Le jeune égyptien Taïssir Tatios et la bienheureuse chilienne Laura Vicuña ont inspiré deux biographies illustrant la sainteté des enfants évoquée au début du mois dans un premier entretien avec le père Jacques-Marie Guilmard, vice-président de l'association « Enfance et sainteté ».
Ces deux livres peuvent inspirer les jeunes au moment où l'Eglise se prépare à vivre la fête de la Toussaint. Dom Guilmard les présente (Cf. « Le petit chantre de Jésus, Taïssir Tatios », de Marie-Dominique Poinsenet, version refondue par Dom Jacques-Marie Guilmard, coll. « Sentinelles », 25, Téqui, 2007 ; « Bienheureuse Laura Vicuña, l'héroïsme de l'amour filial », par Dom Jacques-Marie Guilmard et l'abbé Edmond Samson, coll. « Témoins de l'amour », Téqui, 2008).Zenit – Vous venez d'éditer deux livres sur des jeunes dont la vie a été exemplaire. Or les jeunes ont déjà des saints patrons, comme Dominique Savio, alors pourquoi ces deux livres ? Père Guilmard – Les jeunes ont besoin de modèles qui les élèvent et les conduisent à Dieu en leur montrant comment pratiquer l'Évangile dans le quotidien de la vie. Il faut que de nombreux jeunes amis de Jésus déjà entrés au ciel deviennent les amis des jeunes d'aujourd'hui dans toutes les parties du monde. Zenit – Est-ce un souci d'universalité qui vous a fait choisir vos deux héros dans deux continents différents ? Père Guilmard – Oui, l'universalité de l'Église nous oblige à sortir des cadres étroits de notre vision personnelle, pour avoir un regard dilaté comme jadis saint Benoît qui vit le monde entier ramassé en un seul regard. Zenit – Votre premier jeune est un Égyptien… Père Guilmard -Taïssir Tatios est né au Caire en 1943, mais ses parents étaient des Libanais originaires d'Arménie. Cela évoque une partie de l'Afrique et le Moyen Orient. Taïssir évoque aussi la France, car il suivit des cours dans une école primaire française, et il lisait Tintin en français. Mais il est plus sage de reprendre au début. Taïssir est le deuxième de sa famille. Comme son père qui est violoniste, il fera de sa vie une œuvre d'art pleine de charme et aussi de rire. Vers l'âge de 8 ans cependant, l'enfant avait du mal à se tenir debout, et l'on diagnostiqua une myopathie. Zenit – C'est une maladie incurable ! Taïssir a dû abandonner l'école ?Père Guilmard – Oui, et c'est pour cela que son français ressemblera à du « sabir », et qu'il aura une orthographe à la « chinoise ». Mais partout où il passait, à l'école ou autour de chez lui, il se faisait aimer et il avait beaucoup d'amis. La profondeur de son regard reflétait le besoin d'harmonie qui faisait le fond de son cœur. C'était un artisan de paix ; il savait apaiser les différends par un mot glissé à l'oreille ou rendre l'espérance à sa mère. Zenit – Comment occupait-il ses journées ? Il avait certainement des camarades de son âge ? Père Guilmard – Il en avait beaucoup. Car souvent, on l'installait dans sa chaise sur le balcon à trois mètres à peine du sol. Les enfants, qui sont nombreux dans les rues du Caire, s'assemblait en bas pour rire avec lui et se partager les bonbons qu'il leur lançait. Un jour, il avait lancé une poignée de bonbons. Il avait vu les visages s'illuminer. Alors, il avait recommencé. Sous le balcon, quelle ruée ! Après les friandises, ce sera les jouets qu'il va faire descendre par une corde, à moins que les enfants ne fassent allègrement la courte échelle.Zenit – Et ses souffrances, comment les supportait-il ?Père Guilmard – Il les supportait sans presque jamais se plaindre, même quand son corps sera rongé d'escarres ; il consolait même sa mère qui devait faire les pansements. C'est que Jésus était dans sa vie. Il lui offrait ses souffrances. « Il était tout le temps en union avec Dieu », affirmera un témoin. « Quand il priait, il n'était plus là. » Il y avait surtout la Communion apportée par des prêtres de passage. Sa joie, c'était de communier au Corps du Christ. « Maman, je veux communier : la communion me soulage. » Zenit – Que pensaient de lui les musulmans ? Père Guilmard – On le conduisait parfois chez les commerçants musulmans des alentours. Il savait leur parler de Dieu, sans les blesser, et en faire des amis. On disait : Cet enfant a « Allah » en lui; il ne parle que d'amour. D'ailleurs tout le monde était impressionné, et il en imposait à tous. Les adultes avaient recours à lui pour être consolés. « Son père a révélé : Il y avait une force en lui ; c'était comme de la rosée. »Zenit – Taïssir était tout proche de Jésus, mais quelle place a la Sainte Vierge dans sa vie ?Père Guilmard – La sainte Vierge s'occupait de lui ! Un matin, après une crise particulièrement douloureuse, Taïssir montra à sa mère un coin de la chambre, en ajoutant : « La Sainte Vierge était là, et elle m'a dit : Il ne faut pas que tu te plaignes. Tu vas voir la joie que tu auras bientôt ! » Et d'ajouter : « Je ne me plaindrai plus, puisque ça fâche la Sainte Vierge. » C'est Marie qui viendra le chercher au moment de sa mort. Zenit – Quelle est « la » leçon de sa vie ?Père Guilmard – Mère Poinsenet a répondu à cette question : « Et si Taïssir nous avait été donné pour réfuter les arguments de Nietzsche et de ceux qui refusent le mystère de la souffrance, celle des hommes et celle de Dieu fait homme pour les sauver ? Ceux pour qui la croix sera toujours scandale, folie ? » Cette âme limpide comme le cristal a connu le moment de sa mort ; il a accepté lucidement son sacrifice. Avant de perdre définitivement conscience il avait dicté une prière à Jésus : « O Jésus ; ô mon Roi, rendez-moi la joie, car j'ai toujours la foi, petit frère, grand Roi. » Il meurt le 19 juin 1956, à 13 ans.Zenit – Et Laura Vicuña ? (à suivre)
ROME, Mercredi 22 octobre 2008 (ZENIT.org)