L'Assemblée spéciale du synode des évêques sur les Églises catholiques au Moyen-Orient entame aujourd'hui sa seconde semaine de travaux, dans une indifférence presque générale des médias du monde arabe et occidentaux.
Hormis des reportages quotidiens de la LBC et de Télé-Lumière, au Liban, seuls de rares journalistes libanais, un Palestinien et un Égyptien couvrent cet événement historique. Ce qui, une fois de plus, donne raison à ceux qui pensent que, pour déboucher sur du nouveau, un synode sur les catholiques d'Orient devrait conduire à la conclusion d'un « nouveau contrat social, politique et spirituel » entre chrétiens et musulmans.
Un constat lucide et apaisé de la situation a été donné, en cours de semaine, par le P. Boulos Tannouri, supérieur général des antonins. Ce dernier s'est contenté de constater, comme tout un chacun, que « la situation politique au Moyen-Orient n'est pas destinée à s'améliorer » et que « l'émigration reste donc le choix le plus simple pour fuir cette situation ».
Toutefois, a ajouté le P. Tannouri, « l'Église ne doit pas se limiter à une logique purement humaine ; au contraire, en s'inspirant de l'Évangile, elle doit indiquer le bon choix, même s'il est difficile, selon une parole de Jésus dans l'Évangile : "Entrez par la porte étroite". Il est donc du devoir de l'Église d'éduquer les fidèles, d'accepter la croix et de la porter avec dignité ».
C'est un son de cloche relativement semblable qu'a fait entendre Mme Anan Lewis, professeure de littérature anglaise à l'Université de Bagdad, laïque consacrée déléguée par l'Église latine dans ce pays : « Représentant le peuple laïc d'Irak, a-t-elle dit, je voudrais mettre l'accent sur le fait que mis à part la sécurité et la stabilité politique et sociale, rien ne peut donner des raisons aux chrétiens d'Irak de rester et d'être profondément enracinés dans leur pays et leur foi sans un sincère soin spirituel et pastoral des pères de l'Église (…). Ni les homélies du dimanche ni les classes de catéchisme du vendredi pour les enfants ne suffisent à encourager le peuple laïc à rester.
Au lieu de donner des fonds pour rénover des chapelles ou acheter des maisons vides ou des hangars décorés, bâtissons des pierres vivantes et établissons de petits projets pour les jeunes filles et garçons afin qu'ils découvrent leurs astucieuses capacités professionnelles. »
Foi chrétienne véritable, courage chrétien et création d'emplois pourraient être le programme de Mme Lewis. Les chrétiens auraient accompli là leur partie du contrat.
« Ambassadeurs du Christ »
Pour le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, l'une des tâches du synode consiste à « fournir aux chrétiens du Moyen-Orient des orientations concrètes ».
« Ne soyons pas timides pour réclamer non seulement la liberté de culte, mais également la liberté religieuse, a-t-il dit. Investissons davantage dans nos écoles et universités fréquentées par les chrétiens et les musulmans. Elles sont des laboratoires indispensables du vivre-ensemble. Demandons-nous si nous faisons assez, au niveau des Églises locales, pour inciter nos chrétiens à demeurer sur place : logement, frais de scolarité, de santé. »
Le devoir de vivre en chrétien, le pouvoir d'attraction de la sainteté étaient sur les lèvres de l'archimandrite Jean Faraj, supérieur général de l'ordre basilien (melkite), dont la maison mère, le couvent du Saint-Sauveur, dans le Chouf, abrite la dépouille du P. Béchara Abou Mrad, dont le procès en canonisation est en cours.
« L'amour du prochain, a-t-il dit, nous a ouvert beaucoup de portes fermées et nous a garanti la continuité pendant 300 ans. Six fois dans notre histoire, nous avons été pillés, saccagés, bombardés et déplacés de nos couvents, de nos paroisses et de notre région. Plus de 25 prêtres et religieux ont été martyrisés cruellement. Pardonner, croire et témoigner nous paraissent la seule voie pour continuer et durer. Nous sommes les ambassadeurs du Christ (…). Les gens, de toute nationalité et de toute religion, se sentent attirés par les saints. Ils viennent les prier et demander leur aide (…). L'exemple est la garantie de la réussite et de la continuité. »
Un « nouveau printemps »
Mgr Michel Aoun, vicaire épiscopal maronite de Beyrouth, pour sa part, a insisté sur la nécessité de donner une chance aux nouvelles communautés ecclésiales de faire leur œuvre d'évangélisation.
« Je crois fermement, a-t-il dit dans son intervention, que ce synode donnerait une réponse aux attentes de nos fidèles s'il proposait des itinéraires pastoraux forts pour adultes, qui puissent conduire nos chrétiens à une foi adulte (…).
Le Saint-Père le pape Benoît XVI ne cesse d'encourager les charismes que l'Esprit-Saint suscite dans les nouvelles communautés ecclésiales où les fruits sont manifestes (…). Les évêques et les prêtres sont, avant tout, les garants de la communion, et au nom de cette communion, j'aimerais que ce synode les encourage à discerner les fruits que ces charismes apportent à l'Église et à les accueillir comme un nouveau printemps. »
Ouverture de l'horizon
Venu à titre d'invité, le cardinal Roger Etchegarray, président émérite du Conseil pontifical justice et paix, a fourni au synode l'un de ses « mots-clés ». Visiblement très ému, le cardinal Etchegarray a dit avoir contemplé l'icône de la Vierge Marie et avoir eu cette intuition que ces pasteurs rassemblés par le synode étaient comme les mages venus d'Orient dont parlent les Évangiles de l'enfance du Christ, des mages cherchant l'étoile du côté de l'Occident.
Mais, a souligné le cardinal, ils ont aussi appelé à regarder vers l'Orient et même vers l'Extrême-Orient. Le cardinal a ainsi ouvert l'horizon du synode vers cet Extrême-Orient chrétien, bien vivant et souffrant, à l'immense Chine, mais aussi au Pakistan, à la Corée du Nord, à la Birmanie et au Laos, au Vietnam, pour ne citer que les terres où les défis de la liberté religieuse sont les plus connus.
Fady Noun / L'orient le jour