Le 1020e anniversaire de la christianisation de la Russie sera célébré en grande pompe ce week-end à Kiev, berceau de l’orthodoxie russe, un événement qui suscite des tensions entre l’Ukraine et le patriarcat de Moscou, soucieux de maintenir ce pays sous sa juridiction.
Le patriarche œcuménique Bartholomée Ier, chef spirituel des orthodoxes, ainsi que celui de Moscou et de toutes les Russies Alexis II, participeront aux festivités dans l’ancienne capitale de la Russie kiévienne. Bartholomée Ier et Alexis II vont célébrer plusieurs offices à Kiev dont au moins un en commun dimanche, en présence du président ukrainien Viktor Iouchtchenko, qui espère que cet événement contribuera à réunir ses compatriotes orthodoxes.
L’orthodoxie est très majoritaire en Ukraine, mais ses fidèles sont divisés puisque l’Église relevant du patriarcat de Moscou est à couteaux tirés avec deux Églises dissidentes nées après la chute de l’URSS en 1991, celle dépendant du patriarcat de Kiev et la petite Église autocéphale.
Officiellement, les paroisses du patriarcat de Moscou (11 330) sont bien plus nombreuses que celles du patriarcat de Kiev (4 000) et de l’Église autocéphale (1.180), mais, selon certains sondages, le nombre des fidèles du patriarcat de Kiev dépasse celui des orthodoxes ukrainiens soumis à Moscou.
« Viktor Iouchtchenko est persuadé que le 1020e anniversaire de l’évangélisation de la Russie kiévienne donnera une impulsion à la réunification de l’orthodoxie ukrainienne », a déclaré la présidence dans un communiqué. Mais la situation est très délicate. Les confessions dissidentes ne sont reconnues par aucune Église orthodoxe et leurs chefs ne vont même pas pouvoir assister aux célébrations, à la demande de Moscou, à laquelle s’est joint le patriarcat œcuménique.
Si M. Iouchtchenko dément toute ingérence dans les affaires religieuses, des rumeurs courent sur des tentatives présumées de la présidence pro-occidentale d’obtenir la reconnaissance du patriarcat de Kiev par le patriarcat oecuménique, dont le siège est à Istanbul (l’ancienne Constantinople). Selon des experts et la presse, le patriarche Bartholomée pourrait en principe prendre les dissidents sous sa juridiction, reconnaissant de facto leur légalité religieuse.
Le patriarcat de Kiev est quant à lui réservé. « Pour le moment, nous sommes indépendants. Il est peu probable qu’on abandonne cette indépendance pour se soumettre à Constantinople », a commenté à l’AFP son porte-parole, l’évêque Evstrati, avant de faire montre d’un optimisme prudent.
« Notre isolement artificiel a été créé par le patriarcat de Moscou, mais il y a des progrès » sur la voie de la reconnaissance, affirme Mgr Evstrati, selon lequel cette question pourrait être réglée avant la fin du mandat de M. Iouchtchenko, soit d’ici à 2010. Dans ce cas, nombre de paroisses ukrainiennes fidèles au patriarcat de Moscou pourraient rejoindre celui de Kiev, écrit le quotidien Delo. Si ce projet réussissait, « l’Ukraine s’extirperait du monopole de Moscou », un projet cher au cœur du président, estime Mgr Evstrati.
L'Orient Le Jour 25.07.2008