et de gouvernement des pays membres à se pencher sur la question de la liberté des médias au Zimbabwe. L’organisation exprime sa profonde inquiétude devant la récente multiplication des atteintes à la liberté de la presse dans ce pays. En l’espace d’un mois, Reporters sans frontières a comptabilisé plus de onze atteintes à la liberté ou à la sécurité des journalistes, violences toutes restées impunies.
"Entre incidents en apparence anecdotique et véritables manœuvres du pouvoir pour mettre au pas les médias critiques, le Zimbabwe connaît ces dernières semaines une aggravation des atteintes à la liberté de la presse. Alors que Robert Mugabe veut précipiter l’organisation de l’élection présidentielle et que le gouvernement d’union nationale se désagrège progressivement, cette tendance est inquiétante", a déclaré l’organisation.
"Pendant quelques mois, ce gouvernement mis sur pied en 2009 avait apporté un peu d’espoir aux journalistes après une décennie bien sombre pour la liberté d’expression. Mais la recrudescence des violences, intimidations et arrestations arbitraires de journalistes, ainsi que le climat d’impunité persistant, poussent les professionnels des médias à l’autocensure. La SADC doit empêcher que le pays revienne en arrière et subisse à nouveau une répression brutale contre les voix indépendantes", a ajouté Reporters sans frontières.
Le 28 juillet 2011, la police de Bulawayo (Sud-Ouest) a arrêté Richard Muponde, reporter pour le quotidien indépendant NewsDay, et a intenté une action en justice contre lui pour "diffamation". Le journaliste avait écrit un article sur Christopher Mangisi, agent de l’Etat poursuivi pour avoir escroqué une femme âgée. Selon ce dernier, l’article était diffamatoire et le journaliste aurait dû le consulter avant de publier. Le procureur a finalement refusé d’engager les poursuites en raison de preuves insuffisantes.
Moins d’une semaine avant cette procédure judiciaire avortée, le 23 juillet, des nervis, suspectés d’être des partisans du ZANU-PF (parti au pouvoir), ont envahi le parlement zimbabwéen, à Harare, où des députés et représentants d’institutions s’étaient réunis pour discuter d’un projet de loi sur la commission des droits de l’homme. Les journalistes qui couvraient la rencontre ont été attaqués, dont Aaron Ufumeli, photographe en chef de la compagnie Alpha Media Holdings, qui publie les journaux NewsDay, The Independant et The Standard, et Lev Mukarati, journaliste pour l’hebdomadaire Financial Gazette. Aucun des assaillants n’a été inquiété.
La veille, le 22 juillet, deux journalistes du quotidien privé The Mail, dont l’anonymat est préservé pour raison de sécurité, ont été intimidés et menacés par le brigadier Douglas Nyikayaramba. Accrédités pour l’interviewer, les journalistes ont été forcés de s’enfuir après que le brigadier a menacé de leur tirer dessus s’ils ne cessaient pas de poser des questions "inopportunes". Les journalistes venaient d’évoquer la remarque faite par un membre du parlement, Tongai Matutu, qualifiant le brigadier "d’idiot".
Deux jours plus tôt, le 20 juillet, le journaliste Blessed Mhlanga avait été interpellé à Kwekwe (Centre) alors qu’il prenait des images en amont du lancement du Midlands Youth Dialogue, une organisation présidée par l’ambassadeur américain Charles A. Ray visant à consacrer le dialogue politique entre les jeunes. Conduit au commissariat central de police de Kwekwe, le journaliste a été interrogé et ses photos ont été effacées par les agents de police.
Le 15 juillet, la police de Ntabazinduna, en périphérie de Bulawayo, a arrêté Nqobani Ndlovu, journaliste pour The Standard, Pindai Dube et Oscar Nkala, journalistes freelance et correspondants du Daily News, et le journaliste freelance Pamenos Tuso. Les quatre journalistes ont été détenus pour avoir essayé de couvrir l’expulsion d’un officier de police, accusé de détenir des musiques favorables au parti Movement for Democratic Change (MDC) du Premier ministre Morgan Tsvangirai et licencié. Les journalistes ont été relâchés après plusieurs heures passées en détention au commissariat de police.
Ces violences, intimidations et détentions arbitraires sont d’autant plus alarmantes que le gouvernement a récemment menacé d’arrêter et de mettre en prison, selon une information diffusée par SW Radio Africa et confirmée par plusieurs sources de Reporters sans frontières, les journalistes qui prendraient l’initiative d’écrire des articles sur les thèmes discutés par le cabinet gouvernemental. Craignant que les dissensions internes au gouvernement de coalition soient relayées dans les médias et alimentent la contestation au sein de l’opinion publique, un arsenal juridique pourrait être déployé par les autorités zimbabwéennes pour museler la presse, en utilisant le code pénal ou le Zimbabwean Official Secrets Act, une loi condamnant les propos "préjudiciables à la sécurité et aux intérêts de l’Etat".
RSF