Reporters sans frontières condamne l’attitude du gouvernement, qui a ordonné de placer les rédacteurs en chef des journaux du groupe Zimpapers sous surveillance électronique, du 3 au 15 août 2008, afin de mesurer leur fidélité au parti du président Robert Mugabe.
“En raison de cette décision illégale, le journaliste Bhekinkosi Ncube, rédacteur en chef du magazine Umthunywa, est suspendu depuis près de deux mois et risque de perdre son emploi. On lui reproche d’avoir envoyé un e-mail de sa boîte électronique privée insultant le président Robert Mugabe. Cette accusation est totalement infondée et prouve seulement que son courrier personnel était surveillé. Nous demandons la réintégration de Bhekinkosi Ncube au sein de sa rédaction, la destruction des données recueillies et l’ouverture d’une enquête pour atteinte à l’Interception Communications Act dont le gouvernement s’est rendu coupable”, a déclaré l’organisation.
Bhekinkosi Ncube a été suspendu au mois d’août pour avoir publié la photo du leader du Mouvement pour le changement démocratique (MDC, parti d’opposition au ZANU-PF – Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique, parti du président), Morgan Tsvangirai, avec la légende ”Walile u Tsvangirai” (“Tsvangirai refuse de signer”). Il était alors question que les deux partis se partagent le pouvoir après la défaite du ZANU-PF aux élections générales du 29 mars 2008.
Le 7 octobre à Harare, lors d’une audience concernant cette affaire, Justin Mutasa, le directeur du groupe de journaux publics Zimpapers, a révélé avoir placé ses journalistes sous surveillance électronique afin de savoir s’ils soutenaient le ZANU-PF. Il a ainsi autorisé le piratage de leurs boîtes électroniques privées à l’aide d’un logiciel de décryptage de mots de passe.
Justin Mutasa s’est néanmoins dédouané en affirmant que “les lignes éditoriales ne sont pas fixées par le directeur du groupe mais par le ministre de l’Information. […] A chaque début de mandat, le nouveau ministre appelle les rédacteurs en chef et leur expose ses attentes. Les rédacteurs doivent obéir”.
En mai, le rédacteur en chef de la Zimbabwean Broadcast Corporation (ZBC), Henry Muradzikwa, avait lui aussi été évincé de l’entreprise avec sept autres journalistes pour ne pas avoir suffisamment soutenu Robert Mugabe et le ZANU-PF pendant la campagne électorale.
Le groupe Zimpapers appartient pour 51% à la Mass Media Trust (MMT), créée par le gouvernement en 1980. Il est le groupe de médias imprimés le plus important du pays, regroupant six journaux publics, notamment The Herald, le quotidien le plus lu (45 000 exemplaires par jour).
En août 2007, le gouvernement a définitivement adopté l’Interception of Communication Act, autorisant l’Etat à intercepter les communications téléphoniques et les correspondances par e-mail ou télécopie, dans le but déclaré de "garantir la sécurité nationale". Toutefois, le piratage de données confidentielles n’est pas autorisé par cette loi.
Le Zimbabwe figure à la 151e place du classement mondial de la liberté de la presse 2008 publié par Reporters sans frontières. Y être journaliste reste un exercice à hauts risques, source de nombreuses frustrations et d’un harcèlement judiciaire permanent.
RSF 27.10.2008