « Les problématiques sociopolitiques sont à aborder non comme des droits à réclamer pour les chrétiens, mais comme des droits universels que les chrétiens et les musulmans défendent ensemble pour le bien de tous. »
C’est d’ailleurs un nouveau type de laïcité que les Orientaux veulent forger : « l’État civique », « système sociopolitique fondé sur le respect de l’homme et de sa liberté, (…) sur l’égalité et la citoyenneté complète, et sur la reconnaissance du rôle de la religion même dans la vie publique, et sur les valeurs morales ». Voici le Synode loin de la « laïcité positive » qui lui avait été proposée, terme « suspecté d’athéisme ».
Par ailleurs, les Orientaux confirment leur demande – ou plutôt leur « revendication, exprimée en présence du pape avec beaucoup de respect », selon la formule de Mgr Antoine Audo, évêque d’Alep des chaldéens (Syrie) – de l’extension de la juridiction des patriarches sur les fidèles de leur rite en dehors du territoire de l’Église patriarcale. « Comment peut-on être “père et chef” de personnes soustraites à la tête ? », s’interroge le rapporteur.
«Nos Églises refusent l’antisémitisme et l’antijudaïsme»
Localement, les Églises souhaitent s’engager résolument dans des projets pastoraux communs, initiatives inédites au plan local : « Un seul séminaire interrituel dans chaque pays, une pastorale commune dans la région pour les jeunes, la catéchèse, la famille. » De même, avec les orthodoxes, il faut viser l’unification des dates de Noël et de Pâques, « nécessité pastorale vu le contexte pluraliste et le nombre très important des mariages mixtes ». Le Synode souhaite enfin « l’unification du texte arabe du Notre Père ».
Sur le judaïsme, le rapporteur a été aussi bref que prudent, à partir d’une affirmation : « Nos Églises refusent l’antisémitisme et l’antijudaïsme ». Les laïcs, quant à eux, ne sont pas oubliés : « Que ce Synode devienne pour eux et pour toute l’Église un vrai printemps spirituel, pastoral et social ! »
Enfin, pour ne pas ternir les couleurs de ce printemps, et « pour assurer sa crédibilité évangélique, l’Église doit prendre les moyens pour garantir la transparence dans la gestion de l’argent, en distinguant clairement ce qui lui appartient et ce qui est propre au personnel de l’Église ». Jusqu’à mercredi soir, les pères synodaux se réunissent en groupes linguistiques pour, selon les mots de S. B. Antonios Naguib, « travailler tous ensemble à préparer une nouvelle aube au Moyen-Orient ».
Frédéric MOUNIER, à Rome la-croix.com |