Le journaliste américain Ron Suskind a affirmé hier sur la radio publique américaine NPR que la Maison-Blanche avait ordonné à la CIA de fabriquer de toutes pièces une lettre établissant un lien entre le dirigeant irakien Saddam Hussein et les attentats du 11-Septembre. M. Suskind présentait la thèse de son nouvel essai, intitulé en anglais The Way of the World.
L’ouvrage a été immédiatement dénoncé par la Maison-Blanche, la CIA et son ancien directeur George Tenet, accusé d’avoir transmis l’ordre de la Maison-Blanche à de hauts responsables de l’agence. « Je n’ai jamais reçu d’ordre de ce genre de la part de la Maison-Blanche, pas plus qu’il n’y a jamais eu quiconque à la CIA impliqué dans ce genre d’activité à ma connaissance », a déclaré M. Tenet dans un communiqué.
Ron Suskind a cité, dans son entretien, l’ancien chef de la division Proche-Orient de la CIA, Rob Richard, ainsi que d’autres personnes « directement au cœur de cette opération ». « Tenet se tourne vers Richard (…) et lui dit : “Écoute marine (Richard est un ancien marine), ça ne va pas te plaire, mais c’est comme ça” », a raconté le journaliste. Selon lui, la Maison-Blanche a donné à George Tenet une lettre lui demandant de la faire réécrire par Tarir Jallil Habbush, un ancien responsable des renseignements irakiens placé en détention préventive par la CIA après l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Cette lettre, datée de juillet 2001, faisait dire à M. Habbush que l’Irak avait accueilli sur son sol Mohammad Atta, le principal pirate de l’air responsable des attentats du 11-Septembre, et que ce dernier « a déployé des efforts extraordinaires et s’est montré fermement déterminé à mener l’équipe qui sera chargée d’attaquer les cibles que nous avons décidé de détruire », selon le livre.
Mark Mansfield, un porte-parole de la CIA, a démenti toute implication de l’agence dans la fabrication d’un faux et a estimé que le livre de Suskind devrait se trouver au « rayon fiction » des librairies.
« L’idée consistait à apporter la lettre à Habbush et à la lui faire transcrire avec sa propre écriture sur un papier à en-tête du gouvernement irakien pour la faire paraître authentique », écrit Suskind. « La CIA aurait alors emporté le produit fini à Bagdad et fait en sorte que quelqu’un le diffuse dans la presse », écrit-il encore.
La lettre, écrite en juillet 2001, aurait fait surface en Grande-Bretagne en décembre 2003. Suskind ne dit pas qui aurait ordonné sa fabrication, mais affirme que cela venait « du plus haut niveau » à la Maison-Blanche. « Il est clairement établi que sous ma direction, la CIA a résisté aux efforts de certains au sein de l’administration qui souhaitaient lier l’Irak et el-Qaëda en allant plus loin que les preuves existantes », a déclaré pour sa part George Tenet. « L’idée selon laquelle j’aurais soudain renversé notre position, et créé et lancé une fausse preuve contraire à nos propres convictions est ridicule », poursuit-il.
Le livre affirme également qu’un responsable des services de renseignements britanniques a secrètement rencontré M. Habbush à Amman avant la guerre et que ce dernier lui a affirmé que l’Irak ne possédait pas d’armes de destruction massive. Le président Bush était en possession de ce renseignement avant l’invasion américaine de l’Irak, selon M. Suskind.
Les interrogatoires faits par des étrangers à Guantanamo sont enregistrés
Les autorités américaines ont informé les responsables étrangers de la police et du renseignement qui viennent interroger leurs ressortissants détenus à Guantanamo (Cuba) que leurs entretiens étaient enregistrés, a rapporté hier le Washington Post. « Les États-Unis vont réaliser des enregistrements vidéo et sonores des entretiens entre les représentants de votre gouvernement et le(s) détenu(s) susnommé(s) », indique une des notifications aux enquêteurs étrangers que le Washington Post s’est procurées et qui sont presque toutes identiques. Les autorités de la base navale américaine de Guantanamo pourraient ainsi posséder des centaines, voire des milliers d’heures de conversations enregistrées entre les prisonniers détenus en tant qu’« ennemis combattants » dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », et les enquêteurs de plusieurs dizaines de pays dont la France, la Chine, l’Égypte, l’Arabie saoudite et la Russie, selon le quotidien, qui s’appuie à la fois sur des documents et des interviews. Plusieurs détenus se sont plaints, par l’intermédiaire de leurs avocats, du fait que certains des enquêteurs étrangers chargés de les interroger les avaient menacés de torture, voire de mort, selon le quotidien.
L'Orient Le Jour 06.08.2008