Selon le père dominicain Patrick Peter, catholiques et musulmans ont pendant longtemps noué des liens d'amitié dans les écoles catholiques du pays. Les problèmes, à son avis, viennent uniquement des étudiants sortant d’un certain type d’établissement scolaire.
Le programme télévisé « Where God Weeps », réalisé par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaboration avec l’association Aide à l’Eglise en détresse, s'est entretenu avec le père Peter de sa vocation et de la situation des catholiques au Pakistan.
Vous êtes originaire du Pakistan, mais vous vous appelez Patrick. Pourquoi ?
P. Peter – J’ai eu tout petit une formation de nature religieuse. Ma famille est très catholique. Mon père s’appelle Peter et m’a donné ce prénom car celui-ci commence par la lettre « P ». Il a pensé qu’on ne pouvait pas me donner meilleur prénom, en référence aussi aux pères dominicains.
Pourquoi êtes-vous devenu dominicain ?
Quand j’étais enfant je connaissais les pères dominicains du diocèse de Faisalabad car mon père travaillait pour eux. Ma tante, du côté paternel, était une religieuse dominicaine de Sainte-Catherine de Sienne, et un oncle, du côté de ma mère, était un prêtre dominicain. Donc, ces personnes ont fait naître en moi le désir d’être dominicain.
Je ne connaissais pas, à l’époque, la différence entre un prêtre diocésain et un prêtre religieux. Après le collège ou au début de mes classes supérieures je disais seulement que je voulais devenir prêtre. Quand je suis allé à l’université j’ai compris un peu mieux la vie religieuse et j’ai parlé avec mon oncle qui était dominicain. Il m’a dit: « Viens, unis-toi à nous ». Et c’est ainsi que je suis allé avec les dominicains à Faisalabad.
Qui sont les chrétiens au Pakistan ? Représentent-ils les pauvres ?
Au Pakistan, les chrétiens représentent surtout les plus pauvres. Dans de nombreux cas, ils reçoivent et vivent avec un salaire minimum. C’est un grand défi pour les chrétiens au Pakistan : même pour les plus instruits. La majorité des chrétiens sont souvent si pauvres qu’ils ne peuvent se permettre de payer des dessous-de-table pour avoir accès à un bon emploi, alors que les musulmans, eux, peuvent se le permettre. Mais la loi aussi donne la préférence aux musulmans.
Les chrétiens sont-ils persécutés à cause de leur foi ?
Oui ! Au Pakistan nous sommes persécutés. Nous avons des difficultés surtout à cause de la loi anti blasphème. Selon cette loi, toute personne disant quelque chose contre le prophète Mahomet ou déshonorant ou arrachant une page du Coran peut être accusée et condamnée pour blasphème.
Avez-vous subi personnellement des discriminations ou persécutions ?
Pas moi personnellement, mais après mon ordination, quand j’étais jeune, j’ai assisté à un cas. Le premier jour de mon sacerdoce, après la messe d’action de grâce, j’ai rencontré un groupe de chrétiens : environ 16 ou 17 familles que l’on avait accusées d’avoir dit du mal du prophète. Elles avaient toutes été expulsées de leur village et leurs maisons avaient été brûlées.
L’évêque de Faisalabad a dit que les chrétiens jouent un rôle essentiel pour le progrès du pays. Que voulait-il dire ?
Il l'a dit pour souligner, surtout, que les chrétiens ont les mêmes obligations que les musulmans. Nous sommes tous pakistanais. Nous avons tous des difficultés. Nous contribuons de la même façon au progrès du Pakistan, dans des domaines comme l’instruction et la santé. Au Pakistan, l'Église catholique a beaucoup d’instituts éducatifs et elle accueille tout le monde. Les hôpitaux aussi acceptent tout le monde. Donc les chrétiens, et en particulier les catholiques, donnent un fort témoignage de foi parmi les musulmans, dans la manière de vivre leurs valeurs chrétiennes, soit à travers l’apostolat soit dans leur vie de tous les jours.
Les écoles catholiques jouent-elles un rôle important au Pakistan ?
Nous avons deux catégories d’écoles. Les collèges anglais et les écoles urdu. Les Pakistanais qui en ont les moyens envoient généralement leurs enfants dans les collèges anglais. Les écoles missionnaires, dont les écoles catholiques, entrent dans cette catégorie. La plupart des Pakistanais, presque tous musulmans, préfèrent ces écoles missionnaires.
Comment expliquer alors cette persécution contre les chrétiens, si autant de musulmans fréquentent les écoles catholiques ?
Le problème, en général, n’est pas le musulman moyen. Les problèmes viennent d’étudiants des madrase (les écoles religieuses islamiques) gérées par les mosquées. Les étudiants qui viennent dans nos écoles ont d’excellentes relations entre eux et, souvent, nouent des amitiés qui durent toute la vie.
Le dialogue est-il possible avec la communauté islamique ?
Certainement et le dialogue est continu. Dans mon village, quand j’étais enfant, nous chrétiens avions d’excellents rapports avec les musulmans. Nous parlions avec eux et étions amis.
De quelle manière pensez-vous pouvoir aider votre pays ?
Je travaille déjà dans l’éducation et une de mes fonctions est de former les prêtres de demain. Je les aide à se préparer au jour oùils entreront sur le terrain, afin qu’ils puissent avoir un bon contact avec les personnes, les préparer, les éduquer.
Cet entretien a été réalisé par Marie-Pauline Meyer pour « Where God Weeps », un programme télévisé et radiophonique hebdomadaire, produit par la Catholic Radio and Television Network en collaboration avec l’organisation internationale Aide à l’Eglise en détresse.
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