Au-delà du scepticisme exprimé au Liban, où l'on reproche au synode de 1995 d'être resté lettre morte, le synode sur les catholiques d'Orient s'offre véritablement comme un synode de l'espérance. Et les sources d'espérance existent, même si elles restent discrètes.
L'une d'entre elles se présente sous la forme d'une nouvelle présentation de l'Évangile aux adultes qui portent le sceau du baptême, ou pour reprendre une expression classique, qui sont « sacramentalisés, mais non évangélisés ».
« À côté des parents, des écoles et des paroisses, a dit à ce sujet Mgr Georges Bacouni, le jeune évêque grec-catholique de Tyr, de nouveaux mouvements ecclésiaux sont nés dans le sillage de Vatican II, qui ont joui de l'estime et des encouragements des papes Paul VI et Jean-Paul II, et maintenant de Benoît XVI. Avec ces mouvements, de nouvelles initiatives de formation chrétienne ont fait leur apparition. Il est important, pour les Églises orientales, de tirer le leçons de leur succès et de profiter de leur initiative. »
« Il importe que les évêques prennent conscience que ces mouvements, qui donnent naissance à de véritables vocations missionnaires, ne sont pas une menace, mais de précieux auxiliaires », a-t-il encore dit.
D'autres évêques, avant lui, avaient souligné l'importance d'une nouvelle catéchèse s'adressant aux adultes, en soulignant que « la messe du dimanche ne suffit plus ».
Vitesse de croisière
Mais si le synode a désormais atteint sa vitesse de croisière, les évêques se plaignent du temps d'intervention trop court qu'on leur a alloué : 5 minutes, quand il s'agit du texte préparé, 3 minutes, s'il s'agit d'une intervention libre, une seconde chance de le faire ne pouvant se présenter avant que tous les participants n'aient eu leur tour. Toutefois, ces règles valent pour les réunions générales, qui sont longues, quoique entrecoupées d'une pause, sachant que s'ils ont plus à dire, ils peuvent présenter à la secrétairerie du synode un texte écrit.
Mais à partir d'hier, ces réunions d'écoute assidue ont commencé à alterner avec des cercles de discussions ou « carrefours ». Ceux-ci, qui examinent chacun un thème, sont au nombre de dix, dont deux sont en langue arabe, adoptée cette année comme langue officielle du synode, à côté du français et de l'anglais.
Des constantes se dégagent
Une centaine des 185 pères synodaux ont déjà pris la parole, et des constantes comment à se dégager des diverses prises de parole. Les thèmes les plus souvent abordés au synode paraissent être ceux des rapports avec l'islam ; du communautarisme, comme égoïsme communautaire ; de la « laïcité positive » comme projet de société ou de citoyenneté démocratique, auquel on cherche une appellation plus acceptable par les musulmans ; de la nécessité d'une meilleure compréhension par l'Église latine de l'identité profonde des Églises orientales, et des conséquences qui en découlent en-dehors de la juridiction propre à ces Églises ; de la responsabilité d'Israël dans la misère politique et sociale qui poussent les chrétiens au départ ; et enfin de la nécessité d'une pastorale adoptée à la main-d'œuvre asiatique présente au Moyen-Orient, qui est sans proportion avec l'attention qu'elle reçoit… quand cette attention existe. Un habitant sur quatre est chrétien en Arabie saoudite, a ainsi affirmé Mgr Mounged el-Hachem, ancien nonce apostolique dans le Golfe.
En général, les évêques se reconnaissent au ton de leurs interventions, relève un observateur en salle : il y a ceux qui parlent avec prudence ; ceux qui parlent haut et fort – les Irakiens, les Palestiniens – parce qu'ils n'ont plus rien à perdre ; et enfin ceux qui s'expriment librement, comme les évêques du Liban ou ceux qui sont en poste dans des pays occidentaux. Pour sa part, le pape suit attentivement le synode, mais surtout les débats libres, qui ont lieu l'après-midi.
Satisfaits du synode ? À une telle question, la plupart affirment qu'il est trop tôt pour le dire. Pratiquement tous sont reconnaissants d'être là et de pouvoir s'exprimer devant leurs pairs, en particulier ceux qui viennent de pays où la liberté d'expression n'est pas garantie.
Le rabbin Rosen au Vatican
L'un des moments spéciaux d'hier a été l'intervention, l'après-midi, du rabbin David Rosen, conseiller du grand rabbin d'Israël. Le dignitaire religieux a parlé des trois groupes de chrétiens en Israël : ceux venus de l'ex-Union soviétique, et qui sont liés à des juifs israéliens par des liens de parenté, les Arabes chrétiens, et la communauté de chrétiens pratiquants, venue comme main-d'œuvre, près de 500 000 provenant d'Asie, d'Europe de l'Est, d'Amérique latine ou encore de l'Afrique sub-saharienne.
Les Israéliens, a-t-il dit, n'ont pas encore pris conscience du changement radical d'attitude de l'Église catholique à leur égard depuis Jean-Paul II, qui a souligné que le judaïsme est, d'une façon, « intrinsèque » au christianisme.
Le problème, selon le rabbin, est de savoir « si nos frères musulmans pourront voir la présence des deux minorités chrétienne et juive dans ce grand ensemble qu'est « Dar el-islam, compris au sens géographico-culturel ou religieux, comme une présence pleinement légitime et comme faisant partie intégrante de la région dans son ensemble ».
Plus contestable fut la description par le rabbin de la conquête de Gaza, du Sinaï et de la Cisjordanie, y compris Jérusalem, comme ayant été « une conséquence du conflit israélo-palestinien… ». Jusqu'où peut aller la mauvaise foi!
Fady Noun / L'orient le jour