« Aujourd’hui plus que jamais la seule résistance valable c’est la résistance culturelle. » Forte de cette conviction, Hoda Nehmé, doyenne de la faculté de philosophie et des sciences humaines de l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK), a organisé un colloque international sur le thème « Solidarité et paix ». Il a eu lieu à l’occasion de la trentième Journée internationale de la paix. La conférence était organisée sous le patronage du commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi. Plus d’une dizaine d’intervenants, universitaires, écrivains, militaires et dignitaires religieux sont intervenus. Pour la doyenne Nehmé, cette conférence était l’occasion de « donner la force aux jeunes, d’appliquer les principes d’amour, de justice et de respect de l’autre ».
Hoda Nehmé n’avait qu’un seul regret : les nombreuses chaises vides de la salle des Congrès où avait lieu le colloque. Elle aurait souhaité que plus d’étudiants puissent assister à la journée. « À cause du retard pris par les travaux de rénovation, nous avons dû décaler la rentrée universitaire, indique-t-elle. Certains étudiants sont venus, mais le public était beaucoup moins nombreux que prévu. » Il reste que l’assistance a suivi avec intérêt les débats.
Pour Carole Dagher, écrivaine et journaliste vivant à Paris, la question de la construction de la paix est particulièrement intéressante à poser « dans une société multiculturelle comme le Liban ». « Sans le respect de l’autre, de sa religion, de sa croyance, il n’y a pas de paix possible, affirme-t-elle. Dans ce pays, il s’agit de savoir comment construire la tolérance entre les différentes appartenances religieuses. » Selon elle, dans le contexte de l’après-printemps arabe, l’exemple du Liban prend tout son sens. « C’est la preuve que l’on peut vivre ensemble dans des sociétés faites de minorités, qu’il est possible de bâtir des ponts entre les différentes religions et les cultures, souligne Carole Dagher. Et c’est d’autant plus important que la paix mondiale est aujourd’hui tributaire de celle du Moyen-Orient. »
De son côté, ayant œuvré à l’institution, le 25 mars, de l’Annonciation comme fête nationale commune islamo-chrétienne, cheikh Mohammad Nokkari ne pouvait qu’être d’accord avec les propos de Carole Dagher. « Les chrétiens et les musulmans sont solidaires au Liban, a-t-il affirmé. Aujourd’hui, à cause des événements en Syrie, les chrétiens du Liban sont divisés. Mais puisque le régime syrien va bientôt disparaître, ils seront à nouveau unifiés et se rappelleront qu’ils sont libanais avant tout. Voilà pourquoi, je suis plus inquiet pour les chrétiens d’Égypte. Même si je ne crois pas que ces derniers aient à subir des attaques ou soient obligés de quitter le pays, je crains un affaiblissement de leur rôle et une séparation du pays comme ce qui s’est passé au Soudan. »
Afin de répondre à la question de son exposé « Comment l’islam peut contribuer à la paix et au respect de la liberté religieuse au XXIe siècle ? », Mohammad Nokkari a plaidé pour l’instauration d’une autorité religieuse sans emprise étatique. « Elle devra être capable de combattre l’ignorance religieuse qui est à l’origine de l’extrémisme », a-t-il ajouté.
Outre ces propositions, le colloque a permis de présenter des initiatives concrètes. Comme celle coordonnée par l’Université Sapienza de Rome. Depuis trois ans, à travers un master cofinancé par l’Unesco, 10 étudiants israéliens et 10 Palestiniens étudient ensemble la logistique humanitaire. Difficile d’imaginer meilleure leçon d’optimisme. Et dans cette époque marquée, comme l’a rappelée la doyenne Hoda Nehmé, « par la persécution, la discrimination et par de terribles actes de violences, et d’intolérance religieuse et politique », inutile de préciser à quel point c’est indispensable.
L'orient le jour