Le tribunal n°2 de Taraz (sud du Kazakhstan) a condamné, le 8 août 2009, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Alma Ata Info, Ramazan Eserguepov (photo RFE),
à 3 ans de prison ferme, ainsi qu’à 2 ans d’interdiction de publication en vertu des articles 172 et 339 du code pénal du Kazakhstan. Le journaliste est reconnu coupable d’avoir collecté et divulgué des documents classés "secrets d’Etat". Sous ce prétexte, le procès, ouvert depuis le 23 avril, se déroulait à huis clos.
"Notre organisation exprime son sentiment de profonde indignation à l’encontre de ce verdict qui vient clore un procès déjà entaché par de nombreuses irrégularités. Ramazan Eserguepov n’a fait qu’accomplir son devoir professionnel et civique en rendant public des scandales de connivence entre le milieu des affaires et le service de la sécurité nationale (KNB) du Kazakhstan. Ce sont les représentants du KNB qui auraient dû se trouver sur le banc des accusés et non le journaliste", a déclaré Reporters sans frontières qui demande à la cour qui sera chargée de l’appel de casser ce verdict qui est un affront à la liberté d’expression au Kazakhstan.
Le procès, qui s’est ouvert le 23 avril à Taraz, a été particulièrement riche en irrégularités. Ramazan Eserguepov était incarcéré depuis son arrestation le 6 janvier 2009. Au cours de ces sept mois de détention, il n’a pas pu voir sa famille, ni recevoir les soins que ses problèmes cardio-vasculaires exigeaient. Le tribunal a ainsi bafoué l’article 9 du Pacte international, relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Kazakhstan en 2006. Cet article, qui concerne le droit des personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires, condamne la détention arbitraire. De plus, malgré le fait que la Constitution kazakhe garantit que toute personne a le droit au choix de sa défense, Ramazan Eserguepov a dû se défendre lui-même.
Par ailleurs, le tribunal a refusé d’auditionner des témoins clés de l’affaire comme la directrice de l’organisation "Journaliste en danger", Rozlana Taukina, ou encore le juriste Sergueï Outkin qui a fourni une expertise indépendante du dossier. Sergueï Outkin était arrivé à la conclusion que les documents collectés et révélés par Ramazan Eserguepov n’étaient aucunement des secrets d’Etat, car leur nature n’était pas répertoriée comme telle par la loi kazakhe.
Enfin, le KNB, qui s’était estimé lésé par la publication de ces documents et avait saisi le tribunal de Taraz, était chargé par ce même tribunal de conduire l’expertise du dossier. Le KNB a par ailleurs pu être défendu par l’avocat qu’il avait choisi, droit dont a été privé Ramazan Eserguepov.
Le journaliste, âgé de 53 ans, a été arrêté, le 6 janvier 2009, sur son lit d’hôpital par le KNB pour avoir écrit un article intitulé « Mais qui dirige vraiment notre pays, le président ou le KNB ? », publié le 21 novembre 2008 dans son journal Alma Ata Info. Dans cet article, Ramazan Eserguepov a rendu publique une lettre mettant en évidence les liens entre l’homme d’affaires, Soultan Makhmadov, et les fonctionnaires du KNB. Le journaliste conteste ce verdict et ne reconnaît pas sa culpabilité. Il compte faire appel.
En 2010, le Kazakhstan prendra la présidence de l’OSCE. Le pays figure au 125e rang du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2008.
Reporters sans frontieres 11/8/2009