Reporters sans frontières s’inquiète des conséquences des propos tenus par Man Pattanotai, ministre thaïlandais de l’Information et de la Communication, dans l’émission « Khao Den Praden Ron », diffusée le 14 mai 2008 sur 96.5 MHz.
Il a affirmé qu’il ne servait à rien de poursuivre des sites Internet en justice, en raison du scandale que cela provoquerait. « Autant supprimer les informations qu’ils diffusent », a-t-il déclaré.
« En marquant sa préférence pour des méthodes de censure radicales, le ministre s’inscrit en contradiction totale avec le Computer Crime Act appliqué depuis l’été 2007, qui demande aux autorités de porter plainte contre un site avant de demander sa fermeture. De plus, un numéro de téléphone a été mis en place pour permettre aux internautes de signaler tout site coupable de crime de « lèse-majesté ». Nous condamnons ce renforcement du contôle de la Toile », a déclaré l’organisation. L’émission « Khao Den Praden Ron » du 14 mai était consacrée au blocage inexpliqué de trois sites Internet : les sites d’informations Fah Diew Kan (http://www.sameskybooks.org) et Prachatai (http://www.prachatai.com) et le site de partage de vidéos en ligne YouTube (http://www.youtube). Le site Prachatai est resté inaccessible pendant presque 24 heures, du 14 au 15 mai. Le site YouTube est régulièrement bloqué le temps de supprimer des vidéos qui font référence au roi Bhumibol Adulyadej, et le site Fah Diew Kan est toujours bloqué.
A la question « Pourquoi ces sites sont-ils bloqués ? », Man Pattanotai a répondu : « Ils critiquent la monarchie. Les Thaïlandais ne supportent pas cela. Mon prédécesseur, Sitthichai Pookaiyaudoom, m’a même confié qu’il souhaitait que je les fasse fermer. Il aurait certainement encouragé les internautes qui en ont les compétences à hacker ce genre de sites. Tout le monde nous aide dans cette entreprise. Les fournisseurs d’accès qui savent comment bloquer les sites également. » Le numéro libre 1111 a été mis en place pour que chaque internaute puisse signaler un contenu offensant.
Il existe plus d’une centaine de fournisseurs d’accès en Thaïlande, qui n’observent pas les mêmes règles en matière de blocage. Les sites bloqués ne le sont donc pas pour tous les internautes. Cependant, le ministre a également évoqué la coopération de certaines entreprises étrangères, qui acceptent de bloquer les contenus des sites qu’ils hébergent. « Dans la plupart des cas, il est difficile de bloquer des sites dans la mesure où les services d’hébergement sont situés à l’extérieur du pays (…). Leurs serveurs se trouvent en Californie, au Texas ou dans le New jersey. Nous savons où ils se trouvent et nous recevons l’aide de Google Californie et de YouTube ».
La législation thaïe sur le crime de lèse-majesté fait partie des plus sévères au monde. Les peines de prison peuvent aller de trois à quinze ans pour qui tiendrait un discours "diffamatoire, insultant ou intimidant" à l’encontre du roi, de la reine, de leurs parents et du régent.
Concernant les procédures judiciaires à l’encontre des sites Internet qui se rendent coupable de « lèse majesté », le ministre a affirmé : « Agir de telle sorte peut provoquer un gros scandale. Autant supprimer ces informations. Du moins c’est l’avis de l’un de mes supérieurs ». « J’ignore quels types de proxies (moyens de contournement de la censure) les internautes utilisent. Ils viennent probablement d’Inde ou de Malaisie, mais nous devons continuer à les traquer », a-t-il ajouté.
Le 18 juillet 2007, une loi contre la cybercriminalité (Computer Crime Act) est entrée en vigueur, qui autorise la police à saisir le matériel informatique des personnes suspectées de diffuser des messages à contenu insultant ou pornographique. Les fournisseurs d’accès à Internet doivent conserver les informations individuelles des internautes pendant 90 jours et les autorités ont le pouvoir de les vérifier sans aucun contrôle judiciaire. Par ailleurs, la loi autorise la police à saisir les ordinateurs si elle suspecte un usage illégal de la machine.
RSF 20.05.2008