Sa Sainteté le Patriarche Oecuménique Bartholomée m'a prié de vous faire parvenir, au nom du Patriarcat Oecuménique de Constantinople et Église soeur, tous ses voeux de réussite à l'occasion de la tenue, ces jours-ci, du Synode des Évêques pour le Moyen-Orient.
Le Moyen-Orient intrigue tout comme il fascine. Il est la propriété de tous et ne souffre pas l'exc1usivité. Terre sacrée, elle est d'autant plus sainte que, pour nous chrétiens, c'est dans cette région du monde qu'il a plu à Dieu de nous offrir la plus incroyable des promesses, celle de la Résurrection. Cette terre, premier témoin à travers les âges de l'oeuvre salvifique du Christ, participe néanmoins de ce que le penseur Pascal décrivait comme son agonie à travers les âges. En effet, l’actualité ne cesse de nous rappeler les divisions, les séparations, les souffrances quotidiennes auxquelles certaines franges de la population sont soumises, et, au premier titre desquelles les chrétiens de la région.
Nous ne pouvons que nous féliciter de la tenue de cette assemblée spéciale du Synode des Évêques consacré au Proche-Orient. Le monde attend de cette réunion un message fort, que des actes concrets soient posés. Il en va non seulement de la responsabilité de l'Église Catholique en tant qu'elle est l' organisatrice d'un tel Synode, mais bien de chacune des Églises qui participent au titre de «Délégués fraternels », dans la transcendance de nos différences et auxquels il fut explicitement enjoint de prendre une part active à la discussion.
Dès lors, nous souhaiterions appuyer deux axes nous semblant essentiels.
Le premier concerne la disparition progressive du christianisme au Moyen-Orient.
Comment pérenniser la présence des chrétiens dans la région au vu de nos dialogues bilatéraux? Le document de travail du Synode, l 'Instrumentum Laboris, rappelons-le, fut rendu public par le Pape Benoît XVI lors de son déplacement officiel à Chypre, en juin 2010. Il s'agit donc d'un signe adressé non seulement aux orientaux catholiques, mais aussi à l'Église Orthodoxe et à ses fidèles.
À cet égard, il convient de rappeler l'importance de la présence orthodoxe à l'intérieur des sociétés orientales. Ainsi, le pluralisme local doit-il être en mesure de faire avancer nos différentes initiatives de dialogue et de se matérialiser en autant de coopérations nécessaires et utiles pour le bien d'un plus grand nombre et la transmission efficace du témoignage évangélique. En effet, soulignant les bonnes relations qu'entretiennent actuellement nos Églises, l'espoir tangible d'une prochaine union aura un effet catalyseur. Une union garantirait la pérennisation de la présence chrétienne localement.
Dans un deuxième temps, nous voudrions apporter un éclairage particulier sur nos capacités de dialogue avec les autres composantes religieuses de la région et en particulier avec nos frères musulmans et juifs. L'inflation des initiatives que connaît de nos jours le dialogue interreligieux ne doit pas nous faire perdre de vue que les initiatives institutionnelles ne sont pertinentes que lorsque l'ensemble de la société se trouve investi de la nécessité d'un vivre ensemble dans la paix. En effet, le Moyen-Orient doit invalider la thèse du choc des civilisations. Car oui, un vivre ensemble est réalisable, selon des modalités qui ne seront pas dictées par des tiers, mais bien par ceux qui y vivent au jour le jour.
C'est eux qui constituent « le sel de la terre ». Or, la première condition inaliénable pour toute cohabitation demeure la garantie de la liberté religieuse pour tous. Sur cette base seulement les relations entre les religions, les peuples et les cultures seront en mesure de favoriser l' émergence de ce que Lévi-Strauss appelait: « la coexistence de cu1tures offrant entre elles le maximum de diversité ».
Finalement, nous souhaitons que ce Synode renforce les liens unissant tous les chrétiens de la région, avec clarté, courage et amour. Mais aussi, qu'évitant tout paternalisme exagéré à l'égard des chrétiens d'Orient, nous sachions nous aussi, nous mettre à l'école de leur réalité. Il est donc de notre devoir, pour ne pas dire de notre responsabilité, que ce Synode ne soit pas relégué à la longue liste des rencontres sans lendemain, tout au moins par respect pour ceux qui souffrent et par engagement à l'égard de notre foi.
Nous prions pour que le Seigneur inspire tous les participants de cette rencontre et que dans la paix, il accorde à « la multitude des croyants de n'avoir qu'un coeur et qu'une âme » (Ac 4,32)