Zenit – Mgr Le Gall, quelle est l’histoire du sanctuaire de Montligeon ?
Mgr Jean-Marie Le Gall – Fondé il y a cent ans par l’Abbé Buguet, le sanctuaire entend faire vivre concrètement à tous ses amis la communion des saints. Cette vérité de foi a une double dimension. D’abord une dimension concrète et caritative : le curé déploya toute son énergie à trouver du travail à ses paroissiens touchés par la crise du XIXè siècle. Pour ce faire il créa une imprimerie. Ensuite, une dimension spirituelle qui consiste à prier et faire prier pour les âmes des défunts afin de les délivrer le plus rapidement possible de ce que l'Eglise appelle traditionnellement "le Purgatoire". L’intercession de Notre Dame, dont la maternité sur les hommes est éternelle, lui vaut d’être invoquée ici sous le vocable de Notre Dame Libératrice.
Le sanctuaire s’emploie à accompagner les personnes, non seulement au moment de l’épreuve du deuil, mais également à plus long terme pour les préparer à entrer dans l’éternité promise et y retrouver leurs chers défunts : « Telle est la promesse que Lui-même nous a faite : la vie éternelle » (1 Jn 2, 25).
Qu'est ce que l’Eglise appelle d'un mot qui semble très vieillot, "le Purgatoire" ?
L’Église a promu depuis le début la prière pour les défunts afin de les aider dans l’ultime étape de purification qui précède la rencontre définitive avec Dieu, la sainte Trinité. Elle s’appuie en particulier sur livre des frères Maccabées : « Voilà pourquoi Judas fit faire ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leur péché » (2 Maccabées 12, 46). D’où de nombreux textes dont un décret d’Innocent IV en 1254, le 2ème Concile de Lyon (1274), la Constitution Benedictus Deus de Benoît XII (1336)…
Nous trouvons cet enseignement dans la Constitution Lumen Gentium : « Ainsi donc en attendant que le Seigneur soit venu dans sa majesté, accompagné de tous les anges et que, la mort détruite, tout lui ait été soumis, les uns parmi ses disciples continuent sur terre leur pèlerinage ; d'autres, ayant achevé leur vie, se purifient encore ; d'autres enfin sont dans la gloire contemplant "dans la pleine lumière, tel qu'il est, le Dieu en trois Personnes" » (§ 49).
Le Catéchisme de l’Église catholique écrit également : « Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une purification, afin d’obtenir la sainteté nécessaires pour entrer dans la joie du ciel » (§ 1030).
Faire dire des messes, une bonne "habitude" ?
Parlons plutôt de tradition ancienne… Car dès l’origine, la messe a été célébrée « tam pro vivis quam pro defunctis », autant pour les vivants que pour les morts. Pourquoi ?
Parce que les morts physiques restent vivants avec leur âme spirituelle ! Ils sont des membres de l’unique Corps mystique du Christ au même titre que les fidèles habitant sur la terre. Et de même que nous nous aidons les uns les autres ici-bas par la charité du service et de la prière, nous sommes invités à aider nos frères défunts par l’excellente charité de la prière. Avec la prière, qui est substantiellement œuvre de l’Esprit dans l’âme, nous dépassons les frontières spatio-temporelles, du visible et de l’invisible. Ainsi notre charité fraternelle, portée par les ondes de l’Esprit Saint, va consoler les âmes en chemin de purification.
Pourquoi des "groupes de prière" ?
La vraie Vie, c’est la vie en « Jésus-Christ qui est le Dieu véritable et la Vie éternelle. » (1 Jn 5, 20). Benoît XVI a rappelé combien il est nécessaire pour l’homme de se préparer à cette Vie de plénitude qui est communion éternelle avec Dieu. C’est dans ce sens qu’il faut « se préparer à la mort » : c’est une préparation à la Vie des bienheureux à laquelle tout homme est appelé. Notre vie ici-bas est donc le noviciat d’éternité qui nous apprend les bonnes postures nécessaires pour partager ensuite la vie des saints. Cela n’a rien d’égoïste puisque, dans la communion des saints, « toute âme qui s’élève, élève le monde. » Plus je me sanctifie, plus j’aide mon prochain à vivre de l’Amour divin.
C’est inséré dans le Corps de Jésus que chaque chrétien avance. Les Groupes de Prière sont des « cellules » de ce corps. Elles se forment de la rencontre de personnes qui, dans une même paroisse, partagent l’amour de la communion des saints et l’attention aux âmes des défunts. Ces personnes, en lien avec le sanctuaire se rassemblent pour prier Notre Dame Libératrice et pour poser des actes de charité envers leurs frères vivants dans le deuil, la souffrance ou toute autre précarité. Ces activités s’accomplissent avec l’accord du pasteur de la paroisse.
Qu'est-ce que représente la "Quinzaine du Ciel" de ce mois de novembre ?
Durant le mois de novembre consacré aux défunts, nous aidons les personnes à se positionner face, non à la mort, mais à la Vie éternelle : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » disait sainte Thérèse de Lisieux. C’est pour la Vie que nous vivons ! C’est pourquoi notre Quinzaine du Ciel commence le 1er novembre, jour où l’Église célèbre ce pour quoi l’homme est créé : la Vie éternelle ! Repositionner notre vie par rapport à la vraie Vie à laquelle nous sommes appelés est le seul moyen de trouver la paix dans son deuil. L’espérance, qui a été brisée par la disparition d’un être aimé, n’est reconstruite que dans la foi de nous retrouver tous dans la Joie du Père. Aussi, pendant quinze jours les pèlerinages, messes, conférences, écoute et confessions, veillées de prière, adorations et chapelets se suivent au Sanctuaire… Non pas tant pour pleurer les défunts que pour les rejoindre sur la route de la Vie éternelle qui nous attend mais qui est déjà commencée ici-bas…
Vous êtes l'auteur de la postface au livre d’Isabelle Rochette de Lepdes Tu changeras ton deuil en allégresse (édition Téqui)…
A cause d’une belle amitié spirituelle. Veuve, vidua, ‘vide’, Isabelle a souhaité remplir sa vacuité des « Réalités d’En-haut » pour rester unie à son défunt mari. Cela a conduit ses pas au Sanctuaire de Montligeon. Son témoignage aidera d’autres veuves à accueillir des grâces de résurrection après la mise au tombeau forcée qu’est la perte du conjoint. Il était normal que j’exprime ma joie pour ce réconfort offert aux âmes endeuillées.
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