Ces 17 catholiques ont été appréhendés, quelquefois dans la rue, quelquefois dans l’université où ils étudiaient, souvent par des agents en civil. Ils ont souvent été piégés par de faux rendez-vous ou des invitations mensongères. Ce n’est qu’après leur arrestation, quelquefois plusieurs semaines plus tard, que les familles ont été informées du motif de leur arrestation et du lieu de leur détention. Dans un communiqué publié le 11 janvier 2012, la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Vinh, sans préjuger de l’innocence ou de la culpabilité des personnes arrêtées, dénonce le caractère illégal des arrestations. Dans sa conclusion, la commission met en cause la légitimité d’un pouvoir qui s’autorise de telles infractions. Nous traduisons ci-dessous l’intégralité du communiqué qui a été mis en ligne sur le site du diocèse de Vinh (2).
« Le concile Vatican II reconnaît le caractère laïc et indépendant des activités sociales et politiques. Dans leur domaine particulier, la communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes. Cependant, à des titres différents, chacune est au service de l’homme dans sa vocation personnelle et sociale (GS 76). C’est pourquoi, conformément au dialogue et à l’esprit de collaboration préconisés par Benoît XVI à la Conférence épiscopale du Vietnam, nous estimons nécessaire de rendre publiques les considérations suivantes.
A différentes dates, le 30 juillet, le 3 août, le 5 août, le 7 août, le 16 août, le 27 août, le 5 septembre, le 19 septembre, le 24 décembre et le 29 décembre 2011, dans les provinces de Hô Chi Minh-Ville, de Da Nang et du Nghe An, les autorités ont arrêté de nombreuses personnes, pour la plupart des catholiques du diocèse de Vinh. Les arrestations ont eu lieu secrètement et n’ont pas été conformes aux procédures prévues par la loi.
En effet, le Code de procédure pénale vietnamien, à son article 80, stipule que toutes les formes d’arrestations – lorsqu’il ne s’agit pas de flagrant délit – doivent être strictement conformes aux dispositions suivantes : « Le mandat d’arrêt doit inscrire clairement la date, le nom et la fonction de celui qui ordonne l’arrestation, le nom, l’adresse de celui qui est arrêté et le motif de son arrestation. Le mandat d’arrêt doit comporter la signature et le sceau de celui qui le délivre. La personne chargée de l’arrestation doit lire le mandat d’arrêt, expliquer les droits et les devoirs de la personne arrêtée et établir un procès-verbal de l’arrestation.
Lorsque l’on effectue l’arrestation d’une personne à son domicile, il est nécessaire que des représentants des autorités de la commune, du district, de la ville soient présents et que les voisins de la personne arrêtée soient témoins. Lorsque l’arrestation se déroule dans le lieu où l’intéressé exerce sa profession, un représentant de l’organisme où l’intéressé travaille doit en être le témoin. Lorsque l’arrestation se déroule dans un autre lieu, elle doit être effectuée en présence de représentants des autorités de la commune, du district ou de la ville où elle a lieu. »
L’article 80 stipule qu’il est obligatoire d’établir publiquement un procès-verbal de l’arrestation : « Celui qui réalise l’arrestation doit dans tous les cas établir un procès-verbal. Celui-ci doit comporter clairement l’heure, la date et le lieu de l’arrestation ainsi que l’endroit où a été établi le procès-verbal. Il doit aussi consigner ce qu’il s’est passé, le déroulement des faits pendant l’arrestation, les objets et les documents qui ont été saisis, ainsi que les propos de la personne arrêtée.
L’article 85 fait une obligation aux responsables d’avertir à temps de l’arrestation les personnes concernées : « La personne qui ordonne l’arrestation, la commission d’enquête qui accueille la personne arrêtée doivent avertir immédiatement la famille et les autorités de la commune, du district ou de la ville où l’organisme, l’organisation ou la personne arrêtée réside ou travaille. »
La Déclaration internationale des droits de l’homme de 1948 par les Nations Unies, organisation dont le Vietnam est membre depuis le 20 septembre 1977, stipule : « Personne ne peut être arrêté, détenu ou retenu arbitrairement. »
La Convention internationale des droits civils et politiques adoptée en 1966, entrée en vigueur en 1976, et à laquelle le Vietnam a adhéré le 4 septembre 982, affirme à l’article 9 concernant l’arrestation et la détention : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires (…). Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui. »
La Constitution vietnamienne de 1992, amendée en 2001, affirme, à son article 71, que l’interdiction des arrestations et des détentions arbitraires fait partie des droits inviolables et absolus du citoyen : « Personne ne peut être arrêté sans décision du tribunal populaire, ou sans décision ou approbation du parquet populaire, à l’exception des cas de flagrant délit. L’arrestation et la détention des personnes doivent être conformes à la loi. »
Or, les arrestations citées plus haut, qui ont touché au total 17 citoyens catholiques et protestants sous des formes différentes, ont toutes été en infraction avec les dispositions du Code de procédure pénale citées plus haut. Le jugement concernant la culpabilité ou l’innocence des 17 personnes arrêtées sera rendu par le tribunal. La question à tirer au clair ici est de savoir si leur arrestation et leur détention par les organes de la Sécurité ont eu lieu en conformité ou en infraction avec la loi en vigueur.
L’opinion publique est très insatisfaite et même irritée de voir les autorités d’un Etat de droit arrêter aussi arbitrairement des citoyens. Arrêter des personnes pour des motifs définis est une obligation des détenteurs du pouvoir ou des forces de la Sécurité. Mais les détenteurs légitimes du pouvoir ne devraient pas se permettre d’effectuer des arrestations en contradiction avec les dispositions de la loi, car cela fait perdre sa légitimité à un Etat de droit et donne à penser à la population que sa sécurité n’est plus assurée. Cette façon de faire est en contradiction avec les conventions internationales, la Constitution ainsi que la législation vietnamiennes. »
(1) Voir dépêche EDA du 28 décembre 2011 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/vietnam/l2019arrestation-d2019un-jeune-catholique-de-vinh-revet-toutes-les-apparences-d2019un-kidnapping
(2) http://giaophanvinh.net/modules.php?name=News&op=viewst&sid=8048