Dans une interview accordée à Zenit, Michel Roy, Secrétaire général de Caritas Internationalis, explique le travail de cette institution.
– ZENIT: Pourquoi est-ce que Caritas est nécessaire?
Roy: Souvent, il n’est pas suffisant qu’une personne fasse un don à une autre, une organisation est nécessaire car il faut un cadre méthodique, par exemple, au niveau paroissial. Cela doit être fait également dans les niveaux supérieurs. Dans un diocèse où pauvres et riches se côtoient, la mission d’un évêque est d’encourager la communauté chrétienne à être charitable et capable d’aimer, comme l’étaient les premières communautés chrétiennes, dans les Actes des apôtres. Il existe aussi des inégalités entre les diocèses, et en ceci la Caritas nationale aide les diocèses, comme instrument de la Conférence épiscopale. A leur tour, les Caritas nationales forment Caritas Internationalis, qui est une fédération, avec des membres indépendants, confédérés il y a 61 ans, alors qu’il y avait seulement 27 Caritas dans le monde. La première a commencé en Allemagne à la fin du 19e siècle. Caritas Internationalis est une entité du Saint-Siège. Nous sommes la charité du pape. Aujourd’hui notre supérieur ecclésiastique est Benoît XVI. Notre dicastère de référence est Cor Unum, qui soutient notre travail.
– Comment sont choisis les membres de Caritas Internationalis?
Son président est élu par l’Assemblée générale de 264 membres qui se réunit tous les 4 ans. Le président a toujours été prêtre ou évêque. Mais il peut aussi être un laïc, homme ou femme. Pour sa part, le Saint-Siège a le droit de veto sur les candidatures. En outre, l’assemblée élit le Secrétaire général et le trésorier.
– Pourquoi est-ce un instrument de la charité du pape?
Le pape a plusieurs instruments, comme Caritas Internationalis, qui est une petite organisation, au total quelque 30 personnes. Nous sommes la charité du pape, comme les Caritas locales sont celle des Conférences épiscopales. Cor Unum dirige également deux instruments de charité: la Fondation Populorum Progressio, qui travaille en Amérique latine et dans les Caraïbes et la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel. Quand le pape reçoit de l’argent des fidèles, il l’utilise pour aider de différentes façons, parmi lesquelles il y a Caritas Internationalis pour les grandes urgences.
– Comment travaillez-vous concrètement?
L’an dernier, par exemple, nous avons répondu à 30 urgences majeures – pour un total de plus de 42 million d’euros – directement ou indirectement par la Caritas nationale. Nous voulons répondre avec qualité car il ne s’agit pas simplement de donner; cela doit être fait d’une façon responsable.
Nous cherchons le développement intégral de la personne. Notre valeur ajoutée est de faciliter la relation entre les membres qui ont une expérience de terrain et ceux qui souhaitent soutenir. Nous avons des experts dans de nombreux secteurs, tel celui de l’immigration et du trafic humain de femmes, jeunes enfants qui sont seuls et de travailleurs migrants.
Nous sommes également engagés pour le climat et la sécurité alimentaire. Il suffit de penser à la Corne de l’Afrique et à ce qui va arriver au Sahel. Nous nous impliquons en outre dans la promotion de la paix et la réconciliation. Nous portons la voix de l’Eglise devant les Nations-Unies, notamment au sujet des conflits. Nous travaillons également dans le domaine de maladies telles le SIDA, la malaria, la tuberculose, les pandémies. Dans le cas du SIDA, il y a aussi un travail pastoral à faire.
– Comment menez-vous la lutte contre la pauvreté ?
La lutte contre la pauvreté est menée d’une façon plus mondiale, en commençant par des objectifs comme l’éducation, la santé, etc. D’un autre côté, pour nous ce n’est pas la communauté qui a tel ou tel problème, ce sont les individus qui ont des problèmes. La lutte contre la pauvreté doit comporter des conseils, car ce sont des personnes, et l’aspect spirituel est important.
Par conséquent, en octobre 2013 nous lancerons une campagne mondiale contre la pauvreté au moment où les Nations Unies se confronteront aux objectifs du millénaire, qui n’ont pas été atteints.
– Qu’en est-il au niveau des objectifs spirituels?
En tant qu’Eglise, nous voulons que chacun grandisse dans sa communauté, c’est ce que Dieu attend de la part de chacun. Nous avons été créés enfants de Dieu à son image et ressemblance, et l’environnement doit donner des conditions de dignité, de relations fraternelles. Mais la pauvreté entrave ces relations. Nous devons y travailler ensemble, inspirés par la Doctrine sociale de l’Eglise, qui nous permet de changer le monde d’une façon plus juste.
– Pouvez-vous nous parler du réseau de la Caritas ?
Lorsque je parle avec des représentants des Nations Unies à Genève ou à New York, pour eux le réseau de Caritas est très important car il fonctionne non seulement au niveau national mais aussi au niveau local, au niveau des plus pauvres. Ils nous connaissent et apprécient nos attentes, ils sont prêts à écouter ce que nous souhaitons dire. Nous sommes la voix des pauvres, des églises locales.
– Quels sont vos statuts?
En tant que Caritas Internationalis nous sommes dans un processus de meilleure intégration avec le Saint-Siège. Nos nouveaux statuts ont été approuvés par le Comité exécutif en novembre dernier. Ils sont actuellement au Secrétariat. Nous attendons un décret du pape qui approuvera les statuts ad experimentum.
– Qu’est-ce qui change avec les nouveaux statuts?
En 2004, le pape Jean-Paul II a accordé à Caritas Internationalis une personnalité publique, canonique, et juridique, qui fait de nous une entité du Saint-Siège, alors que nous étions auparavant une personnalité juridique privée. La lettre de Jean-Paul II dit que lorsque Caritas parle publiquement, elle parle au nom de l’Eglise, ce qui est une très grande responsabilité, qui nous intègre davantage dans l’Eglise. Caritas apporte au Saint-Siège la réalité de la pauvreté et ainsi nous sommes là pour renforcer la mission de l’Eglise, à la fois doctrinale et pastorale. C’est un échange important. Les nouveaux statuts sont la réaffirmation de la mission de Caritas Internationalis et de la Caritas nationale, de répandre la charité et de promouvoir la justice sociale.
[Traduit par Anne Kurian]zenit